LEGEND, tome 1, le livre de MARIE LU

*L’espion nous observe les uns après les autres.
Une lueur de rage brille dans son regard. Des
filets de sang s’échappent de sa bouche et
coulent sur son front et ses cheveux avant de
tomber par terre. Dès qu’il s’agite, le
commandant marche sur la chaîne qui lui
enserre le cou.*
(Extrait : LEGEND, tome 1, Marie Lu, édition originale
XIWEI LU, 2012, traduction française chez Bragelonne,
2012. Littérature-jeunesse. Éd. Num. 290 pages.)

LEGEND est le récit de June, brillante jeune femme dont l’avenir est prometteur dans les hauts rangs de l’armée, et Day, le criminel le plus recherché du pays. Il sévit depuis des années sans que les autorités puissent lui mettre la main dessus. Un jour, le frère de June, Métias, officier de l’armée, est assassiné. June, persuadée que Day est responsable de ce meurtre, le traque sans relâche. June et Day vont finir par se rencontrer, d’abord sans rien savoir de leur identité, le temps que s’installent attirance et sentiments et avant que la vérité éclate. 

JUNE Vs DAY
*Le garçon jaillit de derrière la cheminée avant que
la malheureuse ait le temps de s’effondrer. Je me
fige. Le contrôle de la situation m’a échappé.
Personne ne devait être blessé ou tué. Le
commandant Jameson ne m’a jamais dit qu’elle
ferait abattre un prisonnier…*
(Extrait : LEGEND)

LEGEND est une dystopie. L’action se déroule dans un pays où les libertés individuelles sont étouffées. Le livre raconte l’histoire de deux jeunes ados de 15 ans que tout oppose…qui vivent dans des mondes complètement opposés et à qui pourtant l’auteur a attribué une nature et un caractère auxquels beaucoup de jeunes se reconnaissent ou s’identifient.

Il y a d’abord June paris, une jeune fille considérée comme un prodige, brillante, astucieuse, patriote jusqu’au bout des ongles et vouée à un avenir fort prometteur dans l’armée. Et puis il y a Daniel Wing, appelé DAY…un jeune hors-la-loi issu d’un taudis des bidonvilles qui entourent la ville. Day est intelligent, futé, plutôt beau garçon et il a soif de ce que sa société lui refuse résolument : la liberté.

Un jour, June est appelée à remplacer son frère Métias assassiné comme officier de l’armée. Elle est convaincue que c’est DAY le meurtrier. L’histoire est un crescendo d’action soutenue qui dirige graduellement les deux jeunes héros vers la vérité. Au départ, il s’agit d’une histoire de vengeance.

En fait, l’histoire se compose de deux récits en alternance…DAY…June…DAY…June…jusqu’à la fin. Chacun se raconte à son tour. Ici, la les mécanismes de la convergence sont tout à fait prévisibles. C’est la faiblesse du livre.

Mais il faut voir de quelle façon les sentiments de June envers DAY et aussi envers le système se modifieront, pour ne pas dire s’inverseront, au fur et à mesure que la vérité se précisera. Ça, c’est le côté génial du livre : la psychologie et la force de nos jeunes héros.

De sa plume alerte et intelligente, Marie Lu a lancé comme un défi au lecteur en semant, à des moments judicieusement choisis des indices sur ce qui, finalement transformera June dans tout son être.

LEGEND est une belle histoire qui met donc en scène deux jeunes personnages séparés par une raison d’état pourrie et sans scrupule, mais qui finissent par se comprendre… il faut voir comment…c’est plus qu’une simple amourette. Il y a dans ce récit la recherche d’une vérité qui m’a agrippé.

J’ai été enthousiasmé par la lecture de ce livre. Il n’est pas très long, il se lit en quelques heures. Malgré ses petits aspects prévisibles, c’est un livre fort. J’ai déjà noté que d’une dystopie à l’autre, les mêmes thèmes reviennent souvent.

Mais dans LEGEND, j’ai relevé deux points intéressants : Marie Lu plonge le lecteur rapidement et avec un remarquable savoir-faire dans l’atmosphère et le contexte social de l’histoire et elle livre ici et là dans son récit d’intéressantes réflexions qui manquent souvent dans cette tendance littéraire qui souffre d’épuisement : la dystopie.

Le récit ne présente aucune longueur ni redondance. L’écriture est fluide, directe et laisse absorber au lecteur beaucoup d’émotion. En passant, je me suis demandé pourquoi Daniel Wing est surnommé DAY et pourquoi ce surnom est devenu le titre.

C’est brièvement mais clairement expliqué vers la fin de l’histoire. C’est comme si ça venait résumer toute l’existence de Day…bien pensé… J’ai vraiment passé un bon moment de lecture. Vivement…les deux autres tomes…

Suggestion de lecture : LE TOUR D’ÉCROU, de Henry James

Marie Lu est une romancière américaine née en 1984 née à Wuxi en Chine. Elle n’avait que 5 ans quand sa famille s’est installée aux États-Unis. Passionnée de lecture, elle s’est mise très tôt à l’écriture et s’est spécialisée dans les dystopies. C’est sa série LEGEND en trois tomes qui lui a valu la renommée. On dit que le film LES MISÉRABLES a inspiré Marie Lu pour la création de DAY, un jeune hors-la-loi de génie. Elle continue d’écrire autant pour les jeunes que pour les adultes.

 

Bonne lecture,
Claude Lambert
le 23 septembre 2018

LE SPECTRE DU LAC, livre d’HERVÉ DESBOIS

*Même si elle n’a aucune explication, Mégane
est maintenant persuadée que ce qu’elle a vu
va se produire ici même, dans ce village. Oui
mais quand? Demain? Dans une semaine?
Dans un mois? Cette nuit?*

(Extrait : LE SPECTRE DU LAC, Hervé Desbois,
Éditions de Mortagne, 2016, édition de papier,
377 pages, littérature jeunesse québécoise)

Pour fêter la fin de l’année scolaire, une classe de jeunes élèves se retrouve pour une semaine entière dans un centre de plein air des Hautes Laurentides au Québec. Pour Mégane et son meilleur ami Nicolas, ce séjour , qui s’annonçait pourtant très bien , pourrait bien tourner au cauchemar car depuis qu’elle a 12 ans, l’adolescente est hantée par des visions sur lesquelles elle n’a aucun pouvoir. Or, dès son arrivée, Mégane est hantée par des rêves terrifiants qui deviennent de plus en plus réels. Avec l’aide de Nicolas, Mégane va tenter de résoudre ce mystère entourant l’arrivée de ce fantôme et qui coïncide bizarrement avec la mort suspecte d’un habitant du village. 

UNE CONNEXION DE MONDES PARALLÈLES
*…le corps soudain agité de violents tremblements,
Mégane prend conscience qu’elle est en train de
sombrer dans une obscurité plus opaque que la
pire des nuits sans lune. Comme on se noie dans
les eaux noires et glacées d’un lac. Est-ce ça la mort?
(Extrait : LE SPECTRE DU LAC)

Je sais que les histoires de fantômes, de spectres et d’ectoplasmes sont très répandues en littérature. À ce titre, le livre d’Hervé Desbois peut ne pas paraître très original et pourtant, je lui ai trouvé un cachet particulier. Je crois que ce récit devrait plaire aux jeunes à cause de ses personnages.

Le personnage principal est Mégane Prégent. Elle a 13 ans. Cette jeune fille a un don très spécial…un don médiumnique et même kinésique. Elle fait des rêves à caractère prémonitoire. Depuis près d’un an, elle a des visions sur lesquelles elle n’a aucun pouvoir. À ses côtés : le meilleur ami de Mégane, Nicolas.

Dans le récit, un spectre semble bel et bien avoir choisi Mégane pour étancher sa soif de vengeance. C’est pendant un voyage de fin d’année scolaire dans un camp de vacance que le spectre va pousser Mégane et Nicolas à aller au bout de cette histoire.

Il y a de tout dans ce livre pour plaire aux jeunes lecteurs : un phénomène paranormal avec du danger, une histoire captivante avec des revirements et des rebondissements et surtout, des personnages attachants, Mégane, Nicolas, Cassandre et même le dur de dur de l’école Jean-Christophe qui ne manque pas une occasion d’embêter nos jeunes héros.

Il y a de tout donc pour que les jeunes lecteurs se reconnaissent à une exception près : Mégane fait partie d’un très faible pourcentage de la population possédant un don médiumnique.

En cours de lecture, je me suis posé des questions : qu’est-ce que je ferais avec un don pareil? Est-ce que ça gâcherait ma vie? Est-ce que ça me permettrait de sauver des vies? Et qu’en serait-il de ma qualité de vie? Donc, je me suis senti interpelé par le livre, par l’histoire et l’étrange atmosphère qui s’en dégage.

Alors je me suis laissé glisser dans cette histoire qui se passe au Québec, je le rappelle, grâce à une écriture fluide et un langage accessible dépourvu de tout caractère infantilisant. J’ai accroché dès le début d’ailleurs :

*Ça veut dire quoi être normale? Avoir beaucoup d’amis avec qui parler et rigoler? Sortir avec un gars qui porte des jeans en bas des fesses et des espadrilles pas lacées?…se chicaner avec ses parents…?…Ou peut-être avoir le dernier téléphone intelligent…? … Et si c’était ne surtout pas être comme moi? (extrait)

La conclusion laisse supposer une suite ou tout au moins fait place à l’idée d’une suite, car au moment d’écrire ces lignes, je ne connais pas les intentions de l’auteur. Mais l’idée serait très intéressante. Je n’hésite donc pas à recommander LE SPECTRE DU LAC une histoire captivante qui devrait beaucoup intéresser les ados et tous les âges en fait.

Suggestion de lecture : JÉRÔME ET SON FANTÔME, de Sylvie Brien

Hervé Desbois est comédien et écrivain né en France. Ancien fonctionnaire, il a fait un saut heureux en 1998 dans l’univers de la musique, du cinéma et de la littérature ce qui l’a amené à côtoyer de nombreuses stars dont David Bowie, et Angelina Joli. Installé au Québec, Hervé Desbois fait preuve d’une remarquable polyvalence, œuvrant à la production de publicité, films, téléséries, écrivant des chansons entre autres pour Bruno Pelletier et Véronic Dicaire en plus d’une quinzaine de livres dont un en littérature jeunesse avec LE SPECTRE DU LAC, le prix Victor-Martyn-Lynch-Stauton 2015.

BONNE LECTURE

Claude Lambert
le samedi 22 septembre 2018

 

HISTOIRES EXTRAORDINAIRES, recueil d’EDGAR ALLAN POE

*Arrivés à une vaste pièce située sur le derrière, au quatrième étage, et dont on força la porte qui était fermée, avec la clef en dedans, ils se trouvèrent en face d’un spectacle qui frappa tous les assistants d’une terreur non moins grande que leur étonnement* (Extrait : HISTOIRES EXTRAORDINAIRES, Edgar Allan Poe, Elit éditions, 2014, première publication en France en 1856, Traduction par Charles Beaudelaire, édition
numérique, 250 pages.)

HISTOIRES EXTRAORDINAIRES est un des grands classiques de la littérature. Ce recueil réunit les nouvelles d’Edgar Allan Poe : DOUBLE ASSASSINAT DANS LA RUE MORGUE, LA LETTRE VOLÉE, LE SCARABÉE D’OR, LE CANARD AU BALLON, AVENTURE SANS PAREILLE D’UN CERTAIN HANS PFAAL, MANUSCRIT TROUVÉ DANS UNE BOUTEILLE, UNE DESCENTE DANS LE MAELSTROM, LA VÉRITÉ SUR LE CAS DE M. VALDEMAR, RÉVÉLATION MAGNÉTIQUE, SOUVENIRS DE M. AUGUSTE BEDLOE, MORELLA, LIGEIA, METZENGERSTEIN. On y trouve tous les genres qui ont fait la notoriété d’Edgar Allan Poe : étrange, fantastique, intrigue policière, horreur, paranormal, mystère, peur…terreur, suspense. Un incontournable de l’univers littéraire traduit par un admirateur inconditionnel de Poe : Charles Baudelaire.

POE LE PRÉCURSEUR
*Ces neuf dernières heures ont été
incontestablement les plus enflammées
de ma vie. Je ne peux rien concevoir de
plus enthousiasmant que l’étrange
péril et la nouveauté d’une pareille
aventure. Dieu veuille nous donner le
succès*
(Extrait : HISTOIRES EXTRAORDINAIRES,
LE CANARD AU BALLON)

C’est vrai. HISTOIRES EXTRAORDINAIRES est un incontournable de la littérature, un petit chef d’œuvre dans le genre, mais pas nécessairement à cause de la qualité ou la valeur des textes mais parce que Poe, sans être nécessairement le Père de la littérature policière, de science-fiction ou de fantastique, a donné une direction à ces genres littéraires. Il a jeté les bases. Je n’ai pas vraiment été emballé par LES HISTOIRES EXTRAORDINAIRES mais je dois dire que j’ai été subjugué par l’acuité intellectuelle de l’auteur.

Le problème avec Poe est qu’il s’étend très longtemps sur des détails techniques, des postulats scientifiques, de savantes démonstrations de logique et de déductions. Ça s’étend sur de nombreuses pages. Les intrigues sont noyées…les mystères dilués. Je ne suis pas surpris que ces histoires aient marqué leur temps mais elles sont aujourd’hui dépassées.

Malgré tout, j’ai apprécié les HISTOIRES EXTRAORDINAIRES car la lecture m’a permis de comprendre le rôle important qu’a joué Edgar Allan Poe dans l’évolution de la littérature. Je ne crois pas exagérer en disant que dans les genres POLARS, SCIENCE-FICTION, FANTASTIQUE et LITTÉRATURE POLICIÈRE, Poe a été un précurseur. Il a influencé des auteurs devenus des maîtres de la littérature…des incontournables comme Jules Verne dont la richesse descriptive des récits est tout à fait remarquable.

Poe a aussi influencé Conan Doyle dans la création de Sherlock Holmes devenu l’archétype du détective privé et qui n’a pas tardé à éclipser le chevalier Auguste Dupin, le fin limier créé par Poe. Avec son génial détective qui n’hésite pas lui non plus à s’étendre sur les détails de sa logique, Conan Doyle a complètement rénové la littérature policière et Edgar Allan Poe n’y est pas du tout étranger.

J’ai aussi senti l’influence sur plusieurs autres auteurs comme Agatha Christie dont le fameux détective Hercule Poirot est un puits de science et de raisonnement et même sur Fenimore Cooper qui a donné à son personnage NATTY BUMPER appelé œil de faucon un incroyable pouvoir descriptif…un langage du cœur qui confine parfois à la poésie. Et que dire de l’influence de Poe sur le cinéma…

Voilà pourquoi j’ai passé un bon moment avec les HISTOIRES EXTRAORDINAIRES. C’est vrai. Ses histoires ont vieilli mais j’ai pu me mettre dans la peau d’un pionnier aux extraordinaires talents et à l’insatiable soif de connaissances sans compter le regard critique qu’il jette sur la nature humaine. Poe demeure un maître…respect.

Suggestion de lecture : PETITES HISTOIRES DE LA MYTHOLOGIE, d’Hélène Montardre

Quelques histoires extraordinaires

           

LA SUITE

 Edgar Allan Poe (1809-1849) est un romancier, dramaturge, poète, nouvelliste et critique littéraire américain natif de Boston. Il compose ses premiers poèmes. Malgré son alcoolisme chronique, il connaîtra beaucoup de succès jusqu’en 1845 où il publie LE CORBEAU dont le succès est particulièrement fulgurant. C’est après que Poe connaîtra une déchéance irréversible, sombrant dans une misère extrême jusqu’à sa mort consécutive à une crise de delirium tremens vers la fin de 1947.

La Critique contemporaine situe Poe parmi les plus remarquables écrivains de la littérature américaine. Il a été reconnu et défendu par des auteurs célèbres dont Charles Baudelaire qui est devenu son traducteur officiel.

QUELQUES FILMS ADAPTÉS DES LIVRES D’EDGAR ALLAN POE

    

C’est le cycle Edgar Allan Poe qui a valu au cinéaste américain Roger Corman une réputation internationale. Il s’est entouré pour ses projets d’une équipe *d’inconditionnels* : l’écrivain Richard Matheson, les scénaristes Charles Beaumont et Charles Griffith.

Plusieurs acteurs sont sollicités dont Boris Karloff, Peter Lorre et bien sûr Vincent Price qu’on retrouve dans tous les films du cycle, des productions cinématographiques à la mise en scène particulièrement soignée donnant un remarquable résultat artistique.

LA CHUTE DE LA MAISON USHER inaugurera le cycle en 1960 et suivront : LA CHAMBRE DES TORTURES en 1961, L’ENTERRÉ VIVANT et L’EMPIRE DE LA TERREUR en 1962, LE CORBEAU, considéré comme un chef d’œuvre, sorti en 1963 avant LA MALÉDICTION D’ARKHAM, LE MASQUE DE LA MORT ROUGE et LA TOMBE DE LIGEIA en 1964.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le dimanche 27 mai 2018

 

LES CHRONOLITHES, livre de ROBERT-CHARLES WILSON

*Lorsque l’expédition s’est approchée du cœur de la cité, le chronolithe a commencé à apparaître dans chaque plan. De loin, dominant le fleuve, ou de près, imposant dans la mi-journée tropicale. Le monument était d’une propreté ahurissante. Les oiseaux et les insectes eux-mêmes l’évitaient.*(extrait de LES CHRONOLITHES de Robert-Charles Wilson, Folio, t,f, Éditions Denoël, 2003, 295 pages, num.)

En Thaïlande, un américain est témoin de l’apparition d’un énorme et mystérieux obélisque venu d’on ne sait où. Cette structure parfaite qu’on appellera CHRONOLITHE est faite d’une matière inconnue, apparemment impénétrable. Dans les années qui suivent, les apparitions de Chronolithes se multiplient partout dans le monde  et graduellement rendent l’équilibre de la planète extrêmement précaire. La vie de Warden bascule lorsqu’une femme ayant développé une expertise des  Chronolithes lui apprend qu’il aura un rôle à jouer dans cette histoire et qu’il pourrait peut-être éviter le cataclysme final.

CAUCHEMAR…UN PRÉSENT DU FUTUR

*La présence du monument à cet endroit-là
était en soi d’une étrangeté aveuglante,
et pourtant, on ne pouvait se méprendre
sur sa solidité ni sur son poids, sa taille ou
sa stupéfiante incongruité…*
(extrait : LES CHRONOLITHES)

LES CHRONOLITHES est le récit de Scott Warden qui, à 70 ans, fait un retour sur les évènements dramatiques qui ont marqué sa vie : l’apparition, la multiplication dans le monde de mystérieux et énormes monuments commémorant les victoires à venir (20 ans plus tard) d’un mystérieux personnage, conquérant et guerrier, appelé KUIN, ainsi que le chaos géopolitique qui va s’ensuivre et bouleverser l’ensemble de l’humanité.

Bien que les sauts et les paradoxes temporels et la lente évolution de l’effet Papillon vers la théorie du chaos soient des thèmes très répandus et très chers à la littérature de science-fiction, le sujet du livre est très original et développé de façon intelligente et crédible en plus de véhiculer des questionnements aussi sérieux que complexes : comment le futur peut venir influencer le présent? Peut-on changer le futur? Les coïncidences et le hasard sont-ils plausibles?

Toute la richesse du récit repose à mon avis sur le bouleversement social engendré par l’apparition dramatique de ces monuments appelés CHRONOLITHES, ce qui n’est pas sans nous faire réfléchir sur les influences qui modèlent les courants de pensée et les comportements de masse.

Par exemple, dans ce récit, il se développe autour des chronolithes et de l’effigie de Kuin une philosophie, un mode de pensée et de vivre et surtout une déstabilisation à l’échelle mondiale de l’ordre établi.

L’humanité se divise en deux grandes factions : PRO-KUIN et ANTI-KUIN. Comme il est impossible de ne pas prendre position, le tout prend l’allure d’une guerre de religion, sans même savoir vraiment qui est Kuin et ça c’est un élément qui a monopolisé mon attention. Voici un extrait qui exprime parfaitement ma pensée :

*Il semble évident que c’était justement parce qu’on ignorait qui était KUIN que cela le rendait dangereux. Son programme se réduisait à la conquête, son idéologie à la victoire ultime. En ne promettant rien, il promettait tout.* (extrait de LES CHRONOLITHES) Le fait que KUIN soit devenu graduellement une idée, une mythologie, un symbole universel est l’élément qui fait toute la richesse et la complexité du récit.

Donc LES CHRONOLITHES est un livre riche et passionnant et dont le réalisme, sur le plan social frappe l’esprit de façon parfois effrayante. Il a une petite faiblesse, du moins en ce qui me concerne : l’histoire n’est pas suffisamment développée sur le plan scientifique.

On y évoque des théories avérées comme la relativité et les déplacements temporels et on y trouve des théories pour les besoins du récit, un peu pâteuses comme la Turbulence Tau, mal définie et peu expliquée. Mais c’est très personnel comme opinion et il est très possible et même probable que ce soit tout à fait voulu par l’auteur.

Je vous recommande donc LES CHRONOLITHES en particulier pour les interrogations que l’ouvrage soulève. Par exemple, comment la croyance profonde d’un futur défini peut-elle pousser celui-ci à se réaliser. Vu l’état actuel de la situation sur la terre, quelle sorte de futur sommes-nous en train de préparer? Que sera demain compte tenu de la logique des faits actuels?

C’est un roman profondément humain qui pose les bonnes questions.

Suggestion de lecture : L’odyssée du temps, d’Arthur C. Clarke

Robert-Charles Wilson (1953-    ) est né en Californie. Il écrit ses premières nouvelles dans les années 70 et ses premiers romans dignes d’intérêt sont livrés à la fin des années 90 : Darwinia et Mysterium. Wilson est lauréat de nombreux prix. LES CHRONOLITHES s’est vu décerné le prix John W Campbell en 2002. SPIN, écrit en 2007,  son œuvre la plus remarquable s’est vue remettre le prix HUGO du meilleur roman en 2006 et le grand prix de l’imaginaire en 2007.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
3 JUILLET 2016

L’ACCORDEUR DE PIANO, le livre de Pascal Mercier

*J’attendis que cédât en moi cette grande pression intérieure comme lorsqu’on a enfin surmonté un obstacle. En vain. Je sus alors que quelque chose n’allait pas.*
(Extrait : L’ACCORDEUR DE PIANO,  Pascal Mercier, Meta-Éditions, 2008, édition de
papier, 510 pages)

Un ténor célèbre est abattu d’un coup de pistolet sur la scène de l’opéra de Berlin alors qu’il était en pleine représentation de Tosca de Puccini : L’assassin est identifié : il s’agit d’un accordeur de piano. Ses enfants, les jumeaux Patrice et Patricia regagnent le foyer familial afin de comprendre ce qui a poussé leur père, accordeur réputé mais piètre compositeur à commettre ce meurtre. C’est en sondant le passé de leur père que les jumeaux vont découvrir la cause de son désespoir et de celui de toute la famille. Est-il possible que le crime ait été orchestré par la musique ou qu’il ait un lien avec celle-ci? 

LA MUSIQUE COUPABLE
*…Succès. C’était le mot devant lequel je
M’étais enfui et que je ne voulais plus
jamais entendre. Quoique fût ce qui
avait envoyé Père en prison, l’idée de
succès y avait joué un rôle, j’en étais
sûr.
(Extrait : L’accordeur de piano)

 Avant d’entreprendre la lecture de L’ACCORDEUR de piano, j’étais stimulé par plusieurs critiques élogieuses que j’ai lues sur ce livre de Pascal Mercier… Beaucoup de commentaires pour le moins flatteurs. Malheureusement, j’ai déchanté au fil des pages.

Le récit évoque l’histoire d’une famille un peu dégénérée, en commençant par le père et époux : Frédéric Delacroix, un musicien raté dont la vie s’enlise dans un déni total de son incapacité à créer de grandes œuvres musicales. Sa vie se résume en d’*amères expériences du foyer et les nombreuses humiliations subies dans sa recherche de reconnaissance*. (extrait)

Ensuite, il y a la mère, une morphinomane qui est loin de ce qu’on pourrait appeler une enfant de Marie. Finalement, il y a les jumeaux : Patrice et Patricia dont l’amour qui les unit va un peu plus loin que le simple amour fraternel si vous me suivez bien.

Dans ce livre, les jumeaux communiquent entre eux par le biais de cahiers qui expliquent finalement une sorte de malédiction qui pèse sur la famille avec une énorme quantité de détails, dont beaucoup sont insignifiants,  qui se coupent et se recoupent. Ces cahiers sont aussi préparatoires à la séparation définitive des jumeaux.

Il y a sept cahiers pour chaque jumeau. Cela donne à l’œuvre une forme littéraire un peu particulière qui ne m’a pas vraiment emballé. Je précise aussi que le drame est annoncé dès le départ : un célèbre ténor est abattu en plein concert, devant tout le monde, par Delacroix.

Par l’entremise des cahiers, les jumeaux tente d’expliquer le geste du père, et ce faisant, dévoilent des secrets fort dérangeants sur l’histoire de la famille. C’est loin d’être simple.

Ce n’est pas facile de commenter un tel livre. D’une part, l’écriture est d’une magnifique richesse, dans une excellente traduction (de l’allemand au français) mais d’autre part, j’ai été déçu par la pauvreté du sujet. L’ensemble est lourd, indigeste avec des longueurs assommantes.

L’histoire est complexe et je me suis souvent perdu dans des sommes de détails dont l’utilité m’apparaissait douteuse. J’ai trouvé agaçant de ne pas trouver plus de rythme, de légèreté, de simplicité,  dans un livre où on parle de musique à peu près à chaque page.

C’est un roman glauque pas facile à lire sans se perdre tellement le récit est éclaté. Il n’y a pas de repères, pas de fil conducteur et il n’y a pas d’ordre chronologiques dans les évènements. Toutefois, je ne considère pas avoir perdu mon temps car j’ai savouré la beauté de l’écriture, la richesse des mots. Sous cet aspect, je considère que l’ouvrage nous pousse à une réflexion sur l’écriture et aussi sur la complexité de la famille.

Il appartient évidemment au lecteur d’aller chercher dans le récit ce qui le fera vibrer.

Suggestion de lecture : PASSÉ À VIF, de Lisa Jackson

Pascal Mercier, de son vrai nom Peter Bieri est un écrivain et philosophe suisse de langue allemande né à Berne le 23 juin 1944. De 1993 à 2007, il a été titulaire de la chaire de philosophie des langues de l’Université Libre de Berlin, mais il est surtout connu du public pour ses romans, plusieurs ayant été traduits en français comme LE SILENCE DE PERLMAN en 1995, LÉA en 2011 et bien sûr L’ACCORDEUR DE PIANO en 1998.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
MARS 2016

LA TRAHISON PROMÉTHÉE, le livre de Robert Ludlum

 *Restez couchée! Souffla Bryson en levant son Uzi pour tirer une rafale dans la direction générale de son ennemi. Mais sans grand effet; le tueur continuait à approcher de son allure tranquille.* (Extrait : LA TRAHISON PROMÉTHÉE, Robert Ludlum, t.f. : Éditions Grasset et Fasquelle, 2001, 730 pages.)

Après 15 ans au service d’une agence ultrasecrète américaine appelée LE DIRECTORAT, l’agent Nicholas Bryson apprend que son employeur n’est pas du tout au service du gouvernement américain, mais plutôt associé à un mystérieux groupe terroriste appelé PROMÉTHÉE, profondément infiltré dans les plus hautes sphères des puissances économiques et militaires, telles la Chine, la Russie, la France et bien sûr les États-Unis.  

Bryson, dont la désillusion est cruelle, est recruté par la CIA pour mettre fin aux agissements de cet envahisseur tentaculaire qui s’étend telle une infection et dont les agissements confinent à la folie et au cauchemar en utilisant les technologies les plus raffinées pour manipuler, déstabiliser et tuer. Devant les complots, les trahisons et la paranoïa, la vie de Bryson ne tient qu’à un fil.

DES ESPIONS QUI ESPIONNENT DES ESPIONS
*-Et pour finir, la dernière gâterie, lui
murmura la blonde à son oreille.
Il eut à peine le temps de voir le
fil de fer tranchant comme une
lame qu’elle passait en un éclair
autour de son cou…*
(Extrait : LA TRAHISON PROMÉTHÉE)

C’est un livre intéressant, très captivant mais il faut le lire avec attention et concentration car le récit, changeant parfois de direction, est développé sous le thème complexe de l’espionnage et du contre-espionnage. Suite à la lecture de ce livre, j’ai fait une recherche et j’ai réalisé que Ludlum s’est bien documenté.

En effet, dans les pays du G7 on ne compte plus les agences de renseignements, services secrets et autres obscurs départements dont certains existent sans avoir d’existence officielle et même des agences qui surveillent d’autres agences. Je me suis même demandé si l’administration des salaires de ces gouvernements savaient qui ils payaient et pourquoi?

Le coup de génie de Ludlum repose sur la vraisemblance et l’actualité du sujet. PROMÉTHÉE est en effet une organisation extrêmement puissante, riche et influente qui se propose d’installer un système de surveillance très étroite des individus, et ce à l’échelle planétaire faisant ainsi de la vie privée rien d’autre qu’une chimère.

Or, tout le monde sait que, qui contrôle l’information parfaitement contrôle tout le reste. Pour donner une couverture légale à son action, PROMÉTHÉE tente de faire voter par un maximum de pays un traité de surveillance et de sécurité qui n’est rien d’autre qu’un système de surveillance planétaire rendant les gouvernements obsolètes.

Le héros de l’histoire, Nicholas Bryson est un agent que le directorat, une autre de ces obscures agences ultra secrètes, a manipulé pendant plus de 15 ans. Je ne vais pas dévoiler ici de quelle façon, mais Bryson a connaissance du complot PROMÉTHÉE et c’est ici que le fil conducteur de l’histoire devient d’une remarquable efficacité : Bryson risquera le tout pour le tout afin d’empêcher la catastrophe.

il ira de pays en pays, subissant de multiples blessures, frôlant la mort, victime de trahison et de tromperie. L’auteur ne lui réserve que peu de repos. Plusieurs critiques comparent Bryson à James Bond mais je crois qu’il est infiniment plus malmené et dispose de moins de moyens. Il ne sait plus à qui se fier, la trahison et la mort l’entourent.

Une fois que j’ai bien saisi l’enchevêtrement des arcanes de cet incroyable pouvoir menant au contrôle de la planète, je me suis laissé emporter par le rythme soutenu imposé par l’auteur : beaucoup d’action, de rebondissements et s’ajoute à cela de la violence, de la haute technologie et enfin une plume tellement habile qu’elle propulse le lecteur dans l’histoire lui donnant l’impression d’être un personnage du livre.

J’ai dévoré ce livre, d’autant qu’il touche une corde sensible de notre société : la protection de la vie privée et des renseignements. J’ai été comblé par l’histoire mais je me suis retrouvé à la fin avec des questionnements dont je crains un peu les réponses si jamais on venait à me les donner : quel héritage ai-je laissé sur Internet, mes courriels, mes comptes électroniques?

À quel point ma signature électronique peut se retourner contre moi? N’importe qui, mal intentionné ou non peut-il tout savoir sur moi? Suis-je surveillé?

Remarquez que je n’ai pas développé de paranoïa, mais LA TRAHISON PROMÉTHÉE est un livre qui, en plus de nous propulser dans une action soutenue et de forte intensité est aussi porteur de questionnement sur les éléments qui contrôlent notre vie et sur le pouvoir magistral donné à celui ou ceux qui contrôlent l’information.

C’est un bon livre…il sent la décadence, mais il est fort excitant.

Suggestion de lecture : LE DOSSIER MÉTÉORE, de Benjamin Faucon

Robert Ludlum (1927-2001) était un écrivain américain connu aussi sous les pseudonymes de Jonathan Ryder et Michel Shepherd. Très tôt, il est attiré par le théâtre mais la carrière militaire prend le dessus. Après la guerre, il devient comédien, metteur en scène avant de se tourner vers l’écriture au début des années 70.

Depuis L’HÉRITAGE SCARLATTI publié en 1971, plusieurs de ses romans seront considérés comme des chefs d’œuvre. L’ensemble de son œuvre comprend 26 romans traduits dans 32 langues, l’adaptation au cinéma de quatre livres de la série JASON BOURNE et plusieurs films tirés de ses autres romans dont LE WEEK-END OSTERMAN par Sam Peckinpah .

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
AVRIL 2016

I V, un livre intrigant de RAPHËL GRANGIER

*Eh bien voilà, l’objet utilisé pour réaliser les inscriptions dans le corps de votre victime, était bien un harpon, inspecteur…* (Extrait : I V, Raphaël Grangier, Paul & Mike Éditions, 2014, numérique 510 pages)

L’histoire a pour cadre le Connemara, une très belle région située dans l’ouest de l’Irlande. Un jour, en plein cœur du Connemara, un chalutier emprisonne dans ses filets un corps humain meurtri et sans visage. Deux lettres gravées dans la chair du cadavre : I V laissent supposer un meurtre. Quelques jours après cette pêche cauchemardesque, une jambe et deux doigts humains son repêchés. On y trouve les mêmes lettres gravées dans la chair. Deux policiers aux méthodes complètement différentes vont devoir s’unir pour résoudre ce mystère…une enquête qui risque de mettre à nu quelques secrets parmi les plus inavouables d’Irlande. 

HISTOIRE VENGÉE
*Vous avez tué des innocents, gratuitement,
reprend Andrew d’une voix sourde. Leur
seul tort était d’être anglais. Vous vous
êtes servi de l’histoire entre nos deux pays
pour assouvir votre besoin de vengeance.*
(Extrait : I.V.)

J’ai beaucoup aimé la lecture de ce livre pour plusieurs raisons. D’abord l’originalité du sujet. Je reviendrai là-dessus un peu plus loin. Ce qui m’a d’abord sauté aux yeux, c’est que tout le livre est imprégné de l’Irlande : un magnifique pays d’Europe de l’ouest, au passé tourmenté et qui revendique toujours son identité celtique. I.V., c’est l’Irlande dans sa mentalité, sa culture, son caractère et surtout son histoire.

I.V. : deux lettres gravées dans la chair d’un cadavre imposeront la tenue d’une enquête complexe mais palpitante qui s’imprègnera graduellement de la tragique histoire de l’Irlande. Deux enquêteurs disparates : Andrew Richards, dépêché par la criminelle de Londres et Nuala McFeen de la police de Dublin seront contraints de collaborer dans cette difficile enquête qui mettra à nus des secrets très dérangeants et dont l’Irlande ne doit pas être fière.

Ce que j’ai le plus apprécié dans ce livre est qu’il repose sur l’histoire trouble de l’Irlande. Pour avancer dans l’enquête, les policiers ont dû s’attabler pour étudier et surtout comprendre l’histoire de l’Irlande et elle n’est pas simple.

Voilà la grande originalité du récit : on ne peut résoudre l’affaire qu’en passant par l’histoire. Pour mieux apprécier l’objectif de l’auteur, j’ai fait une recherche parallèle sur l’épisode spécifique de l’histoire de l’Irlande qui se rattache au récit de Grangier.

I.V. fait donc référence à la guerre d’indépendance irlandaise, appelée aussi Tan War, c’est-à-dire la campagne de guérilla qu’a mené l’IRA, l’Armée Républicaine Irlandaise contre la police royale irlandaise, l’armée britannique et les Black and Tans en Irlande et qui fit rage de 1919 à 1921, préludant à la naissance de l’Irlande du Nord..

Je ne rentrerai pas dans les détails, ce serait trop long ici. Je me contenterai de dire que cette guerre a donné lieu à des horreurs innommables et ça transpire dans le livre de Grangier.

Ma petite recherche m’a permis de constater que les éléments historiques ont été intelligemment imbriqués dans le récit de Grangier. I.V. est en fait une histoire de vengeance historique. Une bonne partie de la résolution du mystère se trouve dans le titre du livre, mais je ne gâcherai certainement pas le plaisir du lecteur en continuant sur cette voie.

Enfin, j’ai été surpris par la finale de l’histoire. En effet, alors que je croyais l’enquête terminée et l’affaire classée, voilà qu’un détail troublant vient tout faire basculer et relance l’investigation. Pour moi, le dénouement du récit était totalement inattendu.

En conclusion, I.V. est un excellent polar qui m’a plongé dans une forme inespérée de fascination. C’est un récit fluide et rythmé qui nous tient en haleine du début à la fin.

Suggestion de lecture : AMERICAN GODS, de Neil Gaiman

Je n’ai pas trouvé beaucoup de détails sur le parcours de Raphaël Grangier. C’est sans doute normal car au moment d’écrire ces lignes, Grangier est un auteur émergent qui écrit depuis deux ans seulement et I.V. est son premier roman, paru en 2014. Je crois que c’est prometteur.

Quant à ce que je sais de son parcours, disons que Raphaël Grangier est un technicien supérieur en mécanique. Il a travaillé plusieurs années en sous-traitance avionique avant de devenir professeur certifié en sciences et technologies. I.V. est son premier ouvrage à compte d’éditeur. Souhaitons qu’il y en ait d’autres

Comme je le disais,  concernant Raphaël Grangier, au moment de publier cet article, il y a peu de détails disponibles sur internet. Même sa page Facebook est maigre, mais elle s’enrichira sans doute avec le temps. Voici l’adresse pour les intéressés :

https://fr-ca.facebook.com/AngeR2009

BONNE LECTURE
MARS 2016/Claude Lambert
JAILU

CRIMES ET JEANS SLIM, livre de LUC BLAINVILLAIN

*Adé avait aussi institué la dispute obligatoire.
C’était le vendredi soir, quand les tensions de
la semaine s’étaient accumulées. Ils se
donnaient une demi-heure pour se disputer à
mort.*
(Extrait : CRIMES ET JEANS SLIM, Luc Blanvillain,
librairie général française, 2013, 239 pages)

CRIMES ET JEANS SLIM raconte l’histoire d’Adée, une adolescente de 15 ans qui, pour ne pas se faire remarquer des filles de son âge au lycée, turbulentes et rebelles, décide de devenir la pire de toutes : elle devient fashion, méchante, moqueuse et adopte le style éclaté de ses camarades, évitant ainsi leurs moqueries et leurs brusqueries. Ça fonctionne jusqu’au jour où un tueur en série se pointe dans le décor cherchant justement à abattre les filles du genre *pétasse* et *pouffe*.  Avec ses amis, Adée décide de mener sa propre enquête. Devra-t-elle quitter les grands airs qu’elle a choisi de se donner?

LA TRIPLE VIE D’ADÉLAÏDE
sage à la maison, fashion à l’école et entre les deux :
DÉTECTIVE

*Adélaïde venait d’atteindre sa quinzième année.
Trois ans plus tôt, toutes ses copines étaient
devenues des monstres. C’était normal, vers 12
ans, les filles deviennent des monstres. Elles
rient avec des yeux terrifiants. Les garçons me
direz-vous, c’est un peu pareil. Oui, mais dans
cette histoire, ce sont des filles qui vont mourir.
Principalement.
(Extraite : CRIMES ET JEANS SLIM)

Voici un bon petit roman plein d’action et d’humour que les jeunes apprécieront je crois. Moi en tout cas, j’en ai apprécié la lecture même si j’ai été un peu refroidi par certaines faiblesses. J’aborderai d’abord les forces du récit car il m’a quand même gardé captif et intéressé.

D’abord l’écriture suit une dynamique constante. Le fil conducteur est clair et sans déviance. Avec des chapitres courts, ça rend le tout facile à lire. Les principaux personnages sont attachants.

Mon préféré est Rod, le petit frère d’Adélaïde, un jeune intello débordant d’imagination et obsédé par les éléphants parce que son père a été tué par un éléphant. Rod est probablement le plus caricatural des personnages de ce roman. Son évolution dans le récit est graduelle et constante jusqu’à ce que l’âme du héros éclate au grand jour.

En général, tous les personnages ont un ptit quelque chose qui plaît. Ça devrait plaire aux jeunes d’autant que dans ce récit, ce sont des ados qui mènent l’enquête en réalité, faisant passer les policiers pour un peu lourdauds. Le style d’écriture est agréable et enlevé. Plusieurs passages m’ont arraché des sourires…je ne me suis pas ennuyé.

La faiblesse du récit tient dans son aspect caricatural. Par exemple, je mentionne le fait que l’héroïne, Adé a 15 ans alors que le public visé est je crois plus jeune. Aussi, le portrait social des jeunes filles de 12-14 ans est peu flatteur et je ne suis pas sûr que les jeunes filles l’approuvent, le thème de la *pouffe* étant omniprésent dans ce roman.

Je peux aussi mentionner le fait que le récit a toutes les apparences d’une histoire de filles alors que c’est un garçon qui a le fin mot de l’histoire sans compter le fait que le tueur en série est d’une naïveté peu crédible. Enfin, la finale est simpliste et tirée par les cheveux même si elle est empreinte d’originalité. Quoiqu’il en soit, l’auteure fait patauger les adultes dans son histoire…ce n’est pas pour déplaire aux jeunes.

Je pense que le jeune public appréciera ce livre et les adultes aussi. Je note au passage que le récit est porteur d’une intéressante réflexion sur des thèmes qui concernent directement la jeunesse : l’estime de soi, le conformisme, le harcèlement, l’authenticité et surtout LA TOLÉRANCE. Ces thèmes relèvent du *non-dit* dans l’histoire mais ils m’ont semblé terriblement perceptibles.

…une agréable lecture…divertissante et drôle…

Suggestion de lecture : CRIMES À LA LIBRAIRIE, Collectif, recueil  de nouvelles

Luc Blanvillain est un écrivain français né à Poitiers en 1967. Il donne libre cours à sa passio de l’écriture et de la créativité en montant avec ses lycéens des ateliers d’écriture, de nouvelles alternatives et du théâtre. Il écrit d’abord pour les adultes mais se tourne rapidement vers la littérature jeunesse. Encouragé par le succès de CRIMES ET JEANS SLIM en 2010, il récidivera avec plusieurs autres titres dont UNE HISTOIRE DE FOUS en 2011, CUPIDON POWER en 2013 et WI-FI GÉNIE, publié en 2014.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
JANVIER 2016

LES 9 VIES D’EDWARD, de CHRYSTINE BROUILLET

*Edward sauta sur la table de la terrasse pour méditer
au soleil. La lavande et les rosiers miniatures attiraient
des abeilles qui l’auraient sûrement agacé s’il n’avait
été aussi préoccupé par le festin de sa maîtresse. Les
miaulements saccadés de Muscade, une jeune beauté
siamoise qui cherchait un compagnon de jeu, lui
apportèrent la solution.*
(extrait LES 9 VIES D’EDWARD de Chrystine Brouillet, Denoël,
1998, 240 pages)

Ce récit raconte l’histoire de la 9e et dernière vie d’un chat nommé Edward et de l’amour inconditionnel qu’il éprouve pour sa maîtresse *à deux pattes* : Delphine Perdrix, photographe de son métier. Edward s’est mis en tête de trouver un mari pour sa maîtresse. Mais qui??? Pour trouver le candidat parfait, Edward fouille dans ses vies antérieures et trouve finalement le *deux pattes* idéal : Sébastien Morin, un jeune homme qu’il a connu au XVIIe siècle alors qu’il voyageait vers la Nouvelle France. Edward décide de relever le plus grand défi de ses neuf vies : trouver le corps dans lequel s’est incarné Sébastien Morin. 

Ha…Ces humains…

*Edward devait l’aider à trouver celui qui la rendrait
heureuse. Il allait se consacrer à cette quête et,
avant de mourir, voir Delphine s’épanouir. Il
aspirait au paradis des chats, au repos éternel,
sans autre vie à revivre, mais pour jouir de cette
paix il devait s’assurer du succès de sa mission.
(extrait : LES 9 VIES D’EDWARD)

C’est un livre tout à fait à la hauteur du talent de Chrystine Brouillet. Il raconte simplement et de façon parfois émouvante la vie de Delphine Perdrix et de son chat Edward. Je n’aime pas particulièrement les chats et je suis sûr que madame Brouillet sait très bien que nombre de ses lecteurs n’aiment pas les chats.

Elle s’est simplement organisée pour qu’on les voit de façon différente et ce, avec beaucoup d’intelligence et de subtilité en permettant entre autres à son Edward de jeter un regard très critique, parfois amusé, parfois amusant sur cette bizarrerie à deux pattes qu’est l’être humain.

En fait, le livre comporte deux éléments particuliers qui ont retenu toute mon attention : d’abord les personnages en général et Delphine en particulier : une jeune femme dont la vie est centrée sur la conquête des hommes, la perfection professionnelle et l’amour inconditionnel qu’elle éprouve pour Edward, son chat abyssin qui en est maintenant à sa neuvième et dernière vie.

Et justement, pour finir en beauté ses 9 vies, Edward s’est fixé comme objectif de trouver un homme pour Delphine…un homme qui serait l’amant parfait et le mari idéal…

Mais c’est surtout dans les 9 vies d’Edward que reposent toute l’originalité et la richesse du récit de Chrystine Brouillet. On peut dire que dans toutes ses vies, Edward a tout vu ou presque comme en fait foi cet extrait :

*…il était en Égypte, sous la XXIIe dynastie, et à Paris en 1997, il avait vécu l’occupation et la première exposition universelle, l’un des passages de la comète de Halley, une traversée éprouvante vers un pays giboyeux…* (extrait LES 9 VIES D’EDWARD).

Donc notre ami Edward a connu Nefertari et le faste de la Cour d’Égypte…il a connu l’inquisition et j’en passe. Il en a suffisamment vu pour pouvoir porter un regard critique sur la nature humaine.

De plus, l’auteure a doté son héros d’un don spécial (hérité d’une sorcière dans une de ses vies) : celui de capter par le toucher (ou la lèche) les émotions et les rêves humains et de pouvoir transmettre à ceux-ci des pensées en arrière-plan. J’ai trouvé ça génial car ça donne au texte une remarquable plus-value.

Edward cherche, dans sa dernière vie, l’incarnation d’un personnage qu’il a connu dans une de ses vies, en fait celle qu’il a vécue pendant la grande édification de la Nouvelle-France : un homme tout indiqué pour Delphine : le fameux Sébastien Morin : une quête noble et dangereuse.

C’est dans cette quête de la perfection et dans le caractère introverti de Delphine qu’une intrigue captivante prend naissance. Car il faut le dire…Delphine *ne l’aura pas facile*.

Chrystine Brouillet ne m’avait pas déçu comme auteure jeunesse, voilà maintenant qu’elle me surprend dans un roman pour adultes. Avec LES 9 VIES D’EDWARD, elle nous propose un livre léger, agréable à lire, un peu grandiloquent mais très original, fruit d’une recherche raisonnée et sûrement d’un petit faible pour les chats.

Il est vrai que la description des vies d’Edward a tendance à noyer l’intrigue mais moi j’ai pu composer avec ça surtout parce qu’Edward est attachant et drôle. Je vous recommande ce livre ne serait-ce que pour sortir des sentiers battus.

Suggestion de lecture, de la même autrice : INDÉSIRABLES

Chrystine Brouillet est une auteure et chroniqueuse québécoise née le 15 février 1958 à Loretteville. Elle décroche le prix Robert Cliche dès le tout début de sa carrière avec CHÈRE VOISINE publié en 1982. De 1992 à 2002, elle publie près d’une douzaine de romans pour la jeunesse, surtout à la Courte Échelle. Cette période de sa carrière a été marquée par de nombreux prix prestigieux.

Mais ce qui fait que Chrystine Brouillet est passée au rang des auteurs les plus lus au Québec, tient d’un personnage qu’elle a créé, une femme inspecteur de police, héroïne d’une série policière de 1987 à 2013 : MAUD GRAHAM. La carrière de Chrystine Brouillet est gratifiée d’une prestigieuse reconnaissance littéraire dont l’Ordre de la Pléiade et en 1995, le grand prix littéraire Archambault.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
OCTOBRE 2015