JÉRÔME ET SON FANTÔME, de Sylvie Brien

Version audio

*Oui ! Des fous, mon petit Arnaud. Des fous drôles,
mais aussi des fous méchants, des fous tristes, des
fous malheureux. Je les vois. Là ! comme piégés
dans le temps…attends que je te raconte encore…)
(Extrait : JÉRÔME ET SON FANTÔME, de Sylvie Brien,
Dominique et compagnie Éditeur, 2016, papier, 200
pages. Version audio : Dominique. Audible 2018, durée
d’écoute :2 heures 58 minutes. Narrateur : Pierre Corriveau)

À la mort de son père, au début des années 60, Jérôme, 12 ans, est hébergé avec sa famille chez ses grands-parents. Il découvre avec surprise que le village qu’ils habitent est peuplé de personnages tous plus étranges les uns que les autres. Cela n’empêchera toutefois pas le jeune garçon de se faire de nouveaux amis, dont un « jeune » fantôme qui lui fera vivre d’incroyables aventures… soit dit en passant, le tome 2 est prometteur…

Les idées folles de Jules
*Moi qui croyait qu’un fantôme, c’était transparent,
vaporeux et effrayant. J’avais eu toute une surprise.
À vrai dire, à le voir, j’aurais jamais pensé que
Jules puisse être un revenant en chair et en os.
<Pourquoi es-tu venu ici> demandais-je au
spectre…*
(Extrait)

Le vieux Jérôme raconte un épisode très important de sa vie à son petit fils Arnaud. Jérôme remonte le temps de plus de cinquante ans, jusqu’en 1962 alors qu’il a 12 ans. Après la mort de son père, Jérôme s’installe chez ses grands-parents et c’est alors qu’il est témoin d’évènements bizarres, disons plus intrigants que méchants : une bicyclette qui prend sa place toute seule par exemple ou des poubelles qui lévitent jusque dans la rue.

Jérôme est amené à comprendre qu’il s’agit là de l’œuvre d’un fantôme qui ne veut pas se montrer. Jérôme surmonte sa peur et finira par convaincre le spectre de se montrer et d’expliquer pourquoi il lui rend des services. Et finalement le fantôme finit par se montrer.

Surprise, il s’agit d’un jeune garçon de 12 ans, le même âge que Jérôme. Il s’appelle Jules. Il semble ne pas comprendre qu’il est mort. Jérôme lui explique la triste réalité et Jules demande à Jérôme de découvrir comment il est mort, pourquoi, et où est son corps.

C’est alors que Jérôme se lance dans une quête extraordinaire et certaines alliances l’aideront beaucoup dans sa démarche, Avec le curé par exemple, le ptit dur de l’école Gaston et même le fossoyeur qui en sait pas mal long et il y a bien sûr Jules dont l’aide sera précieuse. Jérôme mettra au jour une vérité aussi incroyable que l’aventure qu’il est en train de vivre.

La question est de savoir si Jules pourra enfin reposer en paix. Aux jeunes lecteurs d’en faire la découverte. J’ai beaucoup aimé cette petite histoire que Sylvie Brien a développé avec une belle retenue : pas d’artifice, pas de violence, un peu de frissons et de mystère. Elle laisse les jeunes lecteurs avec l’idée qu’il est possible que les fantômes existent, qu’on peut y croire ou non.

Il ne faut pas non plus avoir peur des fantômes. Un mystère n’est pas forcément aussi épais qu’il en a l’air. L’histoire réunit donc des éléments qui plaisent aux jeunes lecteurs de 10 à 14 ans : de l’intrigue, du mystère et de l’humour. L’histoire s’appuie aussi sur de belles valeurs : l’amitié, l’entraide, l’esprit d’équipe et la tolérance qui manque tant à la Société.

J’ai été captif de cette histoire pour deux raisons en particulier : d’abord la galerie de personnages. J’ai accueilli chaleureusement Jérôme dès le départ, un petit débrouillard astucieux et persévérant et puis Jules que j’ai accueilli presque comme un petit fils et pour lequel j’ai développé une empathie qui m’a gardé dans l’histoire jusqu’à la fin. Eh oui, je dirais que Jules m’a forcé à lire l’histoire d’une traite…Aucun regret.

Je ne ferai pas le tour de tous les personnages mais plusieurs m’ont fasciné, en particulier Gaston, le ptit dur que tout le monde craint. J’ai redécouvert que ce genre de personnage cache du bon qui finit par ressortir. La deuxième raison de mon engouement est ce retour aux années 60 dont l’atmosphère est magnifiquement recréée.

Mes petits bémols maintenant… les filles n’ont aucun rôle dans cette histoire à part peut-être celui de chipies, l’enseignante acariâtre et les cadorette par exemple. J’ai rapidement développé l’impression qu’il manquait quelque chose. Les parents aussi n’ont pratiquement aucun rôle.

Ça nous éloigne d’une réalité quand même importante si on tient compte du fait que l’histoire se déroule dans les années 60, une époque où les familles prévalent plus qu’aujourd’hui.

Enfin j’ai écouté la version audio et j’ai été un peu déçu par la narration de Pierre Corriveau qui a eu de la difficulté à trouver le ton juste. J’aurais préféré qu’il se laisse aller un peu plus en utilisant l’accent que laisse supposer l’écrit. Heureusement, Pierre a une voix magnifique et c’est pour moi une belle compensation.

C’est un récit idéal pour pousser les préados à la lecture à cause de l’émotion qui se dégage de l’histoire et d’un amalgame de fantastique et des réalités de l’adolescence. À la fin du récit, tout est en place pour une suite prometteuse. Moi j’ai aimé, ce qui laisse à penser qu’il n’y a pas d’âge pour lire un livre-jeunesse.

Suggestion de lecture : LE CHÂTEAU DES FANTÔMES de Sophie Marvaud

Juriste et notaire de formation, Sylvie Brien se consacre entièrement à l’écriture dans les années 2000. Publiée au Canada et en France par plusieurs éditeurs, elle est Membre de l’Union des Écrivaines et Écrivains du Québec et anime des rencontres littéraires pour le programme Culture à l’école. En 2005, son roman La Fenêtre maléfique est choisi pour l’événement Montréal capitale mondiale du livre (UNESCO). Elle remporte en 2018 le prix littéraire de l’AQPF avec son roman 16 ans et Patriote.

La suite 

Bonne écoute
Claude Lambert

DRÔLE DE MORT, le livre de SOPHIE MOULAY

Enquêtes d’outre-tombe # 1

*Tôt ce matin, je suis mort. *
(Extrait : DRÔLE DE MORT,
Sophie Moulay, Les éditions du
38, 2018. Numérique et papier
235 pages.)

Je m’appelle Roger Fournier et je suis mort depuis soixante ans. Assassiné. Ne soyez pas désolé, j’ai eu le temps de m’y habituer. Les plus beaux moments de ma mort ? L’enquête menée par l’inspecteur Tovelle pour découvrir mon meurtrier. Inutile de vous préciser que j’étais aux premières loges ! J’ai découvert le véritable visage de mes proches et appris à mes dépens que toute vérité n’est pas bonne à entendre… Depuis, j’ai su rebondir et me construire une nouvelle vie dans la mort. Un jour, si nous avons le temps, je vous en parlerai davantage. Mais d’abord, laissez-moi vous raconter comment j’ai été assassiné.

ÇA RAPPELLE HERCULE…
*Seul dans la pénombre,
j’ai maintenant l’impression
d’être passé à coté de
moments importants. *
(Extrait)

Ce n’est pas un livre qui tranche par son originalité mais je l’ai trouvé drôle et franchement bien écrit. Un homme, Roger Fournier, meurt assassiné. Il se désincarne bien sûr mais son esprit reste sur place. Roger ne comprend pas trop pourquoi mais il décide d’en profiter pour comprendre les causes de sa mort et de suivre l’enquête qui déterminera qui l’a tué :

Il découvre des choses intéressantes mais il déchante car ce qui saute surtout à ses yeux de spectre est l’hypocrisie de sa famille. Fallait-il se surprendre? Surtout si on tient compte que Fournier laissait à sa mort une fortune considérable.

En plus de l’écriture qui est soignée, je note plusieurs forces dans ce livre. D’abord, malgré le contenu dramatique du récit, l’humour est omniprésent sans connotations noires ou disgracieuses : *Ma mère est morte la première, étouffée par un os de poulet. Ma tante l’a suivie dans la tombe un an plus tard. Un accident de voiture. Elle a voulu éviter une dinde égarée. Depuis, je fuis toute volaille. * (Extrait)

Autre force intéressante, la psychologie développée des personnages. Comme ce récit est un huis-clos familial et que chaque personnage est suspect, l’auteure a travaillé et bien campé chaque acteur afin que le lecteur puisse comprendre la démarche des policiers et participer à l’enquête.

À ce niveau, je signale deux éléments intéressants : l’auteure met en perspective la solitude des membres de la famille qui n’ont jamais appris à se connaître et deuxièmement, j’ai beaucoup apprécié le personnage de l’inspecteur Tovelle : secret, théâtral et remarquablement intuitif. Je m’y suis attaché rapidement.

Enfin, le livre pose une question intéressante. Est-ce qu’à ma mort, je serais intéressé en tant qu’esprit, à rester sur place pour connaître avec exactitude les vrais sentiments de mon entourage à mon égard. Il y a forcément des petites vérités qui n’ont jamais éclaté. Alors ? Je reste ou passe à autre chose ? J’ai encore un peu de temps j’espère pour y réfléchir.

C’est un très bon livre qui amène ses lecteurs à analyser chaque personnage suspect car dans cette histoire, tout le monde a quelque chose à cacher. L’enquête est riche en rebondissements et j’ai particulièrement aimé suivre Roger Fournier dans son introspection en tant que spectre, curieux, intéressé mais frustré de ne pouvoir dire son mot ou remettre certaines personnes à leur place.

En fait sa démarche est une forme d’examen de conscience sans jugement. Il y a dans le récit, de beaux moments d’émotion et d’humour. J’ai trouvé aussi la finale particulièrement bien imaginée. Qui peut savoir ce que ressent un être intuitif comme l’inspecteur Tovelle ?  Il me rappelle un peu Hercule Poirot celui-là. Légendaire limier créé par Agatha Christie.

Reste à savoir maintenant ce qui se passe avec Roger Fournier une fois faite la conclusion de l’enquête :  *Le reste de la journée s’écoule lentement. Très lentement. Ce que la mort peut être ennuyeuse ! L’éternité risque d’être très longue. *  Un autre très beau moment de lecture pour moi. Je vous recommande DRÔLE DE MORT de Sophie Moulay.

Sophie Moulay a découvert les livres de la Bibliothèque verte au milieu des années 80. À ce moment-là, il était trop tard pour espérer la guérir du virus de la lecture ; elle s’y est donc adonnée avec bonheur. Plus tard, elle découvre les équations et les racines carrées et va même jusqu’à les enseigner au collège.

Elle a commencé à écrire en 2007, mais c’est en 2009 qu’elle imagine le personnage d’Almus, en s’appuyant sur l’expérience acquise au contact des adolescents. Elle développe alors la série « L’Élu de Milnor« . Depuis, elle a commis quelques meurtres dans ses « Enquêtes d’outre-tombe » ; « Drôle de mort » en constitue le premier volet.

Suggestion de lecture   11 SERPENTS de Philippe Saimbert

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 8 novembre 2020