LE LIVRE NOIR DE LA CIA, Yvonnick Denoël

*Kennedy esquissa un de ses sourires cyniques.
peut-être était-il une des rares personnes à déjà
savoir que, dans le monde des renseignements,
vérité et CIA étaient bien trop souvent opposées
une de l’autre. *
(Extrait : LE LIVRE NOIR DE LA CIA, YVONNICK DENOËL,
avec la collaboration de Gordon Thomas, Nouveau MND
éditeur, 2017. J’ai lu 2009, 444 pages. Pour la présente,
Nouveau Monde, 2007 en format numérique, 400 pages)

En 1947, le président américain Harry S. Truman fait passer un décret appelé NATIONAL SECURITY ACT qui créée officiellement l’agence centrale de renseignement, appellation officielle américaine : CIA, une des agences de renseignements les plus connues dans le monde. Elle sera chargée de l’acquisition du renseignement, l’organisation et la réalisation des opérations clandestines hors du territoire américain. Elle a le statut juridique d’une agence indépendante du gouvernement.

Selon WIKIPÉDIA, D’après un document fourni par Edward Snowden, le budget alloué à la CIA pour l’année 2012 s’élève à 15,3 milliards de dollars. Son budget en 2010 avait été évalué à 10 milliards de dollars américains, sur un programme de renseignement national s’élevant à 53 milliards. En 2009, l’ensemble des seize agences – aujourd’hui dix-sept – de l’Intelligence Community avait un budget annuel de 75 milliards de dollars et employait quelque 200 000 personnes dans le monde, y compris des entrepreneurs privés.

Assassinats de dirigeants étrangers, coups d’État, trafic d’armes et de drogues, soutien à des groupes terroristes, détentions abusives et tortures, expérimentations d’armes. Depuis sa création, la CIA n’a cessé de multiplier les infractions à la loi. Elle déclassifie une partie de ses archives arguant que les dérapages de la guerre froide sont aujourd’hui révolus. Ce livre montre qu’il n’en est rien. Cet ouvrage dresse un bilan aussi exhaustif que possible des méthodes douteuses de l’Agence, des origines à nos jours. Il reproduit les archives permettant d’approcher la vérité. On trouve ici de nombreuses anecdotes inédites sur des épisodes que l’on croit connaître.

Une évidente dérive
Malgré les 23 000 espions et analyste qu’elle emploie,
la CIA apparait dans ces documents comme une agence
rongée par le doute, les récriminations internes et les
échecs. Cette vérité s’est cachée derrière un demi-
siècle de livres et de films romanesques présentant la
CIA comme le super-espion du monde libre.
(Extrait)

Il est difficile de commenter un tel livre et encore plus de le critiquer. Après tout, ce n’est qu’un recueil de faits avérés. Là où ça peut être intéressant pour les amateurs d’histoire, entre autres, c’est que ce livre réunit la collection complète des coups tordus d’une agence américaine qui dérive depuis sa création.

Il n’y a jamais eu d’enfants de chœur dans cette agence spécialisée dans l’accomplissement des basses œuvres du gouvernement américain et si j’en juge par les succès de l’agence, pas très flatteurs, il n’y a pas eu beaucoup de stratèges efficaces :

*Mais, tout comme il existe des flics véreux, la CIA a eu plus que sa part d’officiers corrompus. Contre toute attente, on a même découvert une taupe en son sein, en pleine ère Gorbatchev. Certains agents sont devenus alcooliques, d’autres sont sortis mentalement malades d’opération secrètes qui furent ensuite encensées pour ajouter à la légende de la CIA. * (Extrait)

Le volume comprend l’historique des opérations et les documents à l’appui… supposés secrets, qui prennent plus de 50% de la place dans le livre. Étonnant que l’agence SECRÈTE ait laissé sortir autant d’informations sensibles. Ceci dit, l’ensemble est très instructif.

Des centaines d’histoires incroyables circulent sur le compte de la CIA. Le livre de Denoël réunit les plus marquantes. Le livre évoque entre autres la protection des criminels de guerre nazis, l’expérimentation de drogues et de la torture sur des innocents, les nombreuses tentatives de meurtre sur la personne de Fidel Castro.

À cela s’ajoutent le *nettoyage* du Vietnam et du Laos, l’affaire Watergate, sans oublier la célèbre fable des armes de destruction massive en Irak…armes qu’on a toujours pas retrouvés. Le livre est divisé par suite de règnes présidentiels : Les années Truman-Eisenhower, Kennedy-Johnson, Nixon-Ford, Reagan-Bush sr et les années Clinton et Bush.

Plusieurs éléments découlant de l’historique des opérations et des témoignages m’ont simplement sidéré. Le fait par exemple qu’on planifie des assassinats avec autant de scrupules que si on planifiait une liste d’épicerie, les sommes colossales d’argent englouties par l’Agence pendant la guerre froide La chasse aux sorcières qui devait empêcher le communisme de gagner du terrain dans le monde a été le prétexte aux pires excès.

J’ai été aussi surpris du peu de contrôle exercé sur la CIA, allant même jusqu’à me demander qui gouverne aux États-Unis. J’ai compris qu’une agence de renseignements est indispensable dans une saine démocratie au moins pour voir venir les coups durs. Mais je m’explique mal une telle série de dérapages.

Les témoignages m’ont donné l’impression, sinon la conviction que la CIA échappait aux lois américaines ou les contournait joyeusement. Pas très reluisant comme palmarès.

Quant à la présentation du livre, à l’écriture et à l’originalité, je dirais que l’ensemble est plutôt indigeste car pour comprendre le positionnement de la CIA, il faut comprendre l’administration américaine et c’est un véritable panier de crabes.

Beaucoup d’instances politiques et administratives, beaucoup d’agences, une bureaucratie lourde et tentaculaire, le tout opacifié par le trafic d’influence, la recherche du pouvoir, l’ambition et j’en passe. Les non-initiés risquent d’y perdre leur latin.

Par contre, je le rappelle, l’ouvrage est instructif et s’annonce très intéressant pour les amateurs d’histoire, particulièrement ceux qui s’intéressent aux enjeux de la guerre froide. Personnellement, j’ai perdu mes illusions. Comme vu plus haut, le livre est très documenté, tellement qu’il devient opaque, difficile à lire.

À lire dans le calme, avec des pauses et de la patience. Livre intéressant spécialement sur le plan historique.

Suggestion de lecture : MOMENTUM, Patrick de Friberg

Spécialiste du renseignement, Gordon Thomas photo , est l’auteur de plus de quarante ouvrages traduits dans le monde entier, dont les best-sellers Histoire secrète du Mossad et Les armes secrètes de la CIA. Il est également journaliste d’investigation, collaborant avec le Sunday Express ou la BBC. Yvonnick Denoël est historien et éditeur.

Bonne lecture
JAILU/Claude Lambert
Le samedi 15 octobre 2022

LA CONSTELLATION DU LYNX, Louis Hamelin

*5 octobre 1970, enlèvement du délégué commercial de Grande Bretagne, John Travers par le Front de libération du Québec.
10 octobre, enlèvement du numéro 2 du Gouvernement québécois.
15 octobre, la force mobile de l’Armée canadienne intervient au Québec.
16 octobre, proclamation de la loi sur les mesures de guerre par le gouvernement central du Canada, suspension des libertés civiles…près de 500 citoyens détenus sans mandat.
17 octobre, le corps du numéro 2 est retrouvé dans le coffre d’une voiture… *

(Extrait : LA CONSTYELLATION DU LYNX, Louis Hamelin, à l’origine, papier, Boréal, 2011. Version audio : Audible Studios éditeur, durée d’écoute : 17 heures 5 minutes, narrateur : Maxim Gaudette.)

En 2001: l’écrivain Samuel Nihilo décide de poursuivre les recherches de son professeur sur la crise d’octobre 1970. De Montréal jusqu’au village mexicain de Zopilote, où les chemins de Nihilo et d’un ex-felquiste se croiseront, en passant par l’Abitibi des grands espaces, les recherches de Samuel vont rapidement se concentrer sur le rôle joué en 70 par les services secrets, l’escouade antiterroriste, et toute une panoplie de personnages pas nets, dont le spectre quasi shakespearien du ministre assassiné!

Québec se souvient
d’un certain mois d’octobre
*Ils s’étaient d’abord baptisés les <octobristes> un calque
des <décembristes> russes rencontrés dans Tolstoï. Puis à
force de descendre des rivières et des rivières de bière dans
leurs abreuvoirs de prédilections de la rue Ontario, le mot
<octobiériste> avait fini par s’imposer de lui-même.*
(Extrait)

C’est un premier roman sur la crise d’octobre qui a plongé le Québec dans la noirceur en 1970. Personnellement je le considère essentiellement comme un thriller politique. L’idée de base est intéressante.

Un écrivain décide de poursuivre des recherches sur la crise d’octobre laissée en plan par un ancien prof de l’écrivain, le poète Chevalier Branlequeue. C’est un nom de plume évidemment. Pour moi c’est un choix incompréhensible mais je passe. Chevalier a vu de façon catégorique, la crise d’octobre comme une vaste machination politique.

L’écrivain appelé Samuel enquête afin de savoir s’il doit valider ce jugement ou pas. Son investigation l’amène à croiser des anciens felquistes et apprendra l’existence d’une batterie de personnages qui sont loin d’être des enfants de choeur. Il fera des découvertes parfois surprenantes.

C’est un roman très documenté, un énorme travail de reconstitution historique bien évidemment assorti d’un caractère romanesque qui camoufle toutefois des tendances éditoriales. J’ai senti comme un *parti pris* de l’auteur.

Il faut faire attention dans l’écoute du récit car il est truffé de sauts temporels qui mêlent le passé et le présent. Tous les noms des personnages ont été changés. Le récit est surtout concentré sur Paul Lavoie, le ministre du travail qui comme on le sait finira assassiné et ici l’auteur développe tout un schéma de pensée sur les circonstances de la mort du ministre.

Il passe en revue ses états d’âme pendant sa captivité et le fait que sa mort arrangeait plusieurs hautes pointures du gouvernement. Le diplomate britannique James Cross devenu John Travers dans le récit, n’était pas très net lui non plus mais comme on le sait, il s’en est tiré. Tout le long du récit, l’auteur m’a semblé s’en tenir à la machination, la manipulation et la conspiration politique :

*Nous vivions à une époque où l’idée même de conspiration avait été réduite…à la permanente caricature d’elle-même, discréditant d’avance toute tentative de réflexion un peu soutenue sur le thème des manipulations politiques* (Extrait)

Je sors de cette écoute mitigé mais satisfait du choix de l’auteur d’avoir empreint son récit d’une forme romanesque de préférence à l’essai par exemple. Toutefois, ce n’est pas un récit aisé à suivre à cause de ses multiples flash-backs et imbrications du passé dans le présent dont je n’ai pas vraiment saisi la logique. Cette façon d’écrire dilue l’aspect évènementiel et par la bande, la compréhension de l’histoire.

La grande agitation qui caractérisait la Société est palpable mais je n’ai pu sortir de cette écoute avec une complète compréhension de ce qu’il raconte. La succession des chapitres m’a paru étrange et j’ai noté des redondances et de la répétition. Excellente recherche quant à la psychologie des personnages mais l’histoire est très centrée sur les terroristes.

J’aurais souhaité une meilleure pénétration des coulisses du pouvoir. Je ne peux pas vraiment adhérer à l’opinion de l’auteur et son récit ne m’a pas vraiment permis de m’en faire une. Je crois tout de même que c’est un roman d’une grande valeur. De plus, le narrateur Maxim Gaudette a raconté l’histoire comme s’il ne s’adressait qu’à moi… un enchantement.

C’est d’ailleurs l’énergie narrative de Maxim qui a rendu presque comique à mes oreilles la crudité du langage qui caractérise l’œuvre. Enfin, la Société de l’époque est bien dépeinte  mais pas toujours de façon gentille :

*Dans quelle autre nation du globe vit-on s’édifier des quasi-cathédrales dans des villages dont la population, même en comptant les pas fins et les moitiés de sauvages installés au fond des rangs, n’a jamais excédé 3 000 âmes?* (Extrait) Non seulement le sujet développé est intéressant malgré quelques faiblesses, mais la narration fût une vraie petite fête pour mes oreilles.

Suggestion de lecture :  LA THÉORIE DES DOMINOS, Alex Scarrow

Louis Hamelin est né à Grand-Mère (maintenant Shawinigan) en Mauricie. Dès la fin des années 1980, il se consacre à l’écriture. En 1989, il reçoit le Prix du Gouverneur général pour son premier roman, La Rage. Chroniqueur littéraire au Devoir et à Ici Montréal, ses textes sont publiés en 1999 aux Éditions du Boréal, sous le titre Le Voyage en pot. Louis Hamelin a collaboré à une quinzaine de journaux et de revues et publié près d’une dizaine de livres. Tous s’accordent pour dire que Louis Hamelin occupe une place de choix dans l’univers littéraire québécois. La Constellation du lynx a reçu le prix des libraires du Québec 2011 et le prix littéraire des collégiens 2011.

Pour en savoir plus sur la crise d’octobre 1970, cliquez ici.

Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 17 septembre 2022

LE CHAT ET LES PIGEONS, d’Agatha Christie

*-J’ai tellement horreur de la violence. -Vous estimez
vraiment que… ? -Différents clans s’intéressent à
l’affaire. Des gens peu désirables… -Je m’en doute.
-Et naturellement, ils complotent les uns contre les
autres. Ce qui complique tout. *

(Extrait : LE CHAT ET LES PIGEONS, Agatha Christie,
publié à l’origine en 1959 chez Collins Crime Club. Édition
révisée en 2011, Le Masque éditeur, 240 pages. Format
numérique pour la présente.)

Le très snob collège de Meadowbank accueille les jeunes filles du meilleur monde : les riches héritières du Commonwealth tout comme les filles de la gentry de Londres et parfois même quelques princesses orientales. Aussi, quand l’une des enseignantes les plus impopulaires est retrouvée morte d’une balle dans le cœur, le scandale est de taille ! L’école sombre dans le chaos et il faudra tout le talent d’Hercule Poirot pour ramener le calme dans cette vénérable institution. D’autant que l’une des élèves semble en savoir trop et pourrait bien être la prochaine victime… un nouveau défi pour le célèbre détective belge.

La pause Agatha
*— Qu’est-ce que vous diriez de vous infiltrer dans
un collège de jeunes filles ? demanda-t-il.
— Un collège de jeunes filles ? répéta le jeune
homme, les yeux écarquillés. Ça, ce serait de
l’inédit !… Qu’est-ce qu’elles bricolent ? Elles
 fabriquent des bombes pendant le cours de
chimie ? *
(Extrait)

Théâtre des évènements : Meadowbank, un collège un peu snobinard qui accueille les jeunes filles des quartiers huppés de Londres. La professeure d’éducation physique y est assassinée, suivi d’une autre enseignante.

Pour éviter la mauvaise presse, la direction du collège et le commissaire local doivent résoudre rapidement ce mystère, mais ils ne disposent que d’éléments qui s’imbriquent plutôt mal les uns dans les autres : une des pensionnaires est une princesse orientale, des pierres précieuses qui sont convoitées, les services secrets qui s’intéressent à Meadowbank.

Enfin, un jeune jardinier fraîchement arrivé et qui fait un peu artificiel dans le décor. On dirait qu’il n’y a pas de rapport. Le commissaire local y perd son latin mais presqu’à la dernière minute, oncle Hercule vient mettre son petit grain de sel.

Même si c’est loin d’être le meilleur roman que j’ai lu de la grande dame Agatha, c’est toujours un plaisir pour moi de faire un choix dans son imposante bibliographie. Madame Christie est la seule auteure à avoir un petit commentaire récurent sur ce site. C’est la pause Agatha. LE CHAT ET LES PIGEONS est un roman intéressant mais je ne crois pas qu’Agatha Christie y ait mis son plein potentiel.

D’abord, le détective-vedette Hercule Poirot y fait une entrée très tardive, soit dans le dernier quart du livre. Avant l’entrée en scène de Poirot il m’a semblé que le récit traînait un peu en longueur et accusait de l’errance, un peu comme si aucun service de police anglais ne pouvait atteindre des résultats satisfaisant dans la résolution d’un meurtre sans l’apport d’un détective-vedette, privé en plus.

Finalement, quand Poirot intervient vers la fin du récit, c’est avec un calme, me semble-t-il, plus désopilant que d’habitude. Il m’a semblé qu’il ne faisait pas grand-chose…que sa seule présence suffisait pour classer efficacement les indices et en faire sortir les déductions qui s’imposent.

J’ai senti un peu de nonchalance autant en présence de Poirot qu’en son absence. De la part d’une auteure qui maîtrise si bien les codes du polar, j’ai été un peu surpris. L’histoire est un peu déroutante, l’enquête un peu étrange. L’ensemble est sensiblement hors-norme en fait parce que l’auteure inclut la participation des services secrets : l’intelligence service, sans oublier Scotland Yard et une petite touche moyen-orientale..

Je n’ai pas détesté. Disons que ça sort des sentiers battus. Je mentionne toutefois que LE CHAT ET LES PIGEONS ne fait pas bande à part dans l’œuvre de Christie comme LES DIX PETITS NÈGRES. Le concept est simplement un peu différent. Notez que certaines choses ne changent pas comme le petit côté suffisant et imbu d’Hercule Poirot ou encore la résolution des meurtres par le lecteur ou la lectrice.

Il y a aussi l’humour à l’anglaise qu’on retrouve partout dans l’œuvre de la *reine du crime*. Comme d’habitude, j’ai dû donner ma langue au chat et attendre que le célèbre détective mette un point final. Pour l’aspect *défi au lecteur*, Agatha Christie ne m’a jamais déçu.

Pour le reste, j’ai trouvé l’ensemble un peu ennuyant. Je n’ai jamais vraiment senti l’urgence dans l’œuvre d’Agatha Christie mais ici, on dirait que Poirot n’est apparu que pour sauver les meubles. En fin de compte, j’ai pu m’accrocher aux forces de l’auteur et j’ai pu raisonnablement apprécier cette nouvelle pause Agatha.

Agatha Christie (1890-1976) est la reine incontestée et inégalée du roman policier classique. Née à Torquay, son premier roman La Mystérieuse Affaire de Styles est publié en 1920 et voit la naissance d’un écrivain et d’un personnage : Hercule Poirot. Très vite, sa renommée est mondiale. Elle est à la tête d’une prodigieuse production littéraire et reste aujourd’hui l’un des auteurs les plus lus à travers le monde, toutes générations confondues.

Note : pour lire mon commentaire sur À L’HÔTEL BERTRAM d’Agatha Christie,

           Cliquez ici


Pour consulter la bibliographie d’Agatha Christie avec vue sur la page couverture,
cliquez ici.

 

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 21 août 2022

LE PRÉSIDENT A DISPARU, Bill Clinton/James Patterson

*Elle traitait son adversaire d’<enculé>. Moins
d’une heure plus tard, l’enregistrement était
diffusé sur toutes les chaînes de télévision et
tous les réseaux sociaux. *
(Extrait : LE PRÉSIDENT A DISPARU, Bill Clinton
et James Patterson, éditions Jean-Claude Lattès
2018. Édition de papier, 495 pages.)

Pour des raisons obscures, le président américain s’entretient avec Suliman Cindoruk, leader d’un groupe extrémiste, qui déteste cordialement les américains. Par la suite, les évènements vont se bousculer tout en prenant une dimension hautement dramatique : Le président devra faire face à une menace de destitution malgré les obligations que lui impose la sécurité nationale. Pire : Les États-Unis sont menacés d’une cyberattaque massive qui ramènerait le pays à l’âge de pierre. Le président n’a pas le choix… trouver une solution. L’équilibre mondial est en jeu. Non loin de la Maison Blanche, un huis-clos se déroule. Un huis-clos de trois jours. Président : introuvable.

UN PEU ANGÉLIQUE MAIS EFFICACE
*D’instinct, il caresse l’arme sur sa hanche, celle
chargée de l’unique balle. Il s’est juré de ne
jamais se laissé capturer vivant, de n’être jamais
interrogé, torturé et traité comme une bête. Il
préfère partir à sa manière, en appuyant sur la
détente, le pistolet calé sous le menton. Il a
toujours su…qu’il y aurait un moment de vérité*

(Extrait : LE PRÉSIDENT A DISPARU)

Un livre captivant, intense et angoissant. L’ancien président des États-Unis et le célèbre écrivain James Patterson s’associent pour imaginer une histoire s’étendant sur trois journées parmi les plus effrayantes de l’histoire de la présidence et la plausibilité de cette histoire est terrifiante. Il est question en effet de cyberattaque de masse.

Imaginez en effet ce qui se passerait suite à une destruction totale de tous les fichiers informatiques existant en Amérique, un effacement complet de toutes les données numérisées existantes : gouvernementales, boursières, bancaires, civiles, militaires, techniques, sociales et culturelles. Il n’y aurait plus ni argent, ni eau, ni électricité…plus de transport, plus de communication…ce serait le chaos, l’anarchie, une fin du monde…

Le président Duncan a trois jours pour éviter l’enfer et s’enferme dans un huis-clos avec les meilleurs hackers et experts informatiques du monde. Il ne met personne au courant, mettant ainsi en émoi toute la mécanique du pouvoir américain : Congrès, chambre des représentants, députés, Maison Blanche, le Pentagone et bien sûr, la Presse.

Ici le président doit envisager l’impensable et composer avec l’hypocrisie, la trahison, l’ambition démesurée et un doute envahissant sur un complot en dessous duquel il y aurait du russe…ce scénario catastrophe mettant en péril un monde hyper connecté pose une question angoissante : est-ce que les hackers auraient le pouvoir de se rendre jusque-là?

J’ai été *scotché* à cette histoire : rythme supersonique extrêmement concentré, beaucoup d’action, de rebondissements et une incroyable pression exercée sur le président. Le co-auteur et ex président Bill Clinton a su vulgariser efficacement certains aspects du fonctionnement de la Maison Blanche et du gouvernement rendant le tout crédible.

Il a rendu aussi plus clairs les mécanismes de la politique et des coulisses législatives et sur certaines procédures comme l’impeachment à laquelle le président Duncan doit faire face au début du récit, sans oublier les guerres d’ambition et de pouvoir. L’ensemble n’est pas trop politisé même si j’ai senti que Clinton ne portait pas trop le congrès dans son cœur.

Il y a toutefois des irritants dans l’histoire et il y en a un de taille : le nombrilisme. En dehors des États-Unis, point de salut. Les américains, ils sont beaux, ils sont forts, ils sont les meilleurs. Cet aspect narcissique est présent d’un bout à l’autre du récit  et dévoile la puissance que déploieraient les États-Unis pour punir toutes tentatives d’intrusions.

Est-ce que les Américains n’auraient rien à se reprocher? Je trouve que ça fait un peu cowboy et cette façon de se glorifier me tape sur les nerfs. Je trouve aussi que le livre encense un peu trop le *secret service *. L’histoire confirme que les services secrets américains sont loin de recruter des enfants de Chœur.

Enfin, le discours du président Duncan à la fin, contient des intentions politiques intéressantes quoiqu’un peu oniriques : *Notre démocratie ne peut survivre à la dérive actuelle vers l’extrémisme et la rancune exacerbée.* (Extrait) Ça veut tout dire et ça veut rien dire je pourrais dire aussi que c’est facile à dire.

Ici, l’intrigue sauve les meubles. Son pouvoir d’attraction est très fort et son réalisme a comme un pouvoir hypnotique sur le lecteur. Ce livre est extrêmement actuel et le demeurera très longtemps. Une bonne idée cette association Clinton-Patterson…

Suggestion de lecture : LE COMPLOT MALONE, de Steve Berry

À droite, James Patterson, écrivain et scénariste de films est né en 1947 à Newburgh. Il est l’auteur de thrillers les plus vendu au monde avec plus de 100 millions de livres achetés. Grâce à une technique parfaite et des intrigues très rythmées, tous ses livres atteignent les premières places des classements des meilleures ventes.

Le personnage principal de ses romans est l’inspecteur Alex Cross, dont le rôle fut interprété par Morgan Freeman dans les films Le Collectionneur et Le Masque de l’araignée. Pour la liste des œuvres de Patterson, jCliquez ici.

À gauche, William Jefferson Clinton dit Bill Clinton est né le 19 août 1946 à Hope, Arkansas, juriste et homme d’état américain, fut 42e président des États-Unis de 1993 à 2001. Il tente l’expérience de l’écriture de type thriller en 2018 en coécrivant le thriller de politique-fiction LE PRÉSIDENT EST DISPARU avec James Patterson.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le samedi 19 décembre 2020

LE COMPLOT MALONE, de STEVE BERRY

*« Dites-leur bien que je ne suis pas encore mort ! » répliqua le président avec un de ses célèbres sourires. Mais personne n’ignorait qu’il déclinait, et qu’aucune puissance au monde n’y pouvait rien* (Extrait : LE COMPLOT MALONE, Steve Berry, trad. Fr. : Éditions Le Cherche Midi, 2015, édition de papier, pocket, 610 pages)

Un employé du Trésor américain a dérobé de mystérieux documents relatifs à un secret d’état qui, s’il était révélé, risquerait de changer la face du monde. Cotton Malone, est sollicité pour les récupérer. Et il n’est pas seul à vouloir mettre la main sur les fameux papier… Des mystères des Pères Fondateurs des États-Unis jusqu’à une énigmatique entrevue clandestine entre  Roosevelt et son secrétaire d’État au Trésor, une nuit de 1936, en passant par les signes ésotériques cachés dans les symboles de l’Amérique, Cotton Malone va ainsi aller de révélation en révélation. 

AU BORD DE LA CATASTROPHE
*Il était impossible de prévoir la tournure qu’allaient
prendre les évènements, et cette incertitude était ce
qu’il y avait de plus pénible. Mais elle avait confiance :
Ils trouveraient le moyen de gérer la situation.>
(Extrait : LE COMPLOT MALONE)

Nous retrouvons ici un héros récurrent dans l’œuvre de Steve Berry : Harold Earl Malone, appelé affectueusement Cotton, un libraire scandinave installé à Copenhague. C’est surtout un agent à la retraite de la division Magellan, la redoutable unité des services secrets du département américain de la Justice. Dans LE COMPLOT MALONE, Cotton reprend du service avec une investigation complètement différente : une enquête fiscale.

Il faut être très attentif au début de l’histoire, plus précisément au prologue qui raconte une mystérieuse rencontre secrète, une nuit de 1936 entre le président américain de l’époque, Théodore Roosevelt et son secrétaire au Trésor, Andrew Mellon. Ces deux personnages se détestent singulièrement. Mellon finit par poser une énigme au président.

Entre temps des documents importants sont volés, susceptibles d’ébranler le système politique et financier américain. Un fonctionnaire est poursuivi parce qu’il ne paye pas ses impôts. Il prétend que l’impôt américain est illégal. Tout est en lien. Il existe semble-t-il des preuves à l’effet que le 16e amendement établi en 1936 est truffé d’irrégularités rendant l’impôt illégal ce qui mettrait les États-Unis en faillite et bouleverserait l’économie mondiale.

Entre temps, le président de la Coré du Nord, Kim Yong-jin, un monstre assoiffé de pouvoir tente l’impossible pour mettre la main sur la preuve de l’illégalité du 16e amendement dans l’unique but de détruire les États-Unis par l’intérieur, une implosion pure et simple. Vu la complexité de l’affaire, on appelle Cotton et des agents du Trésor Américain.

Dans ce livre, il faut bien saisir toute la portée du prologue et y revenir au besoin. LE COMPLOT MALONE est un récit complexe dans lequel intervient une grande quantité de personnages. Par rapport aux autres livres de Berry, Cotton Malone est plutôt effacé dans LE COMPLOT MALONE mais son rôle demeure crucial.

Il y a du monde, beaucoup de monde…trop je crois. Les agents se bousculent d’une certaine façon. La plupart des personnages sont plus ou moins bien travaillés et j’ai un peu l’impression que Berry a compliqué l’histoire inutilement.

Mais si on a bien compris qui fait quoi, si on a bien saisi l’importance de cette discussion entre Roosevelt et son secrétaire au Trésor ainsi que les motivations des belligérants, en particulier le dictateur coréen et Howell, il nous reste le plaisir de se *frotter* aux forces du récit : il est vif, intense et fertile en rebondissement.

La principale force du roman est son caractère intrigant. Ce roman a comme toile de fond l’impôt sur le revenu. Essayons de nous imaginer qu’est-ce qui se passerait si dans notre pays, quelqu’un réussissait à prouver que l’impôt sur le revenu est illégal depuis son entrée en vigueur.

Ça ferait un sacré remboursement au contribuable. Ça pousserait surtout le système à la faillite et s’ensuivrait chaos et anarchie. Bref, il y a des choses sur lesquelles il vaut mieux fermer les yeux.

LE COMPLOT MALONE n’est pas à proprement parlé un roman historique. Il faut juste bien comprendre ce qui s’est passé en 1936. Le livre est très bien documenté et dans une postface extrêmement pertinente, l’auteur sépare la réalité de la fiction. La plume est un peu lourde et redondante mais le caractère intrigant du récit m’a gardé captif. J’ai fini par dévoré ce livre…donc je vous le recommande.

Steve Berry est un avocat et auteur américain vivant dans l’état de Géorgie. Il s’est spécialisé dans les thrillers sur fond d’énigmes historiques. Il a publié plusieurs romans aux Éditions Le Cherche Midi dont LE TROISIÈME SECRET (2006),  LA PROPHÉTIE CHARLEMAGNE (2010), LE CODE JEFFERSON (2012) et L’HÉRITAGE OCULTE (2014).

La plupart des titres sont disponibles chez Pocket. Traduits dans une quarantaine de langues, les thrillers de Berry ont figuré sur la liste des best-sellers dès leur parution aux États-Unis. Vous pouvez retrouver toute l’actualité de Steve Berry en visitant
www.steveberry.org  (site en anglais)

Bonne lecture
Claude Lambert
le vendredi 29 mai 2020

MOMENTUM, le livre de PATRICK DE FRIBERG

*À la moindre hésitation de sa part, sa vie, sa carrière, sa légitimité seraient considérées comme celles d’un criminel de droit commun au mieux, et au pire, il serait lâché entre les mains du grand frère américain et de ses débauchés paranoïaques de La CIA* (EXTRAIT : MOMENTUM, Patrick de Friberg, les Éditions
Goélette, 2011, édition de papier, 320 pages)

Beaupré, 1962. Un jeune Soviétique fanatisé est infiltré au Québec sous l’identité d’un immigrant anglais. Moscou, 1985. Le KGB met sur pied un complot qui lui permettrait de prendre le contrôle du gouvernement du Canada. Québec, 2012. Gilles Drouin est en tête des sondages. Il sera le prochain premier ministre sur fond de magouilles et de meurtres… Ajoutons à cela une mission secrète initiée trente ans plus tôt dans un troisième pays, une magouille autour du KGB, des services secrets et une galerie de personnages aux motivations singulières. Question… la fiction pourrait devenir réalité ?


LE CÔTÉ OBSCUR DES SERVICES SECRETS

*Il l’avait laisser débiter son baratin au sujet
de retrouvailles et avait déployé de grands
efforts à la trouver suffisamment belle pour
l’emmener dans la chambre. Jusqu’à lui
faire l’amour. Dans la brume, le soleil se
cachait. Il sortit son pistolet…*
(Extrait : MOMENTUM)

C’est un livre m’a captivé pour plusieurs raisons, d’abord son actualité. Revenons d’abord sur le synopsis : les services secrets russes qu’on appelait autrefois le KGB s’impliquent dans la campagne de Gilles Drouin, pressenti comme prochain Premier Ministre du Québec.

La Russie compte ainsi à long terme, prendre le contrôle du gouvernement canadien. Des espions et contre-espions œuvrent dans l’ombre pendant que Gilles Drouin est en tête des sondages et que s’accumulent meurtres et obscurs complots.

Le livre MOMENTUM a été publié en 2011. Je ne sais pas si la plume de Patrick de Friberg était prémonitoire mais son livre est encore aujourd’hui d’une terrifiante actualité, plusieurs observateurs de la politique américaine considèrant que la Russie de Vladimir Poutine s’est impliquée dans l’élection américaine de Donald Trump en 2017.

Le récit est aussi fort intéressant compte-tenu que le Québec est au cœur d’un obscur plan d’action impliquant les services secrets russes et français, la CIA américaine et le gouvernement du Québec. Pour ce qui est de mettre le Québec à l’avant-scène d’un complot d’espionnage, l’auteur a bien tiré son épingle du jeu, d’autant que le cinéma ne nous a pas encore habitué à ce genre d’intrigue, ce qui consacre l’originalité de l’histoire.

Comme je l’ai déjà exprimé en commentant sur ce site le livre de Robert Littel LA COMPAGNIE, le grand roman de la CIA, explore les souterrains des services secrets, c’est comme plonger dans un panier de crabes. C’est un territoire peu connu, mais on sait toutefois qu’il n’est pas très propre.

Plusieurs pensent que les services secrets ont joué un rôle majeur dans l’équilibre géopolitique actuel, mais à quel prix, meurtres complots, infiltration et même des guerres. Dans MOMENTUM, De Friberg vient nous rappeler que le système n’a jamais été repensé.

J’ai parlé de panier de crabes plus haut, c’est un peu ce qu’on trouve dans MOMENTUM et c’est là la faiblesse du récit : la trame est complexe parce que l’histoire implique une grande quantité de personnages, plusieurs pays et les motivations politiques de la Russie demeurent assez obscures.

Donc malgré un effort évident de ventilation et de simplification, l’histoire demeure compliquée : Résumons…On a une équipe de tueurs russes à nos trousses, mais qui a soudainement renoncé à l’évidente mission de récupération de l’ambassadeur. On a l’élection prochaine d’un premier ministre du Québec dont on sait qu’il était l’amant du mort et qu’il est vraisemblablement un agent du KGB (Extrait)

Donc, c’est pas évident de suivre l’histoire jusqu’au bout sans confondre les personnages dont plusieurs changent de nom. Toutefois, le fait que l’intrigue se déroule en grande partie au Québec et que l’actualité démontre clairement que l’implication d’un pays dans l’élection d’un autre pays est une réalité formant un tout qui motive le lecteur et la lectrice à se concentrer pour bien comprendre le rôle de chacun et où tout le monde s’en va.

Je crois que ça vaut la peine de bien saisir l’intrigue car elle nous mène à une finale surprenante…une finale qui m’a donné des frissons dans le dos. Donc ce livre m’a aspiré et a provoqué bien sûr quelques questionnements sur la vie privée entre autres et sur l’espionnage. Entendons-nous…je ne deviens pas paranoïaque mais on peut quand même se questionner. Un bon divertissement…à lire : MOMENTUM de Patrick de Friberg.

Patrick de Friberg est un écrivain français né en 1964. Il a vécu à Château-Richer près de Québec. Il se spécialise dans les romans d’espionnage et d’anticipation. Son œuvre, en pleine évolution, est déjà doté d’honneurs significatifs dont le grand prix 2011 du Cercle Littéraire Caron. Il a été élu Chevalier des arts et des lettres en 2015. Patrick de Friberg a traduit LA VÉRITABLE HISTOIRE DE L’AMÉRIQUE DES SIXTIES de John Barnet. Il a publié près d’une vingtaine de livres et ça continue.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 16 février 2020