HOMO DEUS, livre de YUVAL NOAH HARARI

VERSION AUDIO

*Dans la salle de bain, l’humanité se débarbouille, examine
ses rides dans la glace puis, elle se prépare une tasse de
café et ouvre son agenda…voyons l’ordre du jour : le
programme a été le même pendant des milliers d’années :
La famine, les épidémies et la guerre ont toujours été en tête
de liste…*

(Extrait : HOMO DEUS, Yuval Noah Harari, édition originale, Harvill
Secker éditeur, 2015, 448 pages. Version audio : Audiolib éditeur,
2018. Narrateur : Philippe Sollier, durée d’écoute : 14 heures 48)

Que deviendront nos démocraties quand Google et Facebook connaîtront nos goûts et nos préférences politiques mieux que nous-mêmes ? Qu’adviendra-t-il de l’État providence lorsque nous serons évincés du marché de l’emploi par des ordinateurs plus performants ? Quelle utilisation ferons-nous de la manipulation génétique ? Homo deus nous dévoile ce que sera le monde d’aujourd’hui, selon les mythes qui le hantent.

À ces légendes concernant  les dieux, l’argent, l’égalité et la liberté, s’allieront de nouvelles technologies démiurgiques. Et que les algorithmes pourront se passer de notre pouvoir de décision. Car, tandis que l’Homo sapiens devient un Homo deus, nous nous forgeons un nouveau destin. Le nouveau livre audio de Yuval Noah Harari offre un aperçu vertigineux des rêves et des cauchemars qui façonneront le XXIe siècle.

Une brève histoire du futur
*Hisser les humains au rang des Dieux peut se
faire selon trois directions : le génie biologique,
le génie cyborg et le génie des êtres non-
organiques. *
(Extrait)

Ce livre est en principe une suite logique de SAPIENS de Harari. Harari y livre sa version de l’histoire globale de l’humanité et développe une philosophie qui place l’homme et les valeurs humaines au-dessus de toutes les valeurs. Cette philosophie qui a valeur de religion s’appelle l’humanisme, un principe global de la vie humaine qui se précarise dans HOMO DEUS au profit des nouvelles technologies.

L’humanisme pourrait bien être parqué dans une voie de garage par un autre phénomène qui prendra valeur de religion dans HOMO DEUS, c’est-à-dire le traitement des données et  l’omniprésence des algorithmes qui caractérisent le troisième millénaire. Ces protocoles technos vont jusqu’à penser à notre place. Ainsi, des méga-MACHINES comme Google ou Facebook nous connaîtrons mieux qu’on ne se connaît nous-même.

Je dois noter ici une faiblesse et un irritant. Il y a beaucoup de redondance dans HOMO DEUS par rapport à SAPIENS. De la redite. Mais comme le propos est extrêmement intéressant et dans ce cas-ci, une narration dynamique et persuasive, il faut considérer HOMO DEUS comme un complément d’information, une mise à jour pour utiliser un langage techno, des précisions sur la pensée de l’auteur.

Sapiens s’en tient à l’histoire et aux dérives de la Société. Dans HOMO DEUS, il faut faire très attention au sous-titre UNE BRÈVE HISTOIRE DU FUTUR. Ça fait vendeur mais il n’est pas tout à fait approprié. L’auteur ne fait aucune prédiction sur le futur de l’humanité, pas d’énigme à la Nostradamus ni pronostic.

Harari développe outille le lecteur pour lui permettre de développer sa propre interprétation de l’avenir en s’appuyant sur la force d’attraction et de pénétration des nouvelles technologies…la fameuse techno-dépendance qu’Harari appelle le *dataïsme*. Le terme *histoire du futur* m’apparait donc un peu fort.

J’ai été séduit par la pensée de Yuval Noah Harari, basée sur l’histoire et la science, un soupçon d’empirisme et une analyse de l’esprit humain. Moins spontané que SAPIENS, HOMO DEUS m’a néanmoins gardé continuellement en alerte par la richesse du propos, la déconstruction de vieux concepts humains et la quantité d’informations livrées, parfois surprenantes.

Je n’ai jamais eu le temps de m’ennuyer : *Au début du XXIe siècle, l’être humain moyen risque davantage de mourir d’un excès de McDo que de la sécheresse, du virus Ébola ou d’un attentat d’Al quaida * (Extrait) Plusieurs passages ont de quoi surprendre et poussent à la réflexion.

Le livre nous laisse sur un tas d’interrogation. C’est souvent le cas dans les essais. Mais HOMO DEUS contient suffisamment de *données* pour brasser les consciences :

*Pour l’américain ou l’européen moyen, Coca Cola représente une menace plus mortelle qu’AL quaida. (Extrait) … *Plutôt que de craindre les astéroïdes, c’est de nous que nous devrions avoir peur. * (Extrait) … HOMO DEUS est une prise de conscience de l’histoire en devenir.

HOMO DEUS est un essai qui nourrit la réflexion par son propos ajusté aux réalités historiques de l’homme. À ce titre, c’est un ouvrage précieux que je n’hésite pas à recommander, en particulier la version audio avec l’exceptionnelle performance narrative de Philippe Sollier qui me donnait l’impression de s’adresser à moi.

Suggestion de lecture : 8 HISTOIRES DU FUTUR, collectif de nouvelles

Yuval Noah Harari est docteur en Histoire, diplômé de l’Université d’Oxford. Aujourd’hui, il a remporté le  » prix Polonsky pour la Créativité et l’Originalité  » en 2009 et en 2012. Acclamé par Barack Obama et Mark Zuckerberg, son ouvrage Sapiens est devenu un phénomène international : traduit dans près de 40 langues et présent dans toutes les listes de bestsellers à travers le monde.

 

Sur les scènes de théâtre Philippe Sollier a joué Goldoni, Marivaux, Labiche, Tchekhov, Strindberg, Wesker… des spectacles pour enfants et des spectacles de clown. À la télévision, il a participé à de nombreuses séries, notamment policières, des téléfilms et un documentaire-fiction Otages à Bagdad. Il prête sa voix à grand nombre de documentaires, téléfilms étrangers ou dessins animés.

Homo Deus est la suite logique de SAPIENS



Sapiens retraçait l’histoire de l’humanité. Homo deus interroge son avenir.

Bonne écoute
Claude Lambert
le dimanche 9 octobre 2022

 

LES CHRONIQUES DE LA FAUCHEUSE, Mickaël Druart

*…vous avez compris que chaque vie est un musée
qui dort en nous et réunit des pierres précieuses.
Chaque évènement, aussi insignifiant puisse-t-il être
constitue notre vie et en fait une grande œuvre.*
(Extrait : LES CHRONIQUES DE LA FAUCHEUSE,
Mickaël Druart, litl’book éditeur, 2018, format numérique,
et papier, 222 pages)

« Mortelles, Mortels, Peu avenante, la Grande Faucheuse jouit, depuis la nuit des temps, d’une réputation qui ternit, bien injustement, l’énergie d’hommes et de femmes qui s’évertuent, sans relâche, à prodiguer fauchages et agonies de qualité. Aussi, je vous prie de bien vouloir prendre connaissance, au travers du recueil qui suit, de leur quotidien, et des rencontres et péripéties qui le parsèment. Bien à vous, Josiane Smith, Secrétariat de la Grande faucheuse. P.S. : Pardonnez le sentimentalisme de ma secrétaire. Ce livre c’est mon best of, point barre. Vénérez-moi. Sa macabre majesté, La Grande Faucheuse. »

La mort qui narre
*Vous, mortels, qui aurez ce livre entre les amis :
il ne sera à vos yeux que l’invention d’un auteur
dont le nom n’aura été créé que pour couvrir mes
arrières. Peut-être, néanmoins, quelques puissent
être vos croyances, vous reconnaîtrez-vous dans
les pages noircies que je vous offre. *
(Extrait)

LES CHRONIQUES DE LA FAUCHEUSE est un enchaînement de 20 nouvelles pouvant se lire indépendamment mais l’ensemble est présenté sous forme de journal, avec comme thème central la mort, représentée dans l’imaginaire nord-américain par la faucheuse.

Selon wikipédia, Dans le folklore occidental moderne, la Mort est généralement représentée comme un squelette portant une robe, une toge noire avec capuche, et éventuellement avec une grande faux. La Mort est alors connue sous le nom de « la Grande Faucheuse » ou tout simplement « la Faucheuse ». Au thème de la mort s’ajoute un sous-thème non-négligeable : la transition vers l’après-vie qui suit la rencontre avec la faucheuse.

Ici, la mort est présentée comme une nécessité de la vie, un passage et surtout une institution avec son Président-directeur général : La grande Faucheuse, ses employés : les Faucheurs et Faucheuses, son bras droit Josianne, le classique des secrétaires indispensables et femme de l’ombre, un personnage récurrent dans tous les textes du livre.

Ce livre a été pour moi un véritable coup de cœur car il est porteur d’émotion, de tendresse et de délicatesse. Aucune violence ni approche négative. La mort n’y est pas présentée comme une finalité mais un passage qui donne tout son sens à la vie.

Il y a aussi une petite touche d’humour. Elle concerne dans la plus part des cas une dualité cocasse entre la Grande Faucheuse qui connait tout et Josianne qui ne connait rien et que le patron considère un peu comme une fainéante…elle qui est partout. Ce n’est pas méchant. En fait, il n’y a rien de méchant ou de négatif dans ce recueil. J’ai été touché et subjugué par la profondeur des textes. Chaque récit est une découverte.

Le thème est développé de façon décontractée, avec philosophie. Si la mort est démystifiée, la vie elle, est mise en valeur avec finesse subtilité et beaucoup d’imagination.

Une de mes nouvelles préférées raconte l’histoire de Clara White, capitaine d’un navire en perdition qui prend sous son aile un jeune garçon qu’elle appellera Elliot.

Pris dans une terrible tempête et sur le point de sombrer, le navire se met en marge du temps qui semble vouloir se figer pour permettre un dialogue. *-Je sais que notre mort prochaine et le miracle qui nous fait face doivent être mis de côté pour quelque chose de plus important. Alors, au travers du vent, je m’adresse dans un hurlement à la Capitaine médusée par la vague immobile. –Racontez-moi votre histoire ! * (Extrait)

J’ai compris alors que le jeune garçon n’était pas Elliot. Que pour mettre en perspective le meilleur d’une vie, la mort a besoin d’être touchée par elle. Au cours des récits, la mort prend différents aspects. J’ai trouvé intéressante la nouvelle sur le Tribunal des Morts. Chaque texte a un caractère particulier et dans tous les cas, l’auteur m’a accroché. Le livre n’est pas moralisateur mais il pousse doucement à réfléchir sur sa propre vie.

Chaque texte dégage comme une aura. J’ai trouvé tous les personnages attachants. Même la Faucheuse m’a semblé sympathique malgré ses airs de *je sais tout* prétentieux. Avec Josianne, la Faucheuse a donné à l’ensemble du recueil une agréable légèreté. Bien sûr, la mort reste un sujet grave mais la plume de Druart est tellement addictive qu’elle nous pousse à prendre cette nécessité avec philosophie.

Je trouverais même séduisante l’idée de rencontrer la Faucheuse à mon dernier moment pour jaser un peu et philosopher avec elle comme l’ont fait Clara White et Elliot dans la nouvelle intitulée LA FABULEUSE HISTOIRE DU PHÉNIX.

Il est rare que de dis ça d’un livre qui traitre de la mort, mais LES CHRONIQUES DE LA FAUCHEUSE m’ont fait du bien.

PROPOS AUTOBIOGRAPHIQUES DE L’AUTEUR
Professionnel de la petite histoire sur le coin d’une feuille, de la bonne idée nocturne oubliée au réveil, et des punchlines qui ne font rire que moi, je publie (malgré tout) mon premier livre aux Editions Boz’dodor en 2017. Aidé d’influences littéraires, cinématographiques et musicales, je crée depuis l’âge de sept ans des petites histoires qui ont conduit, à partir de seize ans, à la création de mes premiers romans.

Adepte des forums d’écriture, je finis néanmoins par m’essayer au format, plus adapté, de la nouvelle. Ainsi naissent les histoires d’une Grande Faucheuse cynique, de sa secrétaire, et du monde où se côtoient les âmes de défunts hauts en couleurs. Bref, les autobiographies, c’est pas mon truc.
Pardon pour tout. (Amazon)

Suggestion de lecture : LA MORT HEUREUSE de Hans Küng

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 24 juillet 2022

Les chroniques d’une mère indigne, Caroline Allard

Livres 1 et 2

*Les chroniques rassemblées dans ce livre se divisent en deux catégories. Premièrement, il y a les situations dans lesquelles nous pouvons rire de nos enfants en général. Et, deuxièmement, il y a les situations lors desquelles j’ai moi-même ri de mes enfants en particulier.

Oui, du vécu ! Des trippes ! De la réalité authentique ! Que voulez-vous, ça vend de la copie et l’éditeur m’y a forcée. Ah, j’allais oublier : je ris aussi beaucoup des papas dans ce livre, mais chut ! ne leur en parlez pas. *

(Extrait, LES CHRONIQUES D’UNE MÈRE INDIGNE, tome 1, Caroline Allard, Les Éditions du Septentrion, 2012, total des deux tomes en édition numérique : 280 pages)

***

Changer des couches quinze fois par jour encouragerait les pensées impures? On pourrait le croire en lisant les aventures et les réflexions d’une mère de famille qui, après sept mois de congé de maternité, s’est soudainement révélée à elle-même et à la communauté virtuelle comme étant irréversiblement une mère indigne.

Depuis mars 2006, elle développe tous les aspects cachés, et parfois tabous, de la maternité: des pièges que recèle la préparation des fêtes d’anniversaire pour enfants au cauchemar d’endormir un bébé qui a la volonté plus arrêtée qu’un dictateur, en passant par les dessous nauséabonds de l’accouchement, rien ne leur est épargné.

Les Chroniques d’une mère indigne souhaitent démontrer aux parents qu’il est parfois bon de rire de la vie familiale et même de leurs enfants.

Un vent d’irrévérence
*Puis prendre un enfant par la main, comme disait
Yves Duteil, c’est tellement émouvant… Remarquez,
on pourrait aussi changer les paroles pour :
Prendre un enfant par le bras pour le sortir du IGA
s’il pète une crise devant le rack à bonbons
et qu’il prend ses parents pour des cons
…mais bon, on y reviendra sûrement… *
(Extrait LES CHRONIQUES D’UNE MÈRE INDIGNE 2)

Voici un livre assez divertissant dont l’auteure est une maman qui, au sixième mois de son congé de maternité se déclare Mère indigne, titre qui s’étend au papa et à la fille aînée dont les hormones semblent vouloir se réveiller assez tôt. Mère indigne utilise donc un blog afin d’étendre ses observations, expériences, remarques, exemples, annotations et réflexions à connotation souvent sexuelles et exprimées dans un langage à peine ganté :

*Écoute mon petit poussin. Moi j’ai des bébés qui sont passés par là. Deux. La madame, elle sait ce que c’est, avoir du gros trafic sur l’autoroute. C’est pas deux baguettes, aussi magiques soient-elles, qui vont épater une parturiente expérimentée. * (Extrait)

Langage direct mais relativement élégant. Ça donne une suite de deux petits volumes qui jettent un regard fou mais sans méchanceté sur le quotidien d’une maman. Ça n’a rien d’un récit à haute teneur sociologique mais ça pourrait vous faire sourire grâce à une plume légère et fluide empreinte d’une petite philosophie bon marché et beaucoup d’humour :

*Parce que Bébé, quand nous sommes à vélo se fait un malin plaisir de tirer sur l’élastique de mon short ET de ma culotte, de se pencher sur le résultat et de s’écrier : Ooooh, gô caca maman ! * (Extrait)

*Bébé lui, porte en permanence un filet de morve au nez, d’un vert qui n’a jamais été tendance. Il rechigne et produit encore plus de morve. * (Extrait)

Bien sûr le quotidien d’une maman ne se limite pas à la morve, au caca et à la bave. L’expérience s’étend bien au-delà de ces gluantes considérations. Il y a par exemple, les moments où maman a chaud : *Je suis tellement hot aujourd’hui que, si je mange de la soupe, c’est elle qui va se brûler. * (Extrait)

Autre exemple, peut être encore plus significatif…ces petits épisodes du quotidien où le silence parle vraiment très fort :
*Chéri, est-ce que tu fais une bêtise ?
<Oui. >
<Qu’est-ce que tu fais exactement ? >
 <Je ne veux pas te le dire. >

Pour faire court, je dirai que Caroline Allard fait une tournée assez exhaustive des émotions maternelles sous le couvert de l’humour…humour qui confine parfois au burlesque. J’ai trouvé que ça fait réaliste et authentique.

Nous avons donc une petite suite bourrée de moments cocasses et dans laquelle la maternité, loin d’être idéalisée comme on le constate souvent, est présentée comme une expérience de vie qui a ses hauts et ses bas. La marque indélébile le l’auteur : humour, irrévérence, auto-dérision, insolence. Tout le monde s’y retrouve, même le papa que je suis. Ça se lit vite et bien mais ça finit par s’oublier.

Les deux volumes, qui n’auraient plus faire qu’un, souffrent d’un peu de redondance et d’un soupçon de nombrilisme. L’humour y est calculé. Moi je préfère la spontanéité. Même raisonnement pour l’écriture. La plume met l’accent sur la dérision mise en perspective par un langage un peu précieux dans les circonstances. C’est un peu difficile d’y adhérer.

Mais allez savoir pourquoi, les chroniques ont un petit côté attachant et m’on fait l’effet d’un bon divertissement…avec un peu de mordant…

Caroline Allard est une écrivaine et scénariste québécoise née en 1971 à Saint-Roch-de-l’Achigan dans la région de Lanaudière. Elle est l’auteure de LES CHRONIQUES D’UNE MÈRE INDIGNE. Ces chroniques ont commencé par un blog puis sont devenues un roman, publié en deux tomes et enfin une série Web sur la maternité et la vie de famille.

Carole Allard a aussi publié UNIVERSEL COIFFURE en 2012, un roman humoristique et LA REINE ET-QUE-ÇA-SAUTE, un roman jeunesse. En 2013, elle signe le scénario de l’album de bande dessinée LES CHRONIQUES D’UNE FILLE INDIGNE.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 25 juin 2022

L’œuvre de Dieu, la part du diable, de JOHN IRVING

*Ici, à Saint Cloud’s, nous perdrions notre énergie
(limitée) et notre imagination (aussi limitée) en
considérant comme des problèmes des réalités
sordides de la vie. Ici, à Saint Cloud’s, nous
n’avons qu’un seul problème…*

(Extrait L’ŒUVRE DE DIEU, LA PART DU DIABLE,
John Irving, 1986, Éditions du Seuil pour la traduction
française. Collection POINTS, édition de papier, 740 p.)

L’histoire a pour cadre l’orphelinat de Saint Cloud’s, au fin fond du Maine, et relate l’existence de ses pensionnaires pendant plus d’un demi-siècle. À commencer par Wilbur Larch, directeur de Saint Cloud’s, gynécologue excentrique. Aux yeux de nombre de femmes, un saint qui se sent investi d’une double mission : mettre au monde des enfants non désirés, futurs orphelins – <l’œuvre de Dieu» -, interrompre dans l’illégalité des grossesses – l’«œuvre du Diable». Peu à peu, entre le médecin et Homer Wells, un orphelin réfractaire à l’adoption vont se développer des relations et des sentiments qui ressemblent fort à ceux d’un père et d’un fils.

La philo du pour et du contre
*Les femmes n’ont aucun choix. Je sais que tu estimes cela
injuste, mais comment peux-tu-surtout toi avec ton
expérience-, comment peux-tu te sentir libre de refuser
d’aider des êtres humains qui ne sont pas eux-mêmes
libre d’obtenir de l’aide autre que la tienne ?
(Extrait)

C’est une des belles lectures que j’ai faites. Tout au long de cette édition de 740 pages, il a été très difficile pour moi de lâcher prise. Le sujet développé a conservé toute son actualité car il déchire encore la Société de nos jours.

Il s’agit de l’avortement. Au début, on en retrouve quelque part dans le Maine. Le docteur Wilbur Larch, gynécologue excentrique et très porté sur l’éther, dirige l’orphelinat de Saint-Cloud’s. Il met au monde des enfants non désirés qui grandiront à l’orphelinat en attendant d’être adoptés.

Bien qu’ils favorisent la mise en monde des enfants, Larch pratique aussi des avortements, ce qui est illégal à l’époque. C’est une infirmière qui choisit le nom des enfants. Un des enfants issus de Saint-Cloud’s est particulier.

Après quatre tentatives d’adoption, Homer Wells retourne à la case départ. Il grandit à l’orphelinat, finit par s’y sentir bien et y développe une relation Père-fils avec le bon docteur qui rêve de former Homer pour l’assister, et éventuellement le remplacer dans l’accomplissement de l’œuvre de Dieu, mettre au monde les enfants, et la part du diable, interrompre les grossesses.

Malheureusement pour Larch, Homer avait l’intime conviction qu’interrompre une grossesse revenait à interrompre une vie, décision qui revient à Dieu seul. Homer finira par quitter l’orphelinat et aura une intense vie d’adulte. Il connaîtra le travail, le sexe, l’amour. Il aura un fils qui sera adolescent au moment où Homer prendra la plus importante décision de sa vie.

C’est un roman puissant qui développe avec intelligence un sujet extrêmement sensible. Larch et Homer s’aiment comme Père et fils mais ils sont déchirés, tiraillés entre l’œuvre de Dieu et la part du diable. Pour Wilbur, l’avortement devrait être légal et accessible.

Pour Homer, il n’est pas question de jouer à Dieu. Les personnages de ce roman sont forts et très bien travaillés. Ils sont en grande partie la force du récit. Wilbur et Homer sont bien sûr mes préférés..

Mélony est aussi intéressante. Bien que cette fille ait la carrure d’un joueur de football et la délicatesse d’un char d’assaut, elle a quelque chose de spécial, un magnétisme, un incontournable pouvoir d’attraction. Elle aura une influence déterminante sur le destin d’Homer. Enfin, il y a le fils d’Homer, Ange, peut-être le plus attachant des personnages.

John Irving m’a plongé dans le quotidien de ces personnages et m’a placé à leur côté et j’ai vécu des moments de lecture d’une grande intensité. L’auteur ne prend pas parti dans le débat mais développe avec doigté la philosophie de chaque camp. C’est un roman touchant, qui brasse les émotions et dans lequel l’amour est omniprésent et palpable.

Sur le plan social, Wilbur me rappelle un peu le médecin canadien Henry Morgentaler (1923-2013) mort à 90 ans (le même âge que Wilbur Larch dans l’œuvre d’Irving).

Morgentaler militait pour l’avortement thérapeutique et des options de santé pour les femmes en plus d’être chef de file de plusieurs organisations civile et humanistes, ce qui lui a valu l’Ordre du Canada en 2008. Nuls doutes que son action sociale a influencé la politique canadienne et il a laissé sa marque.

Ce livre est un hymne à l’amour, un hommage aux femmes. Il s’est voulu très proche de ses personnages et il ne juge pas. Pas de longueurs, pas de jugement, pas de moralisation. Juste une histoire prenante qui offre de fort intéressants éléments de réflexion. Pour moi, L’ŒUVRE DE DIEU, LA PART DU DIABLE est un chef-d’œuvre.

Suggestion de lecture, du même auteur : LE MONDE SELON GARP

John Irving est né en 1942 et a grandi à Exeter (New Hampshire). Avant de devenir écrivain, il songe à une carrière de lutteur professionnel. Premier roman en 1968: Liberté pour les ours ! suivi d’Un mariage poids moyen et de L’Épopée du buveur d’eau. La parution du Monde selon Garp est un événement. Avec L’Hôtel New Hampshire, L’Oeuvre de Dieu, la Part du Diable (adapté à l’écran par Lasse Hallström en 2000), Une prière pour Owen, Un enfant de la balle, Une veuve de papier et La Quatrième Main, l’auteur accumule les succès auprès du public et de la critique. John Irving partage son temps entre le Vermont et le Canada.

L’œuvre de Dieu, la part du diable
au cinéma

Le film est sorti le 22 mars 2000. Il a été réalisé par Lasse Hallström. Dans la distribution, on retrouve entre autres, Toby McGuire, Charlize Theron, Delroy Lindo et Michael Caine. Le film a été adulé et récompensé décrochant l’Oscar du meilleur scénario adapté remis à John Irving, et l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle remis à Michael Caine. Le film a aussi été nominé 5 fois aux Oscars dont l’Oscar au meilleur réalisateur et l’oscar du meilleur film.

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 11 décembre 2021

Le procès, le livre de Franz Kafka

*Vous n’avez pas le droit de sortir. Vous êtes
arrêté. Et Pourquoi donc ? Demanda-t-il
ensuite… nous ne sommes pas ici pour vous
le dire. Retournez dans votre chambre et
attendez. La procédure est engagée.*

(Extrait : LE PROCÈS, Franz Kafka, présente
édition : Audible studios, 2014, durée d’écoute :
7 heures 51 minutes. Éd. or. t.f. : Gallimard 1933)

Le jour de son arrestation, K. ouvre la porte de sa chambre pour s’informer de son petit-déjeuner et amorce ainsi une dynamique du questionnement qui s’appuie, tout au long du roman, sur cette métaphore de la porte. Accusé d’une faute qu’il ignore par des juges qu’il ne voit jamais et conformément à des lois que personne ne peut lui enseigner, il va pousser un nombre ahurissant de portes pour tenter de démêler la situation.

À mesure que le procès prend de l’ampleur dans sa vie, chaque porte ouverte constitue une fermeture plus aliénante sur le monde de la procédure judiciaire, véritable source d’enfermement et de claustrophobie. L’instruction suit son cours sur environ un an durant lequel l’absence d’événements est vue uniquement à travers les yeux de K. Sa lucidité, dérisoire et inutile jusqu’à la fin, n’apporte aucun soulagement.

La satire qui questionne
*Il ne songea qu’à l’inutilité de sa résistance.
Il n’y avait rien de bien héroïque à résister
et à poser des difficultés aux deux messieurs
et à chercher en se défendant à jouir d’un
dernier semblant de vie*
(Extrait)

LE PROCÈS est un roman philosophique qui prend l’allure d’un conte, très noir, lourd et dérangeant. L’Histoire est celle de monsieur K, fondé de pouvoir dans une grande banque.  Un bon matin, monsieur K. est mis aux arrêts pour une raison obscure qui ne sera jamais définie. Notez qu’il n’est pas emprisonné. Il peut aller travailler mais la justice est en marche et le procès en cours. Pas de chef ni acte d’accusation.

Le crime ne sera jamais précisé même s’il est déjà considéré coupable. K. fait de son mieux pour organiser sa défense mais il deviendra vite évident pour le lecteur que dès le moment où les agents l’arrêtent, K. perdra définitivement le contrôle de son destin.

Dans ce récit froid et tranchant, la justice est tournée en dérision. Même K. l’affronte avec quantité d’attitudes et de comportements absurdes. Tout le récit fait le procès. Et le procès n’est fait que de questions qui ne trouveront jamais de réponses. La défense de K. consiste à tenter d’excuser un acte non identifié qu’il ignore avoir commis. Ce n’est pas important. Il a simplement été désigné pour tomber dans les mailles de la justice.

K. est perturbé. Il cherche des appuis mais ne trouve que froideur, indifférence, incompétence et vacuité. Un confident qui a l’expérience de la justice laisse même entendre à K. qu’aucun acquittement définitif n’est possible. K. sombre graduellement dans une solitude étouffante qui le pousse à lâcher prise.

Tout au long de la lecture de ce récit, j’ai été mal à l’aise. Pris d’une grande compassion pour K., je me suis surtout demandé où Kafka voulait en venir. Puis, j’ai fini par y voir une satire sociale, volontairement incohérente et qui pousse à la réflexion. Le plus beau passage du récit à mon avis est celui où K., de passage dans une cathédrale qu’il faisait visiter à un de ces clients est interpelé par un prêtre.

Ce dernier lui raconte une fable susceptible de l’aider à comprendre sa situation et de préciser sa finalité. K. interprète les propos du prêtre froidement. Son cas est désespéré c’est tout. Là encore, le prêtre est obscur, imprécis, vague. Ce passage correspond d’ailleurs à LA PARABOLE DE LA LOI, actée dès le début du film d’Orson Welles.

UNE RÉFLEXION SUR LA SOCIÉTÉ ET LA LIBERTÉ

C’est un livre bizarre, dérangeant. Il nous questionne avec force sur le sens de la justice, la loi, la vérité et par la bande sur l’être humain et la société. J’y ai vu aussi une réflexion sur la solitude, la liberté. Est-ce que j’ai vraiment saisi tout ce que Kafka a essayé de faire passer dans son livre? Peut-être que oui, peut-être que non.

On sait que LE PROCÈS n’était pas complété à la mort de Kafka. Il n’était même pas censé être publié. Mais on s’accorde à identifier l’esprit de Kafka au texte. Certains pensent même que ce texte aurait un petit caractère autobiographique.

Dans la lecture de ce livre, je me suis senti aux limites de l’onirisme me disant souvent c’est pas possible…c’est pas possible…c’est un cauchemar…impression confortée par une finale absolument dramatique, dérangeante…voire enrageante.

Faut-il mourir pour lâcher prise? Partout dans le récit, l’absurde triomphe. J’ai compris qu’il ne faut pas chercher la logique dans cette histoire. Il faut simplement se questionner et chercher un sens ailleurs.

On ne peut pas vraiment juger ou critiquer un tel livre. Je me suis limité à mettre sur papier mon ressenti, gardant à l’esprit qu’il y aura autant d’interprétations que de lecteurs. Ce livre, qui ne devait même pas être publié je le rappelle, est devenu un grand classique incontournable de la littérature qui évoque beaucoup de tares dont la lourdeur, l’hypocrisie et l’avidité d’un système. Kafka voulait-il faire le procès de la justice elle-même.

À la fin du livre, je me suis senti démuni…mais je n’ai aucun regret.

Suggestion de lecture : LE PROCÈS DU DOCTEUR FORRESTER, de Henry Denker

Franz Kafka naît au sein d’une famille juive à Prague, alors sous la domination austro-hongroise le 3 juillet 1883. Il part faire ses études en Allemagne, où il sent naître en lui une passion pour la littérature. Il rédige le Procès, la Métamorphose (1915), une nouvelle fantastique, puis Lettre au père (1919). 

Atteint par la tuberculose, Kafka se sent à la merci d’un monde complexe et dangereux. Il cherche dans ses œuvres un moyen d’échapper à la domination et à la dépendance des autres. Il finit ses jours peu connu du public, le 3 juin 1924. Ses œuvres seront publiées à titre posthume et découvertes seulement au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

LE PROCÈS au cinéma

Photo extraite du film LE PROCÈS sorti en 1962, réalisé et scénarisé par Orson Welles avec Anthony Perkins dans le rôle de Joseph K. On le voit ci-haut, plaider sa cause. Dans la distribution, on retrouve également Romy Schneider, Jeanne Moreau, Orson Welles et Elsa Martinelli.

Sur Franz Kafka, je vous propose un article fort intéressant capté sur France-Culture.

Pour explorer la bibliographie de Kafka, cliquez ici.

BONNE ÉCOUTE
Claude Lambert
Le dimanche 16 mai 2021

 

La réincarnation une réalité, de J. Allan Danelek

*Jespère que les lecteurs finiront par prendre
conscience que la réincarnation possède une
cohérence intellectuelle et rationnelle, que je
trouve réconfortante et admirable.*
(Extrait : LA RÉINCARNATION UNE RÉALITÉ,
introduction, J. Allan Danelek, éditions, AdA,
2012, édition de papier, 260 pages)

Ce livre est une exploration de tout ce qui concerne la réincarnation : le choix de la prochaine vie physique, linfluence des vies antérieures, ce qui se passe entre les vies, etc. Lauteur passe aussi en revue les sujets intimement liés à la réincarnation dont le divin, l’âme  éternelle, le karma, le choix de notre prochaine réincarnation, les fantômes, sans oublier les souvenirs de vies antérieures. Fidèle à son parcours de chercheur du domaine paranormal, Danelek présente des théories variantes sur un monde étrange et fascinant y compris laspect spirituel du processus de renaissance.

UNE QUESTION DE FOI
*Il s’agit d’un recueil d’idées, de théories
et de pensées sur le processus de la
réincarnation, qui sont devenues pour
moi des croyances.*
(Extrait de la préface, LA RÉINCARNATION)

Lorsqu’on m’a proposé la lecture de ce livre, j’ai hésité parce que je craignais de tomber sur le genre <L’ABC de l’incarnation>. j’ai vite constaté que l’auteur J. Allan Danelek est sérieux dans son approche. Il n’apporte toutefois aucune résolution à la question de la réincarnation qui demeure un mystère interprété selon la foi de tous et chacun.

L’auteur explore plutôt de façon exhaustive le sujet et propose des pistes de solutions. Plusieurs sont sérieuses comme le chapitre sur les personnalités multiples d’autres simplement intéressantes comme le chapitre sur la danse karmique, certaines m’ont paru fantaisistes comme la question des jumeaux et des âmes qui se disputent un bébé.

Dans à peu près tous les cas, j’ai trouvé l’argumentaire bien nourri mais qui retourne toujours le lecteur à son libre arbitre. Le livre est généralement bien vulgarisé mais il repose sur un mystère qui ne sera jamais résolu.

La question de la réincarnation quant à sa définition et son but demeure complexe malgré tous les efforts de l’auteur pour la rendre accessible : *…étant donné que l’âme ne peut parvenir à la perfection, comme elle est déjà parfaite, elle peut réaliser cette perfection en oubliant qu’elle est parfaite et en s’expérimentant plutôt comme quelque chose qui n’est pas parfait* (Extrait)

Malgré certaines tournures de phrases qui font parfois savantes et hautaines, le livre est relativement facile à suivre et une conclusion rétrospective termine chaque chapitre, ce qui amène le lecteur à faire le point sur des questions auxquelles on ne pense pas et c’est ici que l’auteur m’a vraiment saisi, confirmant le caractère exhaustif de l’ouvrage.

En effet, Danelek développe des idées extrêmement intéressantes par exemple sur l’âme et la personnalité, le libre arbitre dans la réincarnation, la durée du processus : est-ce qu’on se réincarne éternellement, ce qui entraîne le développement d’un autre argumentaire intéressant cette fois sur les *vieilles âmes* et *les jeunes âmes*.

Pour utiliser une expression familière, au final, la réincarnation, cette migration de l’âme demeure inexpliquée et ça demeurera toujours un mystère.

Dans le titre de l’ouvrage, Danelek présente la réincarnation comme une réalité. Il n’en apporte aucune preuve mais une logique sous-tend son raisonnement. Par ailleurs son sous-titre est irritant : *LES MYSTÈRES DE L’ÂME DÉVOILÉS*.

C’est ce genre d’insertion qui me fait hésiter à lire sur des sujets comme la réincarnation ou *la vie après la vie* ou la *vie après la mort*. Si j’en crois les chiffres de vente de ces ouvrages, il semble certain que les humains ont besoin de croire à quelque chose.

Pour moi aussi c’est une corde sensible, mais je n’ai pas besoin d’un sous-titre vendeur pour alimenter ma foi ou disons mon système de croyance. Ceci dit, j’ai apprécié ma lecture. J’adhère à beaucoup des idées de l’auteur. J’en ai pris j’en ai laissé. C’est sans doute ce que vous ferez amis lecteurs amies lectrices.

Un bon livre…utile pour enrichir une réflexion…

Suggestion de lecture : LE SECRET INTERDIT de Bernard Simonay

J. Allan Danelek est un auteur et essayiste américain, originaire du Minnesota. Son parcours de vie l’a mené sur plusieurs voies différentes. En plus de l’écriture, ses passe-temps incluent l’art, l’histoire politique et militaire, la religion et la spiritualité, la numismatique, la paléontologie, l’astronomie et les sciences en général. Danelek s’intéresse aussi beaucoup aux phénomènes inexpliqués, dont les ovnis. Sa philosophie personnelle se résume comme suit : la vie est une question d’apprentissage et d’évolution, tant sur le plan intellectuel que sur le plan spirituel. 

Bonne lecture
Claude Lambert
le vendredi 13 novembre 2020

VIES PARALLÈLES, le livre de SONIA BESSONE

*Je vais vous expliquer pourquoi je vous casse
les pieds. Parce que je ne suis pas heureuse.
J’aime mon travail mais ma vie est nulle. Je
m’accroche à un type qui préfère vivre avec
ses bières et son whisky. Et la seule chose qui
me distrait, qui me sort de cet enfer, ce sont
vos bouquins.>

(Extrait de TERENCE WILKES, une nouvelle du
recueil VIES PARALLÈLES de Sonia Bessone,
Nat éditions, 2014, versions numériques, 248p.)

La bulle humaine
*Je n’appartenais plus à personne, j’étais libre.
Un affranchi. Curieux de voir le monde, et de
choisir moi-même à qui dispenser les petits
bonheurs dont j’étais chargé. En une fumée
évanescente, je me suis enfui. Mon rêve à
moi : la liberté !*
(Extrait : VIE PARALLÈLES recueil de nouvelles)

VIES PARALLÈLES est un recueil de nouvelles dont la première, TERENCE WILKES est bâtie comme un roman et en a la longueur, occupant 80% du volume. C’est un recueil très intéressant et Terence Wilkes m’a fasciné. Malgré ses énormes succès d’auteur, Terence Wilkes abandonne l’écriture pour travailler dans la publicité. Pourquoi ? C’est simple :

*Elle n’avait pas hérité d’un frère ordinaire. Terence avait cette étrange faculté de pressentir les choses… Deviner à quel instant le téléphone sonnerait, sur quelle marche d’escalier s’arrêterait leur mère, qui frapperait à la porte…il présageait les choses et créait la vie. Malheureusement, un jour, il n’avait pas prédit que sa femme se donnerait la mort et une vie avait été détruite. * (Extrait)

Dans son deuil qui ne finit pas de finir, Terence Wilkes qui a peur de ses facultés, de ses écrits, qui angoisse sur lui-même se cherche au milieu de son petit monde. Un jour, cherchant toujours à comprendre le sens de la mort, celle de sa chère femme en particulier, Terence laisse entrer dans sa vie une fan de ses livres : Jenny, une jeune fille à la vie agitée, malmenée par son ami, macho et alcoolo.

Avec des trésors de patience et de finesse, elle se fera accepter par Terence. Est-ce qu’ensemble, ces deux égratignés de la vie pourraient aboutir à quelque chose. Ses écrits se répercutant sur la vie de ses proches, Terence aurait-il quelque chose à voir avec la mort de sa femme.

Avec un amour mutuel allant crescendo, très très graduellement, Jenny et Terrence vont apprendre ensemble à accepter leur passé et bâtir leur avenir.

Les écrits précurseurs et leur effet sur la vie réelle ne sont pas une innovation en littérature mais je me suis attaché aux personnages dès le départ. J’ai été séduit par l’intelligence et la finesse de la plume de Bessono, sa modération aussi et son humour. Elle a développé le caractère fantastique de son récit sans tomber dans le spectaculaire et le tape-à-l’œil.

Elle a dosé avec habileté rebondissements, intrigue et retournements avec une dose d’inexpliqué…de…disons surnaturel. Ce récit m’a fait vibrer. Il s’en dégage une émotion très forte. Évidemment c’est long pour une nouvelle et le récit met malheureusement un peu dans l’ombre les quatre autres nouvelles qui complètent le volume.

Ce sont quatre petits textes dans lesquels le thriller se fond dans le fantastique : LE MIROIR : quatre amis voient leur vie basculer à cause d’un miroir. DE L’AUTRE CÔTÉ DU MUR : une autre forme de réflexion sur le sens de la mort et peut-être même une raison pour laquelle on a pas à la craindre.

UN ANGE PASSE. Cette autre nouvelle est une réflexion sur la mort d’un amour et la possibilité d’une renaissance. LE FUGITIF : un être sacrifié par les Dieux et désigné pour rappeler aux hommes la grandeur de l’œuvre de l’être suprême…

J’ai toujours l’impression qu’il y a un lien entre les nouvelles. Ce n’est pas une suite, une continuité…seulement une espèce de lien comme si les nouvelles se complétaient et s’enrichissaient les unes les autres afin de remettre aux lecteurs des éléments de réflexion, ldans un style apaisant.

Enfin, un mot sur l’introduction au recueil, LA VIEILLE ROUTE. C’est un texte un peu déroutant. On pourrait presque lui faire dire ce qu’on veut. Mais ce texte m’a fait voir le recueil comme une route…avec de nombreux embranchements, mais tout en convergence. L’auteure nous prépare à longer la route…celle qui nous confronte avec la vie…tout se tient dans ce recueil qui porte vraiment bien son titre.

Le tout se lit très bien. C’est le lecteur qui est le fil conducteur. Avec la première nouvelle toutefois, j’aurais souhaité quelque chose de plus long, de mieux nourri. J’aurais préféré une meilleure exploitation du sujet pour en faire finalement un roman complet. Mais dans l’ensemble, le recueil m’a ravi.

Au moment d’écrire mon article, il y a peu d’informations disponibles sur Sonia Bessone. J’ai toutefois noté ce qui suit sur sa page Facebook :

Les tribulations de Sonia Bessone dans les pays lointains n’étant plus très compatibles avec ses fonctions de mère, elle s’est jetée à fond dans l’écriture. Et ses récits ont tous un petit goût « d’ailleurs » .

Nats éditions lui a attribué des fonctions de parolière pour les B.O. de livre. Une grande nouveauté pour elle, mais elle en est ravie ! Ses projets ? Quelques textes de chansons…Et peut-être libérer tout ce qui sommeille dans le disque dur de son ordi ?!!

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 31 octobre 2020

AU-DELÀ DU RÉEL, la série culte, DIDIER LIARDET

*Ce n’est pas une défaillance de votre téléviseur, n’essayez donc pas de régler l’image. Nous avons le contrôle total de l’émission, contrôle du balayage horizontal, contrôle du balayage vertical. Nous pouvons aussi bien vous donner une image floue qu’une image pure comme le cristal.

Pour l’heure qui vient, asseyez-vous tranquillement, nous contrôlerons tout ce que vous verrez et entendrez. Vous allez participer à une grande aventure et faire l’expérience du mystère avec AU-DELÀ DU RÉEL. * (introduction de chaque épisode, AU-DELÀ DU RÉEL, Collection TÉLÉVISION EN SÉRIE, Didier Liardet, Yris éditions, 2015, papier, 260 pages, photos, illustrations)

        

L’AVENIR DU FUTUR
*Lancée sur la chaîne ABC en 1963, AU-DELÀ DU RÉEL fit
sensation par sa singularité conceptuelle, sa richesse
thématique et un style visuel novateur… Créé par Leslie
Steevens…cette anthologie partage avec la QUATRIÈME
DIMENSION, un vaste champ d’influences sur plusieurs
générations de téléspectateurs et de cinéastes.
(Extrait)

C’est un livre qui a rappelé de très beaux souvenirs au mordu de science-fiction que j’ai toujours été et que je serai toujours. AU-DELÀ du réel est une télé série américaine diffusée de septembre 1963 à janvier 1965 et qui traite de préoccupations réelles, de peurs refoulées de l’être humain à travers des réflexions philosophiques et métaphysiques sur la nature de l’homme et les mystères de l’univers.

Et parce que cette série évoque les dangers liés à la recherche scientifique et à l’éthique, elle conserve toujours son actualité. Pour beaucoup d’amateurs de science-fiction de l’époque et encore aujourd’hui, la série AU-DELÀ DU RÉEL constitue une suite logique et améliorée de la série LA QUATRIÈME DIMENSION diffusée à l’origine de 1959 à 1964 et pourtant cette série était un chef d’œuvre de créativité.

Le livre de Diardet décortique complètement la série avec d’abord une génèse de production, pénètre dans les coulisses de tournage, publie des documents rares, présente la série remake AU-DELÀ DU RÉEL L’AVENTURE CONTINUE diffusée à l’origine de 1995 à 2002 et propose une fiche-guide de chacun des épisodes de la série AU-DELÀ DU RÉEL.

Chaque fiche-guide propose un synopsis de l’épisode, une évaluation, Une présentation de chaque acteur de la distribution avec son répertoire télévisuel et sa filmographie, et des photos extraites de l’épisode. En ce qui concerne l’évaluation des épisodes, je peux confirmer qu’elles sont pertinentes et réalistes et je sais de quoi je parle car j’ai visionné la totalité des quarante-neuf épisodes de la série.

Ce livre m’a permis de renouer avec nombre d’acteurs, jeunes à l’époque, qui ont transité par AU-DELÀ DU RÉEL avant de connaître la gloire. Je pense à Leonard Nimoy qu’on verra par la suite dans MISSION IMPOSSIBLE puis dans la télésérie STAR TREK qui comprend plus de 730 épisodes sur six séries dont l’originale et NEXT GENERATION, en plus de la filmographie. Nimoy deviendra le légendaire monsieur Spock.

Je pense à William Shatner qui deviendra le capitaine Kirk, Henri Silva, Eddie Albert sans oublier Martin Landau qu’on verra par la suite dans MISSION IMPOSSIBLE, et COSMOS 1999, David McCallum, Robert Culp et j’en passe.

Le livre nous rappelle aussi avec d’abondants détails que les artisans de la série AU-DELÀ DU RÉEL, réalisée avec des budgets très limités ont fait preuve d’une remarquable ingéniosité. Le livre comprend une grande quantité de photos et sa présentation est soignée. J’ai trouvé tout de même que les parcours de carrière des artisans et acteurs sont lourds,

Le principal irritant tient au fait que les photos d’acteurs et d’artisans ne sont pas identifiées. J’ai eu de la difficulté à associer les noms d’acteurs à leurs photos. Malgré tout, j’ai savouré ce livre et effectivement, j’ai vécu une grande aventure et j’ai fait l’expérience du mystère. Je recommande ce livre à tous, y compris au jeune lectorat qui apprendra beaucoup de choses intéressantes sur les premiers balbutiements de l’univers télévisuel.

À LIRE AUSSI

     

Didier Liardet (à gauche) est historien et spécialiste de séries télévisées. Il dirige la collection «télévision en série» pour Éditions Yris , avec Michelle Roussel. Il a publié des ouvrages de référence sur de nombreuses séries-cultes, les plus grandes séries télévisées britanniques et américaines…AU-DELÀ DU RÉEL, V et plusieurs autres.

Leslie Stevens (1924-1998) est un scénariste, dramaturge et producteur de télévision américaine. Leslie Stevens est notamment connu pour être le créateur de la série AU-DELÀ DU RÉEL (The Outer Limits) et réalisateur de INCUBUS (1966) mettant en vedette William Shatner et ayant la particularité d’être l’un des seuls longs métrages tournés en esperanto, ce langage construit de toutes pièces et conçu pour servir de pont culturel entre plus de 120 pays.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le vendredi 16 octobre 2020

LE JOURNAL D’UN FOU, de NICOLAS GOGOL

AVANT-PROPOS :

Depuis sa première publication en 1835, LE JOURNAL D’UN FOU de Nicolas Gogol a été publié un nombre incalculable de fois. Ce qui m’a décidé de faire la lecture de cette nouvelle un peu spéciale, c’est son insertion dans une méga-édition réunissant *50 CHEFS-D’ŒUVRE QUE VOUS DEVEZ LIRE AVANT DE MOURIR*. Le journal d’un fou, d’un comique plutôt acide est devenu un grand classique à cause de l’exploration de l’âme humaine qu’il suggère. C’est très noir, c’est aussi très émouvant.

(Nouvelle extraite des *golden deer classics*
50 chefs-d’œuvre que vous devez
lire avant de mourir. vol. 1)

*J’avoue que, depuis quelque temps, il
m’arrive parfois de voir et d’entendre
des choses que personne  n’a jamais
vues ni entendues. «Allons, me suis-
je dis, je vais suivre cette chienne et
je saurai qui elle est et ce qu’elle
pense.*
(édition originale, 1835 dans le recueil
arabesque, Nicolas Gogol, réédition 2009
éditions thélène, la nouvelle est inscrite
dans la méga-édition numérique 50 chefs
d’œuvre que vous devez lire avant de mourir)

LE JOURNAL D’UN FOU relate comment un citoyen russe ordinaire sombre graduellement dans la folie pour éviter les souffrances que lui impose sa vie. Poprichtchine est un citoyen qui occupe un poste minable dans un ministère quelconque. Un jour, il tombe amoureux de la fille de son directeur, inaccessible à cause de sa noblesse. Pour compenser, l’homme éconduit va entretenir une relation avec la chienne de la jeune fille, persuadé qu’elle lui parle. À travers Poprichtchine, se jouent les conditions humaines incluant la frontière parfois fragile entre la folie et la normalité.

LA DÉMENCE QUI DÉNONCE
*« Reste là, et si tu racontes que tu es le roi Ferdinand, je
te ferai passer cette envie. » Sachant que ce n’était qu’
une épreuve, j’ai répondu négativement. Alors le
chancelier m’a donné deux coups de bâton sur le dos,
si douloureux que j’ai failli pousser un cri, mais je me
suis dominé, me rappelant que c’était un rite de la
chevalerie, lors de l’entrée en charge d’un haut dignitaire. *

(Extrait : LE JOURNAL D’UN FOU/ 50 chefs d’œuvre que vous
devez lire avant de mourir. Volume 1)

Le fou dont il est question est un petit fonctionnaire russe, tailleur de plume, qui tombe secrètement amoureux de la fille de son directeur et décide d’écrire son journal. Première évidence à travers toutes les incohérences qui mettent en perspective un cerveau sensiblement tordu mais qui conserve tout de même un certain sens de l’expression, monsieur Propichtchine a un faible pour tout ce qui est inaccessible.

J’observe ici que monsieur Propichtchine, un parfait indolent, nonchalant et incapable partage en fait les mêmes désirs qu’un peu tout le monde. C’est une tendance très humaine qui veut que ce soit généralement mieux dans la cour du voisin :

*Tout ce qu’il y a de meilleur au monde échoit toujours aux gentilshommes de la chambre ou aux généraux. On se procure une modeste aisance, on croit l’atteindre, et un gentilhomme de la chambre ou un général vous l’arrache sous le nez. * 

Il se dégage de ce journal chaotique, incohérent et affublé d’une logique défaillante une question intéressante que semble vouloir poser Gogol : lequel est le plus fou ? En lisant le journal, la question est moins évidente. Notre fonctionnaire se prend pour le roi d’Espagne, ce grand pays qui aurait enfin trouvé son guide, entend et interprète des conversations entre chiens et décide de suivre, d’espionner une chienne, animal de compagnie de sa dulcinée.

Ces propos d’un esprit dérangé soulèvent des questions que l’auteur se pose sur la Société, sur la définition de la folie et tout ce qui peut la justifier. Les effets de la folie, ses conséquences. Le portrait de la Société qui découle du délire de Poprichtchine est peu flatteur. Notre pauvre petit fonctionnaire méprisé et rejeté va finir à l’asile mais la question se pose toujours : lequel est le plus fou? Il est plus facile bien sûr de pointer du doigt un individu qu’une collectivité. Peut-être la différence réside-t-elle dans la cohérence.

Il se dégage du texte de la sensibilité, une certaine émotion. De la tristesse. Malheureusement, la nouvelle est trop courte. La déchéance de Poprichtchine est trop rapide. Je n’espérais pas vraiment un roman, mais tout de même un texte un peu plus fourni et travaillé et une déconnexion moins rapide avec la réalité.

Peut-être Gogol y a-t-il pensé et aurait senti le danger de diluer sa pensée. Quoiqu’il en soit, le personnage est attachant et ce, malgré le caractère absurde de son raisonnement, la déformation quasi spectaculaire de sa notion du temps et la perte graduelle de sa notion de la réalité.

Il y a de grandes forces en présence dans ce texte. Par exemple, le dialogue avec les chiens, son apparition au ministère alors que, se croyant le roi d’Espagne, il regardait de haut son directeur…des forces qui mettent en perspective la fragilité de l’esprit humain en prenant l’exemple d’un pauvre *monsieur personne* coincé dans une inimaginable solitude.

Avec un humour parfois grinçant et bien que je ressentisse tristesse et empathie pour Poprichtchine, l’auteur établit une énorme zone grise entre la raison et la folie. Les limites sont très discutables. Il y a matière à réflexion. C’est une lecture d’une belle profondeur qui ne laisse pas indifférent.

Nicolas Gogol (1809-1852) est un auteur ukrénien qui sera témoin et partie prenante à l’explosion du roman dans la littérature russe. Au fil du temps, Gogol se persuada d’être un génie. Cela va le conforter dans ses névroses qui se retrouveront à peu près dans toutes ses œuvres.

Il écrit son premier livre à 20 ans : LES VEILLES DANS UN HAMEAU PRÈS DE DIKANKA où il reprend les contes populaires de son enfance. Cette œuvre, à la fois pétrie de fantastique, de romantisme et d’humour va rapprocher du lectorat russe, en route vers la gloire et ses excès. Il devient adoré par le tsar et l’aristocratie russe. 

Son œuvre majeure sera LES ÂMES MORTES. Toutefois elle subira la critique négative de Poushkine et des critiques littéraires. Cela plongera Gogol dans un désespoir profond.

Pourtant, LES ÂMES MORTES connait un succès fulgurant. Au bout du compte, le livre sera jugé tellement mauvais que Gogol se résoudra à le bruler. Puis, souffrant de dépression nerveuse, il se laissera mourir de faim chez un de ses amis, à l’âge de 44 ans. (Fiches de lecture)

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le samedi 26 septembre 2020

CESSEZ DE PRIER personne ne vous entend

Commentaire sur le livre d’
ELBERT JUCOR

*Les religions sont l’œuvre des hommes.
Elles sont des prédateurs de l’âme et de
l’esprit. Elles confinent les individus à une
pensée unique et étroite et ne laissent
place à aucune autre alternative. Elles
dominent l’homme, le culpabilisent…*
(Extrait : CESSEZ DE PRIER PERSONNE NE
VOUS ENTEND, Elbert Jucor, les éditions
La Plume D’or, 2017, édition de papier, 155 p.)

La question générale posée dans ce livre est celle-ci: L’HOMME A-T-IL BESOIN D’UNE RELIGION?  L’homme ne nait pas pécheur. C’est la religion qui l’a décrété comme tel. L’homme ne nait pas religieux non plus, il le devient par endoctrinement. Historiquement, les religions ont engendré guerre, haine, violence, cruauté…le tout stimulé par l’intolérance. D’après l’auteur, la Bible et le Coran ne sont que des créations littéraires. Non seulement leurs récits n’ont aucune origine divine, mais rien, absolument rien ne peut les légitimer. Une question à long développement, source de débat se pose : À quoi ça sert de prier ?

POURQUOI PRIER ?
*La différence fondamentale entre la religion
et la spiritualité est la suivante: les religions
sont un «business», alors que la
spiritualité est un état de conscience. >
(Extrait: CESSEZ DE PRIER, personne ne vous entend)

Ce livre est un essai, livre coup de poing car son auteur livre une opinion tranchante et qui laisse peu de place à l’appel, au sujet d’une corde très sensible de la Société : DIEU ET LES RELIGIONS. Le titre du livre comme tel est une finalité qui correspond très bien au sentiment de l’auteur: *Ce livre est le résultat de ma quête obsessionnelle de la vérité et de l’absolu* (Extrait) Avant de sauter aux conclusions, voyons un peu le contenu.

Tout l’argumentaire d’Elbert Jucor repose sur la négation de la religion et la négation de Dieu, ce dernier étant remplacé par une entité je dirais à spectre plus large : LES MYSTÈRES DE LA VIE. Jucor est aussi direct qu’à contre-courant : *Adieu sectes, gourous, marabouts, imams, pape et cardinaux. La Société n’a pas besoin de ces vendeurs de chars usagés qui ne seront livrés qu’au ciel. * (Extrait)

Ne soyez pas surpris, il est très peu question de prière dans ce livre. L’auteur émet le souhait que la société se débarrasse des religions pour survivre et qu’elle cesse de s’en remettre à des dieux qui n’existent pas. En dehors de ces deux grands thèmes, l’auteur émet des opinions, des hypothèses, des pensées et des réflexions sur des sujets divers qui sous-tendent les thèmes principaux.

Jucor met aussi en perspective les méfaits historiques de la religion comme par exemple l’interdiction de la contraception qui est une aberration : *Si nous regardons la réalité en face, on peut voir et réaliser qu’un distributeur de condoms fait davantage de bien à l’humanité que tous les vendeurs de paradis dans l’après-vie…* (Extrait)

Si je m’en tiens aux deux grands pôles de l’argumentaire et que je me permets de commenter, il y a le rejet de Dieu avec lequel je ne peux pas être d’accord et le rejet complet des religions que je souhaite personnellement depuis mon adolescence pour plusieurs raisons, entre autres pour les morts qu’elles ont empilées, pour les richesses qu’elles ont accumulées, pour avoir abaissé la femme presque au rang d’un animal de compagnie.

Les religions sont des étiquettes qui veulent justifier le contrôle, la manipulation et autres gentillesses du genre. L’important n’est pas d’être d’accord ou pas d’accord. L’important est qu’il y a matière à débat même si le ton de l’auteur est cassant.

Le ton est très catégorique. Trop à mon goût. Je ne peux pas reprocher à l’auteur d’être direct, tant que les propos se tiennent.. Or, dès qu’il déborde de ses deux grands thèmes majeurs, il n’y a plus de fil conducteur. L’auteur prend toutes sortes de directions. Je crois qu’il y a un peu d’errance par moment et certains propos m’ont paru simplistes :

*Comme vous pouvez le constater, la vie n’est qu’un jeu et vous ne pouvez l’arrêter, car quelqu’un a déjà lancé les dés pour vous. * (Extrait) Une de ces principales directions secondaires concerne la vie, le sens de la vie, son origine. Il y a aussi des réflexions éparses sur la nature humaine, la prédation, l’âme, le suicide…Si l’auteur établit un lien avec le thème principal, ce sera pour exécrer la religion. C’est là qu’il m’a accroché.

Croyez-moi, il n’a pas peur d’émettre son opinion et de l’aciduler au besoin, Il craint encore moins Allah…peut-être que les temps changent. Si ma mémoire est bonne, l’écrivain Salman Rushdie a fait l’objet d’une Fatwa de l’ayatollah Khomeini en 1989 pour son livre LES VERSETS SATANIQUES jugé blasphématoire.

Ça a dû rendre Allah pas de bonne humeur…Rushdie était condamné à mort. Ici, Jucor fait pire…fini les musulmans, l’Islam, Allah, les catholiques, le pape etc. finie la religion meurtrière, hypocrite et manipulatrice. Ou les temps changent ou Jucor n’a peur de rien ,,,

Ce livre a beaucoup de faiblesses mais son auteur se prononce haut et fort sur des thèmes encore jugés tabous par nos sociétés modernes. Je crois qu’il vaut la peine d’être lu. Personnellement, je ne crois pas à la religion mais je crois en Dieu, c’est-à-dire à l’être suprême sans lien avec aucune religion. Ça reste en lien avec le titre. En effet, qu’est-ce que ça donne de prier un dieu qui nous a donné le libre arbitre…

Québécois d’origine, Elbert Jucor est bachelier de l’université de Montréal. Il a aussi fréquenté diverses institutions spécialisées dans la formation des prêtres. Il a développé un besoin obsessionnel de chercher et connaître la vérité sur les religions. CESSEZ DE PRIER est le résultat de sa constante observation du monde et sa réponse aux questions existentialistes qui tourmente tout être humain. C’est un débat qui concerne l’amélioration du sort de l’humanité. Elbert Jucor apporte une seule réponse aux questions relatives aux mystères de la vie et cette réponse est sans appel.

Bonne lecture
Claude Lambert
le vendredi 21 août 2020