LES NETTOYEURS, le livre de JULIEN CENTAURE

*Il se demanda même si leur sort était plus enviable
que celui des humains domestiqués. Ces derniers
vivaient à la surface et même si à soixante ans, ils
étaient immanquablement décérébrés, il s’agissait
d’une mort sans souffrances. *
(Extrait : LES NETTOYEURS, Julien Centaure C.I.P.P.
éditeur, 2015, 408 pages, papier. Version audio : Audible
studios éditeur, 2018, durée d’écoute, 14 heures 40
minutes. Narrateur : Renaud Dehesdin.)

La civilisation humaine ne subsiste plus que dans quelques cités souterraines. Les gens vivent et meurent dans leur cité sans jamais voir la lumière du jour. Seuls les nettoyeurs montent encore à la surface pour entretenir les installations. Ils doivent y affronter une nature particulièrement hostile où la moindre erreur est fatale. Lum détient le record absolu du nombre de sorties à la surface. Mais cette 489ème sortie ne va pas du tout se dérouler comme d’habitude

La touche de Centaure
*Lisa se demanda ce qu’elle serait devenue sans ce
jardin. Peut-être aurait-elle craqué. Se forçant un
passage jusqu’à une des cheminées de sortie des
nettoyeurs pour gagner la surface et aller mourir
dans les bras d’un plouton…une mort sans douleur,
on perdait conscience pour toujours…*
(Extrait)

C’est une histoire intéressante et bien imaginée. Elle a beaucoup d’affinité avec le volume précédant de Centaure : Esperanza 64. Voyons d’abord le synopsis. Il y a des centaines d’années, des créatures appelées PLOUTONS sont venues sur terre pour tuer, décimer l’humanité.

Ces créatures étaient dirigées mentalement par des Nymphes, des créatures translucides qui rappellent les méduses, mais elles se déplacent dans l’air plutôt que dans l’eau. Leurs motivations sont plutôt obscures. Des milliards d’humains sont morts décérébrés par les ploutons. Les survivants se sont rapidement organisés et ont créé des cités sous-terraines à l’épreuve des ploutons.

Devant cette résistance, les ploutons ont permis à des humains *domestiqués* de vivre en surface à la condition d’être décérébrés à l’âge de soixante ans. Le but de ce sursis est de combattre et nettoyer les cités sous-terraines. Ces humains domestiqués sont les Amiens. Une de ces cités est particulièrement coriace à combattre : Antéa.

Les seuls citoyens habilités à monter à la surface sont les Nettoyeurs qui voient à la maintenance des équipements. Les nettoyeurs dont LUM, le plus anciens et le meilleur ont développé un procédé mental qui leur permet de tenir tête aux Ploutons.

Antéa multipliait les stratégies pour combattre les Amiens. Une stratégie ultime consistait à envoyer un groupe d’espion avec Lum en tête dans le lointain continent Amien afin de comprendre leur mode de vie et leurs motivations.

Le dévoilement de leur identité les amènera à fuir et finalement s’engager dans l’armée Centaurienne et combattre dans la guerre qui oppose les centauriens aux furies et aux fantômex de la Planète Porte. Lume en reviendra complètement transformé, tout comme le destin de l’humanité.

J’ai été davantage surpris que déçu par l’écoute de ce livre, à cause de la tournure des évènements. La première partie du livre développe la rébellion des antéens qui est devenue une guerre ouverte avec les amiens. Beaucoup de morts, beaucoup de blessés et surtout des stratégies développées par Anthéa pour survivre…des stratégies, des techniques, des idées toutes plus brillantes les unes que les autres.

Je me demandais si les amiens comprenaient ce qui leur arrivait. J’étais figé par la narration de Dehesdin jusqu’à ce qu’une délégation d’espions dirigés par Lume soit déportée sur le continent amien. Là, changement de rythme, de style, la plume s’alourdit et, avec la participation des espions à la guerre centaurienne, l’histoire fait un virage inattendu et prend une saveur philosophique alors qu’un fantôme s’adresse mentalement à Lum.

Ici, je me suis demandé si l’auteur n’avait pas manqué d’inspiration, mettant de côté un long moment les événements qui secouent Antéa au profit d’un long palabre qui transforme Lum complètement et par la bande toute la chaîne d’évènements. J’ai trouvé ça un peu facile…à la limite de l’ennuyance.

Cette mission d’espionnage dont je n’ai pas vraiment saisi la nécessité a peut-être été vue par beaucoup de lecteur/lectrices comme un coup de génie par l’auteur, mais malheureusement, elle aboutit sur une finale bâclée, expédiée et peu crédible. C’était trop facile à mon avis parce que le thème est sous-développé.

Ce virage est surprenant je le rappelle, mais pas forcément décevant même si je ne suis pas sorti de cette écoute vraiment emballé. Il y a quand même des forces dignes de mentions : la notion même de nettoyeur est une trouvaille. Elle a été travaillée, structurée, approfondie et en ajoutant des qualités intrinsèques cela m’a permis de m’attacher au principal personnage du roman.

Il y a de l’émotion dans cette histoire et même de l’amour et il a sa place, aucun doute, même si aimer un nettoyeur n’est pas simple. Le récit prend l’allure d’un space opera, une aventure dramatique évoluant dans un environnement géo-politique complexe le tout avec un certain réalisme scientifique.

Si j’avais à noter, je donnerais un bon 70%. Largement suffisant pour recommander l’écoute du livre très bien narré par Renaud Dehesdin.

DES LIVRES DE JULIEN CENTAURE

L’auteur raconte

En ce qui me concerne, il n’y a pas grand-chose à dire, mais il faut savoir que lorsque j’écris, je suis presque tout le temps dans l’histoire. Le soir, dans mon lit, est un moment particulier, riche en idées, en rebondissements, mais je suis aussi dans l’histoire quand je fais mon jogging, quand je suis dans une salle d’attente, quand je conduis…

Écrire une histoire c’est la vivre à la puissance 10, c’est oublier presque totalement le monde réel. On est dans une petite pièce de 8 m² et on tient l’univers dans sa main.

Par contre, lorsque je n’écris pas, je fais vraiment n’importe quoi. Je ne me contrôle plus. Je suis une âme damnée. L’écriture est donc une thérapie pour moi. C’est par elle que je trouve un équilibre et que je deviens un humain normal.  J’ai écrit de nombreux ouvrages dont beaucoup ne seront jamais publiés, mais c’est toujours le dernier, celui que je vis, qui me semble le plus passionnant.
(Julien Centaure via Amazon.fr)

Bonne écoute
Claude Lambert
Le dimanche 13 mars 2022

LE LIVRE QUI REND DINGUE, de FRÉDÉRIC MARS

*Elle a souri, rougi un peu, ouvert son exemplaire
comme si elle allait lire des trucs cochons. Je ne
sais pas si ça l’était, mais ça a dû être lumineux,
car elle a souri plus largement encore.*
(Extrait : LE LIVRE QUI REND DINGUE, Frédéric Mars,
Storylab éditions, 2012, numérique)

Le livre très attendu d’un auteur émergent connaît un succès foudroyant qui dépasse la compréhension des milieux littéraires. Dès sa sortie, les librairies sont envahies. Tout le monde s’arrache le précieux volume déjà nominé pour l’obtention de nombreuses citations, récompenses et prix littéraires. C’est le plus grand best-seller de tous les temps. Le livre raz-de-marée. En quelques semaines, il se vend à des centaines de millions d’exemplaires, le monde entier est subjugué. Mais bientôt d’étranges phénomènes frappent les lecteurs…

La théorie du bon lecteur
*Je suis l’auteur d’un texte dangereux. Vous qui
me lisez, vous qui, dans le monde entier, avez
pris plaisir à la lecture de mon livre, je vous en
remercie. Très sincèrement. Mais je vous demande
aujourd’hui, solennellement, de le détruire sans
plus attendre.*
(Extrait : LE LIVRE QUI REND DINGUE)

C’est un livre un peu étrange, au sujet intriguant et très original. C’est aussi un roman très court, tout à fait en accord avec la mission que s’est donné Story Lab de ne publier que des livres qui se lisent en moins de 90 minutes, en format numérique. En quelques mots LE LIVRE QUI REND DINGUE est l’histoire d’un auteur qui gère mal le succès phénoménal de son livre.

Il m’a fallu un peu de temps pour m’accrocher au sujet. Je ne savais pas trop où voulait en venir Mars jusqu’à ce que je comprenne en fait que l’auteur voulait idéaliser le lien qui doit exister entre un auteur et les lecteurs comme si, d’une part chaque lecteur apporte ce qu’il a pour se retrouver dans ce qu’il lit et d’autre part l’auteur trouve la perfection absolue du ton juste pour s’adresser personnellement et directement à chaque lecteur.

*Il me semblait impossible d’adapter mon discours à de parfaits inconnus. Le paradoxe, c’est que mon livre le faisait pour moi, et que cela justement, compliquait tout. Auberge espagnole, il permettait la projection de tous les sentiments, toutes les croyances, tous les savoirs que le lecteur apportait avec lui*(extrait)

Mars se demande en fait si un roman peut créer ses lecteurs. J’aborde la question comme une utopie évidemment, d’ailleurs à la fin du récit, l’auteur déchante un peu et le lecteur peut alors comprendre un peu mieux la démarche de l’auteur. Mais il faut admettre qu’il y a de quoi réfléchir :

*Je ne m’étais encore jamais demandé ce qui pouvait bien se passer si mes lecteurs…comment dire…s’ils n’avaient rien à apporter? Ce que j’avais encore moins anticipé, c’est qu’ils seraient nombreux dans ce cas.* (extrait)

Tout au long de ma lecture, j’ai senti que Frédéric Mars tourne en dérision les différents intervenants dans la production d’un livre, les éditeurs en particulier et aussi, tout ce qui vient après la publication. On y trouve des remarques parfois acides sur, les libraires, les médias et même sur les critiques littéraires qui sont loin d’être encensés.

Mars établit même une distinction entre le bon et le mauvais lecteur : Il y a une thèse à écrire sur la méchanceté du lecteur attentif… (Extrait) Bref…dans ma longue carrière de lecteur, je ne me suis jamais demandé ce que je pouvais apporter à un livre.

Malgré toute son originalité, je ne peux pas dire que ce livre m’a emballé. Peut-être parce que je n’ai pas été accroché dès le départ et aussi parce que j’ai trouvé la finale un peu décevante. Le livre a tout de même des forces : il est bref, se lit bien, il interpelle.

Beaucoup trouveront l’histoire amusante et surtout son sujet est terriblement sorti des sentiers battus. Je pourrais coller au récit une petite étiquette philosophique mais l’auteur ne se prend pas au sérieux et pourrait même vous surprendre par son humour parfois décapant.

Dernière petite curiosité mais non la moindre, le livre dont il est question dans le récit de Frédéric Mars porte un titre imprononçable, il s’agit d’un point d’interrogation à l’envers et mieux encore…on ne saura jamais de quoi parle ce livre…Mars aura vraiment été original jusqu’au bout…

Suggestion de lecture : IL PLEUVAIT DES OISEAUX, de Jocelyne Saucier

Frédéric Mars est un auteur et scénariste français né à Paris en 1968. Il a aussi été journaliste et photographe. Un de ses plus grands succès littéraires fut sans doute NON STOP publié en 2011. En plus de ses romans, Mars a publié une quarantaine d’essais et livres illustrés. Les différentes facettes de la personnalité et les limites de la conscience comptent parmi ses thèmes préférés, tendance qu’on retrouve dans LE LIVRE QUI REND DINGUE. Il a aussi écrit un roman -jeunesse : LES ÉCRIVEURS  en 2011.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le dimanche 17 juin 2018