LES MORTS RENAÎTRONT UN JOUR, CHRISTOPH ERNST

*…une trentaine environ ont été pendus, les autres
jetés en prison. En plus de cela, Goebbels a encore
fait arrêter cinq cents juifs en représailles. La moitié
ont été exécutés sur-le-champ, les autres envoyés
en camp de concentration». Apparemment, je suis
devenue pâle.*
(Extrait : LES MORTS RENAÏTRONT UN JOUR, Christoph
Ernst, édition originale : Pendragon 2012, t.f. : Piraanha
2015, édition numérique, 300 pages)

Plus de cinquante ans après avoir fui l’Allemagne, Käthe, d’origine juive, est de retour à Berlin pour récupérer un immeuble ayant appartenu à sa famille avant d’être confisqué par les nazis. Peu après son arrivée, son corps sans vie est retrouvé au pied d’un mémorial de la déportation. Sa petite nièce, Maja, ne crois pas à la thèse du suicide. Elle va devoir plonger dans les méandres d’un passé douloureux. L’intrigue revisite le sort des juifs sous le nazisme allemand et les exactions de la RDA mais dresse surtout le portrait d’hommes et de femmes confrontés à un choix impossible.

SURVIVRE À LA FOLIE
*La porte d’entrée se referme derrière elle dans
un bruit mat. Je suis trop effrayée pour réagir
et crier qu’ils ne doivent en aucun cas me
laisser seule avec ce type. Il grimace un
sourire bouffi. «Ca va mieux ?»
(Extrait : LES MORTS RENAÎTRONT UN JOUR)

À la suite du décès de sa tante Käthe, Maja se rend à Berlin pour régler la succession Pendant les formalités, Maja découvre certains secrets qui attisent sa curiosité comme le fait que la maison de sa tante ait été confisquée par un SS au cours de la 2e guerre mondiale et d’autres secrets bien gardés qui rendent la mort de sa tante très suspecte.

La police retient la thèse du suicide mais Maja sent que tout ça n’est pas net et décide d’enquêter, mais elle n’a aucune idée des dangers qui la guettent au fur et à mesure qu’elle pousse son investigation.

Malgré l’originalité du sujet, j’ai trouvé l’ensemble un peu pénible. C’est un mélange plus ou moins habile de fiction et de réalité. Dans la première moitié du livre, ce qui est quand même assez long, je ne savais pas à quoi m’accrocher tellement le récit prenait toutes sortes de directions…beaucoup de longueurs, pas de fil conducteur, une grande quantité de personnages pour la plupart sans grande profondeur.

Ce qui m’a fait tenir le coup dans la première moitié, c’est l’opiniâtreté avec laquelle Maja conduit ses recherches. Dans la deuxième moitié, le sujet se précise et se resserre. Le fil conducteur devient plus solide et nous dirige vers une finale malheureusement sans saveur.

La présentation du livre parlait du rythme endiablé d’un thriller et d’une intrigue policière haletante…c’est très exagéré. Mais tout n’est pas noir, le livre a certains mérites car il revisite des pans méconnus de l’histoire.

En effet, le récit expose, sous un angle différent, des évènements et des agissements qui ont constitué une énorme tache sur le bulletin de conduite des hommes : le sort des juifs allemands sous le régime nazi et peut-on encore exagérer quand on parle des incroyables bassesses et des sauvageries exécutées par les SS.

À travers les investigations de Maja, l’auteur met en perspective le portrait d’hommes et de femmes confrontés à leur mort ou à quelque choix impossible. Il y a bien quelques passages un peu pénibles, mais dans l’ensemble, Ernst fait preuve d’une belle retenue.

Les faits historiques entourant la guerre en général, le caractère monstrueux du nazisme, le mur de Berlin avec les alliés d’un côté et la sorcière communiste de l’autre…tous ces faits sont rapportés avec le souci du détail et de la précision. Donc,  l’ouvrage est crédible, mettant  en lumière la situation des juifs allemands sur laquelle l’Histoire est plus discrète.

La plume est belle mais malheureusement, elle s’étend à n’en plus finir. De plus, le caractère historique du récit met dans l’ombre son caractère intriguant : la guerre, la situation des juifs, la création d’Israël, la situation des Palestiniens , les excès de la RDA, le mur de Berlin, entre autres. On ne peut donc pas parler de thriller même si le fond de l’histoire est dramatique et c’est le moins que je puisse dire.

Si l’auteur avait mis autant d’ardeur à développer l’intrigue qu’il l’a fait sur le plan historique, on aurait eu un livre un peu plus long mais passionnant à tous les points de vue et le livre aurait été inoubliable. Malheureusement, il accuse un important déséquilibre entre l’histoire et l’intrigue.

Le livre a quand-même un petit côté intéressant comme je l’ai expliqué plus haut mais sans qu’il soit nécessairement question de naïveté, disons que, comme beaucoup de lecteurs je suis comme qui dirait tombé dans le piège du quatrième de couverture.

Il y a très peu d’informations disponibles sur le parcours littéraire de Christophe Ernst. LES MORTS RENAÎTRONT UN JOUR est son seul livre traduit en français pour l’instant. On sait qu’il est né en 1958. Il a étudié l’histoire à New-York puis est devenu gestionnaire culturel dans son pays d’origine, l’Allemagne plus précisément à Berlin. Il a été aussi journaliste et conférencier. Après quelques années à ce rythme, il est retourné vivre dans sa ville natale : Hambourg.

BONNE  LECTURE
Claude Lambert
Le samedi 2 mai 2020

 

 

HEYDRICH, LE GRAAL ET LA MARMOTTE, de Peter Berling

Il est entré dans la SS sans s’interroger sur
les valeurs qui y sont considérées comme
une loi d’airain. Au sein de l’ordre,
l’homosexualité est un crime capital passible
de la peine de mort ! La moindre des
sanctions, c’est le camp de concentration,
et cet idiot de Rahn a pu découvrir
personnellement ce que cela signifiait.
(Extrait : HEYDRICH, LE GRAAL ET LA MARMOTTE,
Peter Berling, éditions Piranha 2016 pour la
traduction française. Édition num. 350 pages)

Max Wittacher est un jeune Suisse. Son don pour les massages lui vaut dès le début des années 1930 les faveurs de l’inquiétant Reinhard Heydrich, qui fait de lui son physiothérapeute personnel. En côtoyant les dirigeants de la SS, Max découvre l’engouement de Himmler pour l’ésotérisme et pour le Graal et est le témoin des rivalités entre cadres du parti. Impliqué malgré lui dans la lutte que se livrent services de sécurité nazis et espions anglais, il observe les mesures de plus en plus radicales prises à l’encontre des Juifs. Avec les aventures de ce héros naïf, Peter Berling revisite les heures les plus sombres de l’Allemagne.

À gauche, Reinhard Heydrich, SS-Obergruppenführer allemand, adjoint direct de Heinrich Himmler.  À droite, un des plus hauts dignitaires du troisième reich, Heinrich Himmler qui était obsédé par le GRAAL.

Le Saint GRAAL est le trésor le plus insaisissable de l’histoire. C’est la coupe que le Christ utilisa lors de son dernier repas, un objet auquel on prête des pouvoirs miraculeux. Le Saint Graal a ensorcelé des chasseurs de trésors depuis plus de 1000 ans et Heinrich Himmler est devenu obsédé par le calice et a tout fait pour le retrouver.

LA COUPE À TOUT PRIX
*« Désormais plus rien ne s’oppose à l’exterm… »
Schellenberg s’étrangla, et j’en eus moi aussi
le souffle coupé. « …au nettoyage en masse. »
Schellenberg s’efforçait de conserver une certaine
dignité teintée de colère. « Les portes sont ouvertes  !*
(Extrait : HYDRICH, LE GRAAL ET LA MARMOTTE)

Ce roman est en fait la chronique d’une relation particulière entre Max Wittacher, appelé la marmotte, physiothérapeute de son état mais qui devient beaucoup plus que ça au fil de l’histoire, et Reinard Heydrich, officier SS cruel et impitoyable, un monstre issu des basses fausse Nazies.

La première chose qui m’a frappée dans la lecture de ce roman est la façon dont l’auteur a travaillé ses personnages fictifs d’une part et les personnages qui ont vraiment existé d’autre part, réalistes eu égard à leur vraie personnalité et en accord avec l’histoire. C’est un travail minutieux, approfondi et recherché.

Max est la marmotte du titre, sûrement parce qu’il réunit un amalgame de qualités et de défauts attribués à la marmotte qui est ingénieuse et calculatrice mais aussi pusillanime jusqu’à la couardise. Max est un physiothérapeute de talent, remarqué pour son malheur par Heydrich qui exigeait de Max une présence entière et permanente.

La marmotte est donc devenue plus qu’un thérapeute. Il est devenu confesseur d’un esprit chaviré. Quant à Heydrich, le personnage est conforme à ce que l’histoire en rapporte : Heydrich s’efforçait d’inspirer la peur. Il voulait s’entourer de l’aura d’un monstre auquel rien, aucune émotion humaine, ne demeure dissimulé. Cela diffusait angoisse et terreur… (extrait)

Quant au Graal, c’est la principale faiblesse de l’histoire. À part peut-être une mise en scène grotesque dans la deuxième moitié du livre, l’auteur ne m’a pas fait sentir l’importance que le graal aurait dû avoir étant donné qu’il obsédait Himmler comme un instrument qui lui aurait permis de déployer encore plus de puissance.

La force du livre réside principalement dans la façon de faire de la marmotte un témoin des bassesses et des exactions du régime Nazi, le tout dans un crescendo très graduel parsemé de mondanités hypocrites et de plans machiavéliques partant de l’historique nuit de cristal jusqu’à l’holocauste.

La psychologie de Max est particulièrement intéressante. L’histoire se concentre surtout sur Max, Heydrich, Himmler st son aide de camp wolf. Il y a toutefois une grande quantité de personnages plus secondaires, suffisamment pour s’y perdre. Le fil conducteur de l’histoire est parfois fragile.

C’est un bon livre, une histoire qui nous fait voir les hautes sphères du troisième Reich sous un angle différent. Dommage que le Graal n’ait pas été mieux exploité. Car il est avéré que le graal a ensorcelé les chasseurs de trésor pendant plus de 1000 ans et qu’Henrich Himmler, le plus haut dirigeant nazi a tout fait pour le retrouver. (Voir documystère.com).

Le thème est malheureusement sous-exploité dans le livre. Autrement, c’est un livre qui m’a captivé, Max devenant les yeux et les oreilles du lecteur. Donc à lire…

Peter Berling est un acteur, producteur, scénariste et écrivain allemand né en 1934. Malgré une bibliographie respectable (il est l’auteur d’un cycle de livres consacrés à l’ésotérisme et à la quête du Graal traduits dans plus de vingt langues), c’est surtout le septième art qui a contribué à faire connaître Peter Berling. Il côtoie Jean-Jacques Anneau pour le film LE NOM DE LA ROSE et Martin Scorcese (LA DERNIÈRE TENTATION DU CHRIST.)

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
le jeudi 20 février 2020