MOI, SIMON 16 ANS HOMOSAPIENS de BECKY ALBERTALLI

*Au fait, petite parenthèse : tu ne trouves
pas que tout le monde devrait en passer
par le coming out? Pourquoi
l’hétérosexualité serait-elle la norme?
Chacun devrait déclarer son orientation
quelle qu’elle soit, et ça devrait être
aussi gênant pour tout le monde, hétéros,
gays, bisexuels ou autres. Je dis ça, je dis
rien.*
(Extrait : MOI, SIMON 16 ANS HOMO SAPIENS,
Becky Albertalli, t.f. Hachette Livre, 2015, 206
pages, édition numérique)

Simon Spier, 16 ans est gay, mais personne ne le sait. Il n’a pas fait son *coming out*. Simon se sent particulièrement bien quand il clavarde avec un irrésistible jeune homme de son lycée dont le pseudonyme est BLUE. Un jour, Simon commet une erreur impardonnable : il oublie de fermer sa session de clavardage sur un ordinateur du lycée. Un camarade de classe, Martin prend connaissance de la séance et fait une capture d’écran dont il se sert pour s’adonner à un petit chantage : soit Simon organise un rancart entre sa meilleure amie et Martin, soit Martin met le secret de Simon au grand jour…pas simple.

Au-delà des sentiments
*Mais n’hésite pas à tirer sur la bride au
besoin, Okay? Avec moi, surtout, dit-il
en se frottant le menton. Je sais que je
ne t’ai pas rendu le coming out facile.
Nous sommes très fiers de toi. Tu en as
dans le ventre, fiston.*
(Extrait : Moi, Simon 16 ans Homo sapiens)

Vous l’avez compris, le thème de ce livre pour la jeunesse est l’homosexualité. Au début de son récit, Simon a 16 ans. Il en aura 17 avant la fin. À travers son quotidien, la famille, l’école, ses activités, ses amis, ses parents, Simon raconte tout ce qu’il ressent à travers les différentes phases de manifestation de son homosexualité.

Ça commence par l’auto reconnaissance de son orientation sexuelle, son acceptation, un développement substantiel et très fort de tout ce qui est lié au *coming out* puis l’amour naissant…tout cela est bien sûr compliqué par la crainte des réactions parentales, la crainte du jugement de ses pairs, la peur de perdre de précieuses amitiés…

Ce n’est pas facile de sortir les squelettes du placard. Pour se brancher à la dure réalité de l’homosexualité chez les jeunes en fin d’adolescence, l’auteure a dû *victimiser* Simon avec des insultes profondément blessantes de son entourage, dures mais typiques d’un comportement homophobe que notre société moderne est loin d’avoir tout à fait abandonné.

Pourtant, j’ai trouvé dans l’ensemble que Becky Albertalli a développé son sujet d’une façon progressiste et très positive, trop peut-être selon certaines critiques. Moi j’ai trouvé que l’auteure a fait preuve d’un bel équilibre, probablement à cause de la nature des personnages qu’elle a créés.

La forme littéraire est aussi très intéressante. En fait le récit de Simon alterne avec des échanges de courriels entre lui et le mystérieux Blue, qu’on ne connaîtra que vers la fin de l’histoire.

Mais c’est dans ces courriels justement qu’on peut apprécier la psychologie des personnages et surtout la profondeur des sentiments de Simon qui devient graduellement amoureux : *Au début, les mails de Blue constituaient une sorte d’agrément séparé de ma vie réelle. Alors que maintenant, j’ai l’impression que ma vie se trouve peut-être dans ces missives.* (Extrait)

Ne vous attendez pas à des passages torrides dans ce livre. Je suis toutefois d’accord avec le fait qu’il s’en dégage une certaine sensualité que je qualifierais de saine et rafraîchissante. C’est avant tout une histoire sympathique qui met en scène des jeunes attachants avec leurs hauts et leurs bas, leurs qualités et leurs défauts.

De plus, il y a quelque chose de très beau en Simon, comme une chaleur, un lyrisme qui donne au récit de la couleur, de la force et une tonalité profondément humaine.

Je note aussi au passage que le récit nourrit une certaine réflexion sur la force et la valeur de l’amitié car c’est sur elle que s’appuie tout le courage de Simon et toutes les petites et les grandes victoires qui contribuent à donner aux jeunes la place qui leur revient dans la société.

MOI, SIMON 16 ANS HOMOSAPIENS est un roman sans prétention. Le livre est très ventilé, avec des chapitres courts, sans longueur, agréables à lire. La plume pousse tellement le lecteur à être proche du personnage principal que j’avais l’impression de partager avec Simon ses doutes, ses craintes, ses déceptions, ses joies et même ses fantasmes.

Je vous invite donc à faire la connaissance d’un grand amateur d’Oréos qui ne cherche qu’à bâtir son bonheur. Je ne m’étendrai pas sur les Oréos, je dirai simplement que l’humour a sa place dans ce livre qui a été pour moi un coup de cœur.

À LIRE: un intéressant petit dossier sur le coming out.

Suggestion de lecture : DERRIÈRE LES ¨PORTES BLEUES, de Michel Giliberti

Becky Albertalli est née à Atlanta aux États-Unis. Elle écrit depuis toujours. Ses premiers romans, griffonnés dès la maternelle parlaient surtout des animaux de compagnie. Elle a écrit et dirigé une tragédie à l’âge de 12 ans. Docteur en psychologie clinique, elle se consacre totalement à l’écriture. MOI, SIMON 16 ANS HOMO SAPIENS est son premier roman.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le dimanche 4 février 2018

DERRIÈRE LES PORTES BLEUES, MICHEL GILIBERTI

*Tes qualités exceptionnelles de musicien et,
malheureusement ta gueule d’ange ne m’auront
jamais laissé de répits…mais si je n’étais pas
intègre, j’aurais pu profiter de la situation et
te faire miroiter la star que j’allais faire de toi.
N’importe quel gamin se serait couché pour
moins que ça.*
(Extrait : DERRIÈRE LES PORTES BLEUES, Michel
Giliberti, H&O Éditions, 2000, papier, 195 pages.)

DERRIÈRE LES PORTES BLEUES raconte la fusion de deux destins : celui de Jérémie Gil, jeune musicien-chanteur désabusé, en déclin, au caractère instable, porté sur l’alcool et la vie urbaine trépidante, et celui de Tarek, jeune arabe-musulman de 19 ans, fringant, spontané, têtu et tenace et à qui la vie a imposé très tôt une certaine maturité. Cette rencontre bouleversera la vie de Jérémie qui développera une affection dont il se croyait incapable et qui se transformera graduellement en obsession, puis en passion. Jérémie lutte contre sa nature jusqu’à ce que le destin se scelle derrière les portes bleues…

CŒUR EN CONTRADICTION
*Pourquoi s’investir à ce point avec Tarek?
Quel nom donner à l’émotion qui a étranglé
sa gorge lorsque sa main est restée
prisonnière de la sienne pendant l’atterrissage?…
…Il n’a aucun préjugé mais sait qu’il n’est pas
pédé. Il a un tel tableau de chasse à son actif.
Peut pas finir pédé! Toutes ces nanas
quand même!
(Extrait : DERRIÈRE LES PORTES BLEUES)

J’ai été simplement enveloppé par ce livre à cause de la grande sensibilité qui s’en dégage et des deux principaux personnages, caractériels et rebelles, et pourtant tellement attachants. Dans DERRIÈRE LES PORTES BLEUES, Giliberti évoque la fusion de deux destins.

Il y a d’abord Jérémie Gil, 33 ans, auteur-compositeur-interprète, artiste déjà en déclin, non par manque de talent mais surtout à cause de sa personnalité trouble et trop spontanée. Puis, il y a Tarek, 19 ans, jeune arabe musulman au style rappeur, extroverti, têtu et que les aléas de la vie ont amené à devenir rapidement mature malgré son allure **éternel adolescent** .

Une simple signature sur un plâtre déclenche l’entrée de Tarek dans la vie de Jérémie. À partir de ce jour, la vie de Jérémie ne sera plus jamais la même. Dans son cœur et son esprit, Tarek prendra successivement toutes les formes : simple connaissance, ami, frère, fils, artiste en devenir à gérer, former et protéger jusqu’à la relation ultime qui a poussé Jérémie à une extraordinaire introspection dont il ne se croyait pas capable…

*Il s’est conforté dans l’idée, à s’en convaincre presque, que ce n’était sûrement pas ce qu’il croyait, que la tendresse révèle parfois des formes excessives, que ce serait passager… Mais ce matin, il est plus englué que jamais dans ses contradictions. Il voudrait s’épancher en toute confiance…avec…sa peau d’homme, ses paroles d’homme.* (Extrait : DERRIÈRE LES PORTES BLEUES)

Avec intelligence, une remarquable finesse et dans un style qui confine parfois à la poésie, Giliberti raconte très lentement, très progressivement, la naissance d’un sentiment entre deux êtres disparates.

Tarek qui ne craint pas d’afficher ouvertement son homosexualité et Jérémie qui n’a connu que des femmes et dont le cœur et l’âme se retrouvent coincés dans l’étau d’une terrible dualité. À vous de découvrir s’il se laissera aller. La réponse sera scellée derrière les portes bleues.

C’est une belle histoire qui en dit long sur la profondeur et la complexité de la nature humaine. J’ai été touché en particulier par la richesse de la langue, la lumière et la chaleur des mots. Avec ce que je sais de l’auteur, qui a la réputation d’être lui aussi un éternel adolescent, avec sa façon d’évoquer sa Tunisie natale et de mentionner d’une façon assez singulière son nom dans le livre, à titre d’artiste-peintre, je ne serais pas surpris que Giliberti ait empreint son récit d’un petit caractère autobiographique.

Ce récit est porteur d’une intéressante réflexion sur la nature humaine et des thèmes corollaires : estime de soi, tolérance et aussi sur un thème qui touche tous et chacun tôt ou tard : le déclin. Il m’a semblé terminer la lecture du livre alors que je l’avais à peine commencée. Le temps a passé vite. Je recommande donc DERRIÈRE LES PORTES BLEUES de Michel Giliberti…envoûtant

Suggestion de lecture : MOI, SIMON 16 ans homosapiens de Becky Albertalli

Michel Giliberti est un écrivain, artiste-peintre, photographe et chanteur né à Ferrville, Tunisie, en 1950. Véritable homme-orchestre, il a aussi produit un recueil de poésie et une pièce de théâtre. Comme chanteur, il a été très populaire dans les années 70.  La poésie et la musique sont pour Giliberti des composantes indissociables de la peinture.  Vous pouvez visitez son site internet ici

BONNE LECTURE
JAILU/CLAUDE LAMBERT
4 décembre 2016