LE JOUR OÙ MAMAN M’A PRÉSENTÉ SHAKESPEARE

Commentaire sur le livre de
JULIEN ARANDA

*Quand on arrivait sous les colonnes éclairées de la
Comédie-Française, maman redevenait soudain une
adulte. –La légende raconte que Molière est mort ici,
chuchotait-elle. Surtout, ne fais pas de bruit.*
(Extrait : LE JOUR OÙ MAMAN M’A PRÉSENTÉ SHAKESPEARE,
Julien Aranda, Eyrolles éditeur, 2018, 194 pages en format num.)

Quand on a 10 ans, pas de papa mais une mère amoureuse de Shakespeare et que l’on s’attend à voir débarquer les huissiers d’un jour à l’autre, la vie n’est pas simple. Elle, comédienne de théâtre passionnée, fascine son fils qui découvre le monde et ses paradoxes avec toute la poésie de l’enfance. Avec leur voisine Sabrina et les comédiens Max, Lulu et Rita, ils forment une famille de cœur, aussi prompte à se fâcher qu’à se réconcilier. Mais, un jour, la réalité des choses rattrape la joyeuse équipe. Et le petit garçon est séparé de sa mère. Comment, dès lors, avancer vers ses rêves ? 

Dans l’ombre de William et George
*…j’ai pensé que dans ce monde, il ne faut pas
s’attarder à devenir une trop bonne fourmi,
parce que le jour où les mouches changent
d’âne, on a vite fait de se retrouver dépourvu,
comme une cigale mais avec la joie de
vivre en moins. *
(Extrait)

C’est un petit livre qui m’a réchauffé le cœur. Pas pour l’originalité de son histoire mais plutôt pour la sincérité de la plume et la beauté de l’écriture. Le narrateur est un jeune garçon qui a six ans au début de l’histoire. Dommage, l’auteur n’a pas cru bon lui donné un nom. Je ne comprends pas ce choix. Pour la mère, pas plus original…on l’appellera la maman.

Donc la Maman est une comédienne qui s’est rendue au plus profond de la misère par amour pour le théâtre et en particulier pour les pièces de Shakespeare qu’elle joue avec des comédiens aussi passionnés qu’elle devant…des salles vides.

Le petit garçon a passé une partie de son enfance avec, dans son environnement, des huissiers, policiers, juges, juristes familiaux, un voisin grognon, une voisine originale ayant une mémoire phénoménale des codes-barres et une tante obsédée par la réalité des choses et donc de ce fait, en conflit avec sa sœur, la maman.

Un jour, quelques phrases prononcées par un grand monsieur vont tout faire basculer. Suivront : le décès du metteur en scène et l’arrivée dans la vie du garçon encore tout jeune, d’une belle fille appelée Sarah qui se trouve à être la fille du grand monsieur.

Cette histoire raconte donc le parcours enchanté d’une troupe de théâtre très spéciale…disons hors-norme.  Ce récit m’a beaucoup ému et m’a amené à porter un regard différent sur ceux et celles qui n’entrent pas dans *le moule de la Société* qu’on pourrait appeler ici des marginaux mais alors là sans arrière-pensées aucune.

L’écriture est d’une superbe finesse à la limite de la poésie. Si je me réfère à la réalité des enfants, je dirais que cette histoire a de la profondeur. La faiblesse tient dans le fait que, outre l’utilisation de mots déformés, de phrases détournées et d’une bonne quantité de néologismes comme télédébilité par exemple, l’enfant fait plus vrai que nature, une sagesse sans aucune turbulence et une façon trop mature de mettre en mots ses émotions et ses sentiments.

Je n’ai senti aucune souffrance chez cet enfant pourtant balloté et vivant dans une perpétuelle incertitude. Ça ne me semble pas très réaliste mais il y a une telle sincérité dans le texte qui constitue en fait 200 pages de manifestation d’amour, d’espoir, d’humanité et d’optimisme. Bref, un brassage d’émotions qui ne laisse pas indifférent.

J’ai aussi beaucoup aimé ce livre pour ses nombreuses références à Georges Brassens qui est et restera toujours mon poète et auteur-compositeur préféré.

<…car maman, même si elle était amoureuse de Shakespeare, elle lui faisait parfois des infidélités avec Georges Brassens parce qu’elle trouvait que sa voix et sa guitare s’accordaient parfaitement et que c’était un vrai poète comme il n’en existe plus aujourd’hui et qu’il n’en existerait plus jamais parce que le monde sombrait à cause de toutes ces émissions de télédébilité et tous ces réseaux asociaux…> Extrait

Dans un même monde où tristesse et joies s’entrelacent, l’auteur a fait cohabiter Shakespeare et Brassens avec bonheur et habileté, comme si cela allait de soi. Ça, j’ai adoré. Et si j’ai parlé plus haut de personnes marginales, j’ai trouvé très à propos la citation de LA MAUVAISE RÉPUTATION de Brassens au début de l’ouvrage de Julien Maranda :

*Je ne fais pourtant de tort à personne
En suivant mon chemin de petit bonhomme,
Mais, non, les braves gens n’aiment pas que,
L’on suive une autre route qu’eux*
(LA MAUVAISE RÉPUTATION, Georges Brassens)

Sans révolutionner la littérature, ce livre de Julien Aranda fait du bien…un petit vent de fraîcheur comme je les aime parfois. Les leçons de la vie vues à travers les yeux d’un enfant et la poésie de Brassens. Ça ne pouvait m’atteindre davantage. À lire absolument.

Suggestion de lecture : L’INFLUENCE D’UN LIVRE, de Philippe Aubert de Gaspé fils

Julien Aranda nous livre un premier roman en 2014 : « Le sourire du clair de lune » (City Éditions) qui a le parfum nostalgique des histoires que lui racontait son grand-père.

Encouragé par ses lecteurs, conforté dans sa vocation, il publie en 2016 « La simplicité des nuages » (City Éditions), roman plus contemporain décrivant les turpitudes d’un cadre parisien en quête de sens. En 2018, il publie son troisième roman « Le jour où Maman m’a présenté Shakespeare »(Éditions Eyrolles) qui raconte la trajectoire enchantée d’une comédienne de théâtre éprise d’absolu et de son petit garçon qui n’a d’yeux que pour elle.

William Shakespeare (1564-1616) <photo du haut> un des auteurs les plus évoqués dans l’histoire de la littérature et du cinéma et le poète Georges Brassens, deux immortels en convergences dans la vie d’un jeune garçon.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 23 octobre 2022

 

LA FILLE SANS NOM, de Catherine Cookson

*…Tu es venue à pied depuis Newcastle avec ta mère,
et toi tu me racontes que tu ne sais pas pourquoi ?
Eh bien tout ce que je peux dire, c’est que j’en en face
de moi une petite moufflette imbécile ou alors vraiment
maligne…*
(Extrait : LA FILLE SANS NOM, Catherine Cookson. Pour
la traduction française, Belfond éditeur 1981. 375 pages
pour l’édition de papier.)

Elle s’appelle Hannah Boyle, comme sa mère. C’est encore une enfant, mais elle a déjà l’habitude du malheur : en 1850, on est sans pitié pour les filles mères et les petites filles nées de père inconnu. Avant de mourir, sa mère l’emmène dans une maison bourgeoise. « Occupez-vous de ce qui vous revient », dit-elle au maître des lieux. C’est ainsi qu’Hannah se découvre un père, mais aussi une belle-mère qui va la martyriser. Car elle est l’enfant du péché, la bâtarde, celle par qui le scandale arrive.

Et pendant des années, cette faute originelle qu’elle n’a pas commise la poursuivra comme une malédiction. Jusqu’au jour où elle osera enfin relever la tête et être elle-même, avec l’homme qu’elle a toujours aimé

Scandale à l’origine
*Si chaque homme devait se sentir coupable de ce qu’il a
semé en chemin, il y en aurait peu dans ces collines qui
marcheraient la tête haute. Ce sont des choses qui arrivent,
c’est naturel, et qui donc peut nier la nature quand
elle lui vient ? *
  (extrait)

Voici l’histoire d’Hannah Boyle. Nous sommes au milieu du XIXe siècle dans le Northumberland anglais. Au début, la mère d’Hannah, une tuberculeuse agonisante amène Hannah à Hexam, chez un homme appelé Mathew Thornton. Elle lui confirme qu’il est le père de sa fille et lui demande de s’en occuper.

Même si l’évènement  bouscule toute la famille, Hannah sera prise en charge par Mathew et surtout par sa femme, Anne Thornton, une véritable mégère méchante et tyrannique. Hannah sera maltraitée et cruellement battue. Anne finira par se débarrasser d’Hannah en la donnant en mariage à Fred Loam. L’enfer se poursuit pour Hannah car elle devra tolérer la présence de la mère de Fred, elle aussi une mégère dominatrice et oppressante.

Entre temps, Hannah développera un sentiment de plus en plus fort pour Ned Ridley. Apprenant qu’il est au milieu d’un triangle amoureux, Fred devient fou furieux. Hannah sera battue à nouveau. Seules sa ténacité et quelques complicités, notamment celle du docteur du village et des filles d’Anne Thornton qu’elle aimait beaucoup, permettra à Hannah d’avancer pas à pas vers la liberté. Reste à savoir ce que ça lui coûtera, avec entre autres, son insupportable et invivable belle-mère.

Je ne suis pas amateur de ce genre de littérature à la fois dramatique et sentimentale mais je trouvais le quatrième de couverture intéressant et prometteur, le récit dépeignant le drame que vivaient au siècle dernier, les enfants nés hors du mariage, spécialement les filles qui devaient évoluer dans un monde fortement machiste et phallocrate.

J’ai déchanté quelque peu. Bien sûr, beaucoup d’émotion se dégage de l’histoire. Je n’étais pas indifférent à la situation sociale d’Hannah en particulier. Mais j’ai trouvé difficiles les longueurs et quantité de passages ennuyants et pas forcément utiles. Ce qui suit est très personnel, mais j’ai trouvé quelque peu pénible le caractère misérabiliste du récit :

*La malédiction de sa belle mère la tourmentait, l’emplissait de frayeur et lui rappelait les paroles du docteur : <Tu sembles involontairement semer la catastrophe sous tes pas…> Était-elle marquée par le destin ? Y avait-il quelque chose en elle qui engendrât toujours la tragédie…Avait-elle hérité par sa mère d’une terrible noirceur ? * (Extrait)

Ici, la misère succède à la misère…les drames s’enchaînent et finissent par émouvoir, voir arracher quelques larmes aux âmes sensibles. Je sais que c’est un genre littéraire qui plait beaucoup. On n’a qu’à penser au succès foudroyant qu’a obtenu LA PETITE AURORE L’ENFANT MARTYRE par exemple. 

On ne peut pas vraiment être indifférent au drame qui se joue dans cette histoire car elle représente assez bien la situation des femmes au XIXe siècle…elles évoluaient dans l’ombre des hommes et pour plusieurs, la situation était loin d’être rose. Mais ça s’arrête là. J’aurais aimé avoir un meilleur reflet de la situation des femmes en général et un meilleur équilibre dans les passages explicatifs. Certains sont trop brefs, d’autres inutiles. Bref, je n’ai pas été emballé par cette histoire.

Suggestion de lecture : MÊME PAS PEUR de Luc Venot

Née à Tyne Dock, centre minier du nord-est de l’Angleterre, Catherine Cookson (1906-1998) a connu une enfance malheureuse et pauvre. Devenue romancière après avoir exercé divers métiers (blanchisseuse, domestique, couturière…), elle est aujourd’hui considérée comme un phénomène de la littérature sentimentale, à l’instar de Barbara Cartland ou de Danielle Steel. Les éditions J’ai Lu ont récemment republié une sélection de ses meilleurs romans dont La Maison des flammes et Les Tourments d’Annabella.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 20 août 2022

JACK ET LA GRANDE AVENTURE DU COCHON DE NOËL

 

UNE HISTOIRE DE J.K. RAWLING

<…Il essaya d’en sortir mais il se trouvait entre deux cadeaux gigantesques dont les flancs n’offraient aucune prise. -Où es-tu ? Murmura le cochon de Noël. Une seconde plus tard cependant, lui aussi avait glissé au bas du paquet enveloppé de papier doré et il atterrit sur Jack. Oh non ! Se lamenta celui-ci.

Tandis qu’ils entendaient Toby le chien se ruer vers le sapin.  -Tu fais trop de bruit avec tes billes en plastique. -Où se trouve la cuisine ? S’écria le cochon de Noël alors que les grognements du chien se rapprochaient … -je ne sais pas! Répondit Jack d’un ton désespéré. -Je suis perdu !

Extrait : JACK ET LA GRANDE AVENTURE DU COCHON DE NOËL, de J.K Rowling, Gallimard jeunesse 2021. Illustré, 352 pages. Version audio : Audible studios éditeur, 2021. Durée d’écoute : 6 heures 8 minutes.

Narrateur(s): Lola NaymarkCharlotte HennequinAlexis TomassianPierre-Henri Prunel, Ariane BrousseAudrey SourdiveBenoît AllemaneCamille DondaChantal BaroinColette MarieErwan ZamorFrédéric SouterelleJade Phan GiaPierre RochefortVictorien Robert

Jack est très attaché à son cochon en peluche de petit garçon. Ils ont tout vécu ensemble, les bons comme les mauvais moments. Jusqu’à cette veille de Noël où arrive la catastrophe : le cochon est perdu ! Mais la nuit de Noël n’est pas une nuit comme les autres. C’est la nuit des miracles et des causes désespérées, le moment où même les jouets peuvent prendre vie. Alors, Jack et le cochon de Noël – une peluche de substitution – embarquent pour une aventure magique et périlleuse au pays des choses perdues. Jusqu’où iront-ils pour sauver le meilleur ami que Jack ait jamais eu ?

LES RÉALITÉS DE L’ENFANCE

Voici l’histoire de Jack, un petit garçon très attaché à son toutou qui est en fait un cochon en peluche. Notre ami est heureux jusqu’à la veille de Noël où un drame vint obscurcir son bonheur. Alors que la famille roulait sur l’autoroute, la demi-sœur de Jack, Holly, prit le cochon de Jack et le jeta par une fenêtre de la voiture. Le toutou était perdu. Holly avait agi par pure méchanceté.

Plus tard, Holly, prise de remords, trouva pour Jack un cochon de remplacement. Mais il n’était pas pareil. Il était même plutôt énervant. Aussi, Jack entreprit une périlleuse aventure : se rendre au pays des choses perdues, quitte à affronter le cruel maître des lieux, le grand PERDEUR. Pour réussir son entreprise, sauver et récupérer son toutou, Jack devra se faire de précieux alliés.

Si vous lisez JACK ET LA GRANDE AVENTURE DU COCHON DE NOËL avec des yeux d’adulte, vous risquez de trouver le conte simpliste et banal. Mais même en me mettant dans la peau d’un enfant, j’ai très vite observé un paradoxe dans ce petit livre : le thème qui y est développé est l’attachement au toutou, un fétiche en peluche, lapin, ourson, canard ou autres, auquel les enfants sont attachés jusqu’à l’âge de 7 ou 8 ans.

Donc pour l’intérêt de la lecture, on doit considérer que le livre s’adresse aux premiers lecteurs mais les sous-thèmes développés dans ce livre vont, d’après moi, sensiblement au-delà de la compréhension des jeunes lecteurs : l’espérance, la persévérance, l’esprit d’équipe, le bonheur et même l’ambition.

Ça reste un très bon petit livre plein de trouvailles intéressantes. La version papier est magnifiquement illustrée. La version audio est exécutée par une équipe de comédiens expressifs et talentueux.

La présentation de ce livre est une réussite. Heureusement car je crois que l’œuvre est bien en deçà du talent de J.K. Rawling. J’en demande peut-être trop. Il est difficile d’oublier tout ce que l’auteure a déployé d’imagination dans HARRY POTTER.

L’histoire accuse des longueurs, du remplissage, manque un peu d’originalité. Il me semble avoir perçu du déjà-vu. C’est peut-être la notoriété de J.K. Rawling qui m’a rendu plus exigeant. C’est pourquoi j’ai précisé plus haut que ça reste un bon livre mais je n’ai été malheureusement ni impressionné ni emballé. 

Suggestion de lecture : LE CALENDRIER DE L’AVENT, de Catherine Dutigny


L’auteure J.K. Rowling

JOYEUSES FÊTES À TOUS

Bonne écoute
Bonne lecture
Claude Lambert

 

DÉFENSE D’ENTRER ! 8 votez lolo, de CAROLINE HÉROUX

Même quand je serai grande et que j’aurai le droit
d’utiliser le vrai mot, je vais continuer d’appeler ça
un zizi juste parce que c’est plus beau. Dis donc,

toute une conversation familiale ce soir!?!

(EXTRAIT : DÉFENSE D’ENTRER ! 8 VOTEZ LOLO,
CAROLINE HÉROUX AVEC LA COLLABORATION DE
CHARLES-OLIVIER LAROUCHE, LES ÉDITIONS DE LA
BAGNOLE, 2017, ÉDITION DE PAPIER, 200 PAGES)


En ce début d’année scolaire, des élections pour désigner le président de secondaire 2 vont avoir lieu. Lolo accepte de se présenter mais une candidature inattendue va l’obliger à livrer une campagne sans merci. Entre temps, grande nouvelle à la maison. Il semblerait que Tutu soit un surdoué et qui en plus, met le nez dans les affaires de son frère. Entre les amis, la famille et la campagne électorale, Lolo n’aura pas de répit cet automne…

 

TENTANT!
comme tout ce qui est défendu
*Aaaargh qu’elle est fatigante!!! Elle ne pense
qu’aux drames! (pourtant elle nous demande
toujours de voir le bon côté des choses)
Impossible d’être un enfant normal dans
cette famille.
(Extrait : DÉFENSE D’ENTRER! 8 VOTEZ LOLO)

C’est un livre léger, rafraîchissant et drôle qui nous amène au cœur de l’adolescence. Dans ce huitième opus de la série, Charles-Olivier, appelé affectueusement Lolo, est littéralement poussé vers sa candidature à la présidence de son secondaire.

Nous avons donc ici une chronique quotidienne, entre autres, de la vie d’un ado en campagne électorale dans son école, de ses interactions avec sa famille, et d’une petite confusion de sentiments envers une jolie fille qui ne laisse pas Lolo indifférent : Justine, qui aura toutefois le malheur de se présenter à la présidence contre Lolo. Disons que pour un certain temps, les sentiments passent à la moulinette. 

Ce qui est frappant, à la lecture de ce livre, c’est le ton juste, précis : manière ado, parler ado, attitude ado…ado gossant, flippant, difficile à lever, difficile à coucher et possédant l’art de la réplique : *Je rêvais. Je cauchemardais, plutôt. Ça ne peut pas être un rêve. Un rêve, c’est beau, c’est drôle, c’est joyeux. Maintenant, dès que Justine s’y trouve, ça ne peut être autre chose qu’un cauchemar…Elle me fait pisser dans mes culottes dans mes rêves cauchemars…* (Extrait) 

Caroline Héroux s’est assuré une belle collaboration de son fils, Charles-Olivier qui avait 13 ans au moment de la publication. Dans DÉFENSE D’ENTRER 8 le vrai nom de Lolo est Charles-Olivier. Un peu plus et le livre était éponyme. Quoiqu’il en soit, il ne pouvait y avoir meilleur porte-parole des comportements, répliques et sentiments de l’adolescence. J’ai senti que l’auteure lui a donné beaucoup de place.

À défaut d’un caractère autobiographique avéré, le jeune homme a contribué à donner une âme au livre, à le rendre vivant et à entraîner le lecteur dans ses péripéties. Demander à un ado de participer à l’écriture d’un livre sur le quotidien des ados…vraiment…c’est le secret de la Caramilk… 

Autre élément fascinant de ce livre : sa mise en page. L’auteure a utilisé toutes sortes de polices, avec des lettres de grosseurs variées, de la couleur, sans compter les dessins d’Anne sol et les nombreuses petites digressions à lire hors ligne.

Cette présentation très originale contribue à garder l’attention du jeune lecteur qui sera aussi probablement entraîné par l’humour qui se dégage du texte. C’est bourré d’humour. De plus, ça pousse les lecteurs adultes à se demander : est-ce que j’étais comme ça à treize ans? 

J’ai trouvé un petit peu trop puérile l’utilisation de noms diminutifs comme LOLO, LULU, TUTU, MÉLI. Je trouve que ça cadre mal ici. Ces termes seraient plus adaptés à l’enfance. Ne cherchez pas non plus de fil conducteur car il mène n’importe-où, Prenez le livre comme une chronique de vie quotidienne.

Vous trouverez des personnages terriblement attachants comme LOLO. Comme moi, vous pourriez apprécier le petit caractère rebelle mais aussi le grand cœur des ados. Je suis adulte et ce livre m’a fait rire et m’a fait vivre des moments savoureux sans compter l’apprentissage de termes typiquement ados… 

Un dernier point très intéressant en faveur du livre, ce sont les petits thèmes qu’il développe en douce et qui donnent un sens à l’adolescence : l’amitié, l’esprit de famille, l’esprit d’équipe, l’humour. Les aventures de ces jeunes ne sont pas sans mettre en perspective l’estime de soi et l’engagement.

Ces thèmes ne sont pas imposés mais plutôt traités comme s’ils allaient de soi. Il n’y a rien de moralisateur, rien qui soit pointé du doigt. DÉFENSE D’ENTRER 8 est une occasion en or d’entrer dans l’antre secret de la préadolescence. 

Bref, ça se lit très vite, la lecture est agréable, c’est convivial, c’est très vivant, c’est drôle, et c’est surtout très réaliste. Parfait pour les 10 ans et plus.

Suggestion de lecture : MOI SIMON, 16 ANS HOMOSAPIENS, de Becky Albertalli

Œuvrant dans le milieu du cinéma, de la télévision et du spectacle depuis plus de vingt ans, Caroline Héroux s’est d’abord fait connaître à Los Angeles où elle a produit plus de 300 concerts sur Sunset Boulevard. Au Québec, elle s’est surtout démarquée en scénarisant et en produisant les films À VOS MARQUES…PARTY ! (I et II) et SUR LE RYTHME.

Elle a aussi produit les dernières saisons et le long métrage de LANCE ET COMPTE. UN COIN DE PARADIS est son premier roman. Pour DÉFENSE D’ENTRER ! 8, son neuvième roman, elle a eu la collaboration de son fils de treize ans (au moment d’écrire cet article), Charles-Olivier Larouche.

UNE SÉRIE À SUCCÈS :

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 31 juillet 2021

PASSÉ À VIF, le livre de LISA JACKSON

*…Deagan crut voir briller une étincelle mauvaise
dans ses prunelles bleues. Il n’avait pas besoin
de lire ses pensées. Ce petit sourire pervers, sur
son visage, indiquait clairement qu’il l’avait
invité pour se divertir, et très probablement à
ses dépens.*
(Extrait : PASSÉ À VIF, Lisa Jackson, réédition 2017,
Harpercollins France, numérique et papier. 500 p.)

Kate Summers mène une vie paisible à Hopewell, Oregon, en compagnie de son fils de quinze ans, Jon. Pourtant, un secret la ronge : et si, un jour, quelqu’un venait lui réclamer cet enfant qui n’est pas le sien et qui ignore le secret de sa naissance ? D’autant que Jon lui a récemment parlé de ses cauchemars, dans lesquels un homme qui prétend être son père cherche à le tuer…Alors, quand le séduisant inconnu qui vient d’emménager dans la maison voisine essaie par tous les moyens d’entrer en contact avec Jon, Kate panique. Sans savoir que, de toute façon, son fils et elle sont déjà cernés par le mensonge. 

 

DES DONS QUI DÉRANGENT
*Son cœur continuait à battre la chamade, tandis
que son rêve se dissipait lentement dans la
lumière grise de l’aube, ne lu laissant que le
goût amer du malaise…Ça ne se passerait
peut-être pas exactement comme il venait de
le voir dans son sommeil, mais ça allait arriver.*
(Extrait : PASSÉ À VIF)

Un très bon livre. La trame du récit est un peu complexe mais elle est bien développée dans le premier quart du livre pour permettre au lecteur de s’accrocher à un fil conducteur sans faille. Je vais tenter un petit résumé en utilisant mon petit style télégraphique. 

-L’histoire tourne autour de Jon Summers, 15 ans. Il a la particularité de faire des rêves prémonitoires qui le trompent rarement.
-Jon est le fruit d’un inceste entre Deagan O’Rourke d’une part, le fils de Frank Sullivan, un parfait salaud qui n’a jamais reconnu son fils et d’autre part, la cousine de Deagan, Bibi.

 -L’aîné de la famille Sullivan, une famille de salauds riches, décérébrés et blasés, Robert, décide de se débarrasser du bébé en le faisant adopter illégalement dans un autre état. C’est Kate Summers qui deviendra la maman adoptive.
-Deagan n’était pas au courant qu’il était père. Bibi le lui a caché jusqu’à ce qu’il ait 15 ans. Elle-même n’a jamais voulu du bébé.

-15 ans après la naissance de Jon, le patriarche de la famille Sullivan, Robert constate qu’il n’y a personne dans sa famille digne de son héritage et de poursuivre les affaires familiales. Il décide donc de mettre la main sur Jon.

-Plusieurs Sullivan risquent donc d’être déshérités. Aussi Jon est en danger…en grand danger. Certains veulent le tuer mais tout le monde le veut…pas nécessairement pour les mêmes raisons.
-Deagan a un gros poids sur la conscience et Kate voit Jon lui échapper rapidement… 

Ce qui capte rapidement l’attention du lecteur, c’est l’histoire de la famille dont Jon est issu, une famille de dégénérés assis sur une immense fortune : *Stu prenait son pied en matant son amant en train de baiser sa sœur. Je n’arrive pas à y croire ! * (Extrait)

Autre élément intéressant, John fait des rêves prémonitoires qui influencent directement le développement du récit. L’histoire verse donc sensiblement dans le surnaturel. Le mystère le plus dense de l’histoire demeure Deagan qui tombe en bas de sa chaise en apprenant qu’il est père d’un garçon de 15 ans.

Les évènements vont obliger Deagan à s’immiscer dans la vie de Kate et du garçon, Jon qui est rejeté par ses pairs à cause de son don de prémonition qui, aux yeux de la communauté fait de lui un monstre. Ça pousse à la réflexion sur l’acceptation des différences. 

UNE PLUME FORTE
C’est un suspense fort qui tient en haleine jusqu’à la fin. Il n’y a rien de simple je le rappelle. La trame est complexe Jon et sa mère auront à composer avec le mensonge, l’hypocrisie, la violence, un shérif incompétent et bien sûr le mystérieux Deagan dont les aveux sont versés à la petite cuillère et laissent tout le monde pantois. 

Ce qui rend aussi le récit addictif, c’est l’atmosphère qui l’imprègne, le non-dit, la complexité des sentiments dans le cas de Jon qui traverse le pire moment de son adolescence à tout point de vue et qui doit gérer un don qu’il ne contrôle pas. Ça peut paraître paradoxal, mais c’est une lecture éprouvante… Appelons ça un stress bienfaisant.

Ça se dévore jusqu’au bout. J’étais curieux de voir comment l’auteur allait démêler tout ça à la fin. Il a été habile en rajoutant un choc supplémentaire. Jon est encore en danger, mais c’est une toute autre histoire. 

L’épilogue de l’histoire m’a un peu déçu. Trop beau pour être vrai, tiré par les cheveux et peu réaliste. Mais je considère que même en laissant de côté ces quelques pages, ce que je ne recommande même pas, les lecteurs auront eu largement satisfaction. Je suis donc très content de ma lecture.

Suggestion de lecture : L’ACCORDEUR DE PIANO de Pascal Mercier

Lisa Jackson a grandi dans une petite ville de l’Oregon. Elle sort diplômée de l’Université d’État. Elle se lance peu après dans l’écriture et publie son premier roman en 1983 : A TWISTE OF FATE qui n’a jamais été traduit à ma connaissance. Elle écrit aussi des suspenses romantiques contemporains et des romans d’amour historiques qui se placent régulièrement sur la liste des meilleures ventes de livres du New-York times et USA today.

 

Bonne lecture
Claude Lambert

 

DRÔLE DE MORT, le livre de SOPHIE MOULAY

Enquêtes d’outre-tombe # 1

*Tôt ce matin, je suis mort. *
(Extrait : DRÔLE DE MORT,
Sophie Moulay, Les éditions du
38, 2018. Numérique et papier
235 pages.)

Je m’appelle Roger Fournier et je suis mort depuis soixante ans. Assassiné. Ne soyez pas désolé, j’ai eu le temps de m’y habituer. Les plus beaux moments de ma mort ? L’enquête menée par l’inspecteur Tovelle pour découvrir mon meurtrier. Inutile de vous préciser que j’étais aux premières loges ! J’ai découvert le véritable visage de mes proches et appris à mes dépens que toute vérité n’est pas bonne à entendre… Depuis, j’ai su rebondir et me construire une nouvelle vie dans la mort. Un jour, si nous avons le temps, je vous en parlerai davantage. Mais d’abord, laissez-moi vous raconter comment j’ai été assassiné.

ÇA RAPPELLE HERCULE…
*Seul dans la pénombre,
j’ai maintenant l’impression
d’être passé à coté de
moments importants. *
(Extrait)

Ce n’est pas un livre qui tranche par son originalité mais je l’ai trouvé drôle et franchement bien écrit. Un homme, Roger Fournier, meurt assassiné. Il se désincarne bien sûr mais son esprit reste sur place. Roger ne comprend pas trop pourquoi mais il décide d’en profiter pour comprendre les causes de sa mort et de suivre l’enquête qui déterminera qui l’a tué :

Il découvre des choses intéressantes mais il déchante car ce qui saute surtout à ses yeux de spectre est l’hypocrisie de sa famille. Fallait-il se surprendre? Surtout si on tient compte que Fournier laissait à sa mort une fortune considérable.

En plus de l’écriture qui est soignée, je note plusieurs forces dans ce livre. D’abord, malgré le contenu dramatique du récit, l’humour est omniprésent sans connotations noires ou disgracieuses : *Ma mère est morte la première, étouffée par un os de poulet. Ma tante l’a suivie dans la tombe un an plus tard. Un accident de voiture. Elle a voulu éviter une dinde égarée. Depuis, je fuis toute volaille. * (Extrait)

Autre force intéressante, la psychologie développée des personnages. Comme ce récit est un huis-clos familial et que chaque personnage est suspect, l’auteure a travaillé et bien campé chaque acteur afin que le lecteur puisse comprendre la démarche des policiers et participer à l’enquête.

À ce niveau, je signale deux éléments intéressants : l’auteure met en perspective la solitude des membres de la famille qui n’ont jamais appris à se connaître et deuxièmement, j’ai beaucoup apprécié le personnage de l’inspecteur Tovelle : secret, théâtral et remarquablement intuitif. Je m’y suis attaché rapidement.

Enfin, le livre pose une question intéressante. Est-ce qu’à ma mort, je serais intéressé en tant qu’esprit, à rester sur place pour connaître avec exactitude les vrais sentiments de mon entourage à mon égard. Il y a forcément des petites vérités qui n’ont jamais éclaté. Alors ? Je reste ou passe à autre chose ? J’ai encore un peu de temps j’espère pour y réfléchir.

C’est un très bon livre qui amène ses lecteurs à analyser chaque personnage suspect car dans cette histoire, tout le monde a quelque chose à cacher. L’enquête est riche en rebondissements et j’ai particulièrement aimé suivre Roger Fournier dans son introspection en tant que spectre, curieux, intéressé mais frustré de ne pouvoir dire son mot ou remettre certaines personnes à leur place.

En fait sa démarche est une forme d’examen de conscience sans jugement. Il y a dans le récit, de beaux moments d’émotion et d’humour. J’ai trouvé aussi la finale particulièrement bien imaginée. Qui peut savoir ce que ressent un être intuitif comme l’inspecteur Tovelle ?  Il me rappelle un peu Hercule Poirot celui-là. Légendaire limier créé par Agatha Christie.

Reste à savoir maintenant ce qui se passe avec Roger Fournier une fois faite la conclusion de l’enquête :  *Le reste de la journée s’écoule lentement. Très lentement. Ce que la mort peut être ennuyeuse ! L’éternité risque d’être très longue. *  Un autre très beau moment de lecture pour moi. Je vous recommande DRÔLE DE MORT de Sophie Moulay.

Sophie Moulay a découvert les livres de la Bibliothèque verte au milieu des années 80. À ce moment-là, il était trop tard pour espérer la guérir du virus de la lecture ; elle s’y est donc adonnée avec bonheur. Plus tard, elle découvre les équations et les racines carrées et va même jusqu’à les enseigner au collège.

Elle a commencé à écrire en 2007, mais c’est en 2009 qu’elle imagine le personnage d’Almus, en s’appuyant sur l’expérience acquise au contact des adolescents. Elle développe alors la série « L’Élu de Milnor« . Depuis, elle a commis quelques meurtres dans ses « Enquêtes d’outre-tombe » ; « Drôle de mort » en constitue le premier volet.

Suggestion de lecture   11 SERPENTS de Philippe Saimbert

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 8 novembre 2020

LES FILLES DE CALEB, d’ARLETTE COUSTURE

LES FILLES DE CALEB
tome 1 : Le chant du coq

-Ben, vous savez…son rhume qui traîne depuis
le commencement de l’hiver… Ben… le docteur
a dit que c’est pas un rhume ordinaire…Ça l’air
que… Ben nous autres on pensait que C’était
une pneumonie… Mais le docteur a dit que ça
l’air d’être plus grave…*
(Extrait : LES FILLES DE CALEB, Tome 1 de 3, LE CHANT
DU COQ, Arlette Cousture, Éditions Québec/Amérique,
Édition de papier, 540 pages.)

Cette oeuvre nous fait connaître une héroïne forte et passionnée, Émilie Bordeleau, dont nous suivons le destin de 1892 à 1946. Institutrice dans une humble école de rang de Saint-Tite, Émilie s’éprend d’un de ses élèves, Ovila Pronovost, à qui elle finit par unir sa vie, pour le meilleur et pour le pire. Leur amour, leurs défis, leurs épreuves, voilà ce qui nous est raconté dans ce roman qui n’a cessé d’embraser l’imagination des lecteurs depuis bientôt deux décennies. Cette trilogie une chronique dans laquelle on suit le quotidien de Caleb, Célina et de leurs filles dans le décor grandiose de la Mauricie. 

ENTRE BONHEUR ET MALHEUR
LE DÉFI D’UNE VIE
*Il se rendit à peine compte qu’elle
avait enlacé ses épaules de ses
bras tant son âme l’avait
quitté pour rejoindre la voie
lactée*
(Extrait : LES FILLES DE CALEB)

Mon idée au départ était de lire ce classique d’Arlette Cousture pour me faire une idée de la qualité d’adaptation à l’écran. Jamais je n’aurais cru être autant imprégné d’une télésérie. Chaque fois que je lisais une réplique d’ovila, je revoyais Roy Dupuis incarner l’éternel enfant qui affectionnait la liberté et…la bouteille.

Chaque fois que je lisais un passage impliquant Caleb, je revoyais Germain Houde jouer le rôle du père à la fois timide et inquisiteur et chaque fois que la parole était à Émilie, je revoyais Marina Orsini jouer le rôle d’une jeune fille un peu en avant de son temps avec un caractère bien trempé. Je me rends compte que la télé a occulté le livre. En effet, cette télésérie a été une des plus populaires dans l’histoire de la télévision canadienne.

Toutefois, avec le recul du temps, le livre pourrait bien sortir de l’ombre car il commence à être en demande à nouveau. Quoiqu’il en soit, j’ai adoré ma lecture à cause de la spontanéité de ses personnages et parce qu’il dépeint un portrait extrêmement réaliste de l’histoire du Québec, fin des années 1800, début des années 1900.

Et puis je peux bien le dire, j’avais un préjugé favorable au départ car l’histoire se déroule dans ma belle Mauricie, à Saint-Tite, Saint-Stanislas et Shawinigan qui est ma ville natale. Arlette Cousture dépeint avec émotion la difficile survie des familles québécoises dans les campagnes, un taux de mortalité élevé, une économie en dents de scie.

L’auteure développe aussi l’autre côté de la médaille : le caractère précieux de la famille, l’entraide, sans compter une magnifique description de la nature et des superbes paysages de la Mauricie. Autre aspect intéressant, Émilie Pronovost était une pionnière étant une des premières femmes laïques à devenir enseignante devant affronter ainsi continuellement le caractère misogyne de son époque, reflet de l’histoire du Québec.

Arlette Cousture brille par son caractère direct. En effet, l’histoire couvre une longue période, elle comprend trois livres et pourtant, il n’y a pas de longueurs pas de redondances mises à part la récurrence inhérente à l’histoire : les nombreuses *brosses* d’Ovila et comme c’était courant à l’époque, un enfant attend pas l’autre.

LES FILLES DE CALEB est essentiellement une histoire d’amour, triste avec une intensité dramatique addictive qui comprend une bonne dose d’émotion. Le fil conducteur est précis et solide donc le livre se lit très bien et vite. L’écriture est soignée et forte. L’ensemble est bien structuré et se détache par la richesse du langage. Il y a en  effet un bel étalage de jargon québécois mais pas à outrance. Pour moi, ça demeure limpide tout au long du récit.

Même si le style va droit au but avec des phrases courtes, ça ne nuit pas à la compréhension des sentiments qui animent les principaux personnages. En lisant, j’avais souvent la télésérie en tête ce qui répond peut-être à une de vos interrogations : oui, j’aurais dû lire le livre avant de regarder la télésérie. C’est ce que je fais habituellement.

Ici je croyais que tout ce temps écoulé allait me permettre de lire sans influence et en toute indépendance le livre d’Arlette Cousture. Ce ne fût pas le cas.  Mais je crois sans l’ombre d’un doute que LES FILLES DE CALEB est un chef d’œuvre de la littérature québécoise adapté jusqu’en France. À lire ou relire.

À LIRE AUSSI

     

Née à Saint-Lambert en 1948, Arlette Cousture a pratiqué plusieurs métiers avant de se consacrer entièrement à l’écriture. Elle a été animatrice pour différents magazines culturels, recherchiste, journaliste et même relationniste. C’est en 1985 qu’est publié le premier tome de la série Les Filles de Caleb – Le chant du coq. Le deuxième, Le cri de l’oie blanche, sort à peine un an plus tard. 

Le dernier volet de la trilogie, L’abandon de la mésange, paraît en 2003. L’œuvre a été adaptée à la télévision au début des années 1990 et, plus récemment, en comédie musicale. En 2010, pour souligner les vingt-cinq ans de la série, les trois tomes sont réédités aux Éditions Libre Expression.

L’œuvre d’Arlette Cousture a séduit des centaines de milliers de lecteurs de par le monde.

En haut à gauche, Marina Orsini incarne Émilie Bordeleau. En haut à droite, Germain Houde dans le rôle de Caleb Bordeleau. En bas à l’avant-plan, Roy Dupuis incarne Ovila Pronovost, soupirant d’Émilie Bordeleau. Le téléroman est en vingt épisodes réalisés par Jean Beaudin. Il a été diffusé par Radio-Canada d’octobre 1990 à février 1991 et par France 3 de décembre 1992 à avril 1993.

Bonne lecture
JAILU/Claude Lambert
Le samedi 27 juin 2020

L’ACCORDEUR DE PIANO, le livre de Pascal Mercier

*J’attendis que cédât en moi cette grande pression intérieure comme lorsqu’on a enfin surmonté un obstacle. En vain. Je sus alors que quelque chose n’allait pas.*
(Extrait : L’ACCORDEUR DE PIANO,  Pascal Mercier, Meta-Éditions, 2008, édition de
papier, 510 pages)

Un ténor célèbre est abattu d’un coup de pistolet sur la scène de l’opéra de Berlin alors qu’il était en pleine représentation de Tosca de Puccini : L’assassin est identifié : il s’agit d’un accordeur de piano. Ses enfants, les jumeaux Patrice et Patricia regagnent le foyer familial afin de comprendre ce qui a poussé leur père, accordeur réputé mais piètre compositeur à commettre ce meurtre. C’est en sondant le passé de leur père que les jumeaux vont découvrir la cause de son désespoir et de celui de toute la famille. Est-il possible que le crime ait été orchestré par la musique ou qu’il ait un lien avec celle-ci? 

LA MUSIQUE COUPABLE
*…Succès. C’était le mot devant lequel je
M’étais enfui et que je ne voulais plus
jamais entendre. Quoique fût ce qui
avait envoyé Père en prison, l’idée de
succès y avait joué un rôle, j’en étais
sûr.
(Extrait : L’accordeur de piano)

 Avant d’entreprendre la lecture de L’ACCORDEUR de piano, j’étais stimulé par plusieurs critiques élogieuses que j’ai lues sur ce livre de Pascal Mercier… Beaucoup de commentaires pour le moins flatteurs. Malheureusement, j’ai déchanté au fil des pages.

Le récit évoque l’histoire d’une famille un peu dégénérée, en commençant par le père et époux : Frédéric Delacroix, un musicien raté dont la vie s’enlise dans un déni total de son incapacité à créer de grandes œuvres musicales. Sa vie se résume en d’*amères expériences du foyer et les nombreuses humiliations subies dans sa recherche de reconnaissance*. (extrait)

Ensuite, il y a la mère, une morphinomane qui est loin de ce qu’on pourrait appeler une enfant de Marie. Finalement, il y a les jumeaux : Patrice et Patricia dont l’amour qui les unit va un peu plus loin que le simple amour fraternel si vous me suivez bien.

Dans ce livre, les jumeaux communiquent entre eux par le biais de cahiers qui expliquent finalement une sorte de malédiction qui pèse sur la famille avec une énorme quantité de détails, dont beaucoup sont insignifiants,  qui se coupent et se recoupent. Ces cahiers sont aussi préparatoires à la séparation définitive des jumeaux.

Il y a sept cahiers pour chaque jumeau. Cela donne à l’œuvre une forme littéraire un peu particulière qui ne m’a pas vraiment emballé. Je précise aussi que le drame est annoncé dès le départ : un célèbre ténor est abattu en plein concert, devant tout le monde, par Delacroix.

Par l’entremise des cahiers, les jumeaux tente d’expliquer le geste du père, et ce faisant, dévoilent des secrets fort dérangeants sur l’histoire de la famille. C’est loin d’être simple.

Ce n’est pas facile de commenter un tel livre. D’une part, l’écriture est d’une magnifique richesse, dans une excellente traduction (de l’allemand au français) mais d’autre part, j’ai été déçu par la pauvreté du sujet. L’ensemble est lourd, indigeste avec des longueurs assommantes.

L’histoire est complexe et je me suis souvent perdu dans des sommes de détails dont l’utilité m’apparaissait douteuse. J’ai trouvé agaçant de ne pas trouver plus de rythme, de légèreté, de simplicité,  dans un livre où on parle de musique à peu près à chaque page.

C’est un roman glauque pas facile à lire sans se perdre tellement le récit est éclaté. Il n’y a pas de repères, pas de fil conducteur et il n’y a pas d’ordre chronologiques dans les évènements. Toutefois, je ne considère pas avoir perdu mon temps car j’ai savouré la beauté de l’écriture, la richesse des mots. Sous cet aspect, je considère que l’ouvrage nous pousse à une réflexion sur l’écriture et aussi sur la complexité de la famille.

Il appartient évidemment au lecteur d’aller chercher dans le récit ce qui le fera vibrer.

Suggestion de lecture : PASSÉ À VIF, de Lisa Jackson

Pascal Mercier, de son vrai nom Peter Bieri est un écrivain et philosophe suisse de langue allemande né à Berne le 23 juin 1944. De 1993 à 2007, il a été titulaire de la chaire de philosophie des langues de l’Université Libre de Berlin, mais il est surtout connu du public pour ses romans, plusieurs ayant été traduits en français comme LE SILENCE DE PERLMAN en 1995, LÉA en 2011 et bien sûr L’ACCORDEUR DE PIANO en 1998.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
MARS 2016

NOÉMIE, LES SEPT VÉRITÉS, de GILLES TIBO

*…que madame Lumbago…Yahou… est ma
vraie grand-mère pour vrai! J’en suis toute
étourdie, bouleversée, chamboulée, ravie,
émue et…super choquée. Toute la planète
connaissait la vérité sauf moi.*
(extrait de NOÉMIE LES SEPT VÉRITÉS, Gilles Tibo,
Québec Amérique Jeunesse, 1997, 175 pages, papier)

Dans LES SEPT VÉRITÉS, Noémie apprend une nouvelle qui la bouleverse…sans doute la plus importante nouvelle de sa vie : sa gardienne, madame lumbago est en réalité sa grand-mère. Eh oui, sans blague, pour Noémie, madame Lumbago a d’abord été grand-mère en cachette.  Dans cette touchante histoire, Noémie veut maintenant toute la vérité, rien que la vérité. Alors, le cœur chamboulé par tant de souvenirs, madame Lumbago, émotive, fait remonter à la surface tous ses souvenirs et se met à raconter à sa chère Noémie l’histoire de sa vie…la véritable histoire…

La collection Noémie

Au milieu des années 90, l’auteur Québécois Gilles Tibo publiait le premier volume d’une impressionnante série. Le succès de NOÉMIE devint immédiat auprès des jeunes de 7 à 11 ans. Aujourd’hui, c’est-à-dire au moment d’écrire ces lignes, la collection compte 23 volumes alors qu’elle est à moins de deux ans de son vingtième anniversaire. Monsieur Tibo est un auteur pour le moins prolifique.

Donc depuis LE SECRET DE MADAME LUMBAGO (publié en mars 1996 et adapté par la suite au cinéma) le succès de Noémie ne s’est jamais démenti. La série raconte les sympathiques tribulations d’une petite fille de sept ans et trois quarts curieuse, perspicace et pleine d’imagination. Noémie passe presque tout son temps chez madame Lumbago qui est pas mal au centre de sa vie puisqu’elle est sa grand-maman, sa gardienne, son amie et…sa complice.

Noémie est une petite québécoise bien sympathique qui aime les chasses au trésor, les ptits secrets et les grandes aventures. Encore une fois, les enfants sont bien servis par un savoir-faire québécois plus qu’intéressant en matière de littérature-jeunesse. Pour en savoir plus sur la collection, consultez l’index des titres et auteurs chez www.quebec-amerique.com et surtout, visitez www.lesamisdenoemie.com  Aujourd’hui j’ai choisi de vous parler du quatrième volume de la série…un volume choisi au hasard.

Une chouette petite fille
*On dirait que les mots naissent quelque part
très loin au fond de son ventre et qu’ils
doivent emprunter le long chemin de la
mémoire.
(extrait de NOÉMIE LES SEPT VÉRITÉS, madame Lumbago
commence à débiter ses mémoires)

Au départ, l’idée de Gilles Tibo était très simple : créer un jeune personnage très proche de la réalité des enfants et développer dans chaque volume un aspect de son quotidien ou de sa personnalité. Il faut donc prendre le volume dont je vous parle aujourd’hui pour ce qu’il est, c’est-à-dire un épisode dans la vie de Noémie. Il y a des volumes avec beaucoup d’action, d’autres sont plus statiques comme c’est le cas pour ce quatrième volume de la série.

Dans LES SEPT VÉRITÉS, Noémie apprend tout sur ses origines et apprend non sans surprise que madame Lumbago est plus qu’une simple gardienne. C’est sa grand-mère. Avec beaucoup d’émotion, madame Lumbago entreprend de dire toute la vérité à Noémie…les vérités devrais-je dire, car il y en a six. La septième vérité est un petit ajout tout mignon.

Dans cet opus, les enfants apprendront que dévoiler un grand secret ou exprimer une grande vérité n’est pas une chose nécessairement facile. L’auteur plonge cette fois profondément dans l’histoire de Noémie et nous met en lien avec l’intimité de son environnement et de ses proches, en particulier de madame Lumbago qui est gardienne et même grand-mère apprend-on cette fois…mais qui est plus que tout ça finalement : elle est une complice de Noémie. Chez les enfants, la complicité est le prélude aux grandes amitiés.

C’est une petite histoire écrite avec beaucoup de sensibilité et des moments très touchants magnifiquement exprimés par les illustrations de Louise-Andrée Laliberté.

Il y a dans cette petite histoire de l’émotion, de la délicatesse et de la tendresse et l’auteur alterne adroitement les évènements passés avec le présent sans mêler ou décourager les jeunes lecteurs. Ça demande beaucoup de talent car comment, en lecture, exposer des enfants aux problèmes liés aux adultes? C’est une belle réflexion sur la maturité et le tissu familial.

Le livre fait 175 pages mais comme disaient mes enfants, *les lettres sont grosses*, ça se lit vite et les très belles illustrations ventilent magnifiquement l’ensemble. Il n’y a pas beaucoup d’action toutefois, mais je n’hésite pas à inviter les enfants à parcourir d’autres tomes.

Suggestion de lecture : LA GUERRE DES BOUTONS, de Louis Pergaud

Gilles Tibo est un écrivain, illustrateur et caricaturiste québécois né à Nicolet dans la région de Trois-Rivières en 1951. Au milieu des années 90, après une longue carrière d’illustrateur, il décide d’écrire pour les enfants et crée NOÉMIE LE SECRET DE MADAME LUMBAGO, adopté par les enfants à une vitesse fulgurante.

Prix littéraire du Gouverneur Général du Canada en 1996, ce titre sera le coup d’envoi d’une longue série de titres et de collections pour les enfants (À PAS DE LOUP, LES ROMANS ROUGES entre autres)  et inspirera un film. Il accumule les honneurs littéraires avec entre autres le prix ODYSSÉE en 2002 catégorie Roman Jeunesse pour LA PETITE FILLE QUI NE SOURIAIT PLUS.

Le film NOÉMIE LE SECRET est l’adaptation des quatre premiers tomes de la série de Gilles Tibo. Il est très conforme aux livres, allant d’une énigme à l’autre de  façon prévisible et quelques fois en longueur, mais les enfants sont dirigés avec brio par le réalisateur Frédérik D’Amour et la jeune Camille Felton qui tient le rôle-titre est terriblement attachante. Dans le film, Noémie a connaissance d’une histoire relatant l’existence d’un trésor dans l’appartement de madame Lumbago, sa gardienne. Avec son aide, elle entreprend de dénicher ce trésor. Sa découverte est surprenante. Un peu dépassé, mais très rafraichissant.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
SEPTEMBRE 2015