AU-DELÀ DU RÉEL, la série culte, DIDIER LIARDET

*Ce n’est pas une défaillance de votre téléviseur, n’essayez donc pas de régler l’image. Nous avons le contrôle total de l’émission, contrôle du balayage horizontal, contrôle du balayage vertical. Nous pouvons aussi bien vous donner une image floue qu’une image pure comme le cristal.

Pour l’heure qui vient, asseyez-vous tranquillement, nous contrôlerons tout ce que vous verrez et entendrez. Vous allez participer à une grande aventure et faire l’expérience du mystère avec AU-DELÀ DU RÉEL. * (introduction de chaque épisode, AU-DELÀ DU RÉEL, Collection TÉLÉVISION EN SÉRIE, Didier Liardet, Yris éditions, 2015, papier, 260 pages, photos, illustrations)

        

L’AVENIR DU FUTUR
*Lancée sur la chaîne ABC en 1963, AU-DELÀ DU RÉEL fit
sensation par sa singularité conceptuelle, sa richesse
thématique et un style visuel novateur… Créé par Leslie
Steevens…cette anthologie partage avec la QUATRIÈME
DIMENSION, un vaste champ d’influences sur plusieurs
générations de téléspectateurs et de cinéastes.
(Extrait)

C’est un livre qui a rappelé de très beaux souvenirs au mordu de science-fiction que j’ai toujours été et que je serai toujours. AU-DELÀ du réel est une télé série américaine diffusée de septembre 1963 à janvier 1965 et qui traite de préoccupations réelles, de peurs refoulées de l’être humain à travers des réflexions philosophiques et métaphysiques sur la nature de l’homme et les mystères de l’univers.

Et parce que cette série évoque les dangers liés à la recherche scientifique et à l’éthique, elle conserve toujours son actualité. Pour beaucoup d’amateurs de science-fiction de l’époque et encore aujourd’hui, la série AU-DELÀ DU RÉEL constitue une suite logique et améliorée de la série LA QUATRIÈME DIMENSION diffusée à l’origine de 1959 à 1964 et pourtant cette série était un chef d’œuvre de créativité.

Le livre de Diardet décortique complètement la série avec d’abord une génèse de production, pénètre dans les coulisses de tournage, publie des documents rares, présente la série remake AU-DELÀ DU RÉEL L’AVENTURE CONTINUE diffusée à l’origine de 1995 à 2002 et propose une fiche-guide de chacun des épisodes de la série AU-DELÀ DU RÉEL.

Chaque fiche-guide propose un synopsis de l’épisode, une évaluation, Une présentation de chaque acteur de la distribution avec son répertoire télévisuel et sa filmographie, et des photos extraites de l’épisode. En ce qui concerne l’évaluation des épisodes, je peux confirmer qu’elles sont pertinentes et réalistes et je sais de quoi je parle car j’ai visionné la totalité des quarante-neuf épisodes de la série.

Ce livre m’a permis de renouer avec nombre d’acteurs, jeunes à l’époque, qui ont transité par AU-DELÀ DU RÉEL avant de connaître la gloire. Je pense à Leonard Nimoy qu’on verra par la suite dans MISSION IMPOSSIBLE puis dans la télésérie STAR TREK qui comprend plus de 730 épisodes sur six séries dont l’originale et NEXT GENERATION, en plus de la filmographie. Nimoy deviendra le légendaire monsieur Spock.

Je pense à William Shatner qui deviendra le capitaine Kirk, Henri Silva, Eddie Albert sans oublier Martin Landau qu’on verra par la suite dans MISSION IMPOSSIBLE, et COSMOS 1999, David McCallum, Robert Culp et j’en passe.

Le livre nous rappelle aussi avec d’abondants détails que les artisans de la série AU-DELÀ DU RÉEL, réalisée avec des budgets très limités ont fait preuve d’une remarquable ingéniosité. Le livre comprend une grande quantité de photos et sa présentation est soignée. J’ai trouvé tout de même que les parcours de carrière des artisans et acteurs sont lourds,

Le principal irritant tient au fait que les photos d’acteurs et d’artisans ne sont pas identifiées. J’ai eu de la difficulté à associer les noms d’acteurs à leurs photos. Malgré tout, j’ai savouré ce livre et effectivement, j’ai vécu une grande aventure et j’ai fait l’expérience du mystère. Je recommande ce livre à tous, y compris au jeune lectorat qui apprendra beaucoup de choses intéressantes sur les premiers balbutiements de l’univers télévisuel.

À LIRE AUSSI

     

Didier Liardet (à gauche) est historien et spécialiste de séries télévisées. Il dirige la collection «télévision en série» pour Éditions Yris , avec Michelle Roussel. Il a publié des ouvrages de référence sur de nombreuses séries-cultes, les plus grandes séries télévisées britanniques et américaines…AU-DELÀ DU RÉEL, V et plusieurs autres.

Leslie Stevens (1924-1998) est un scénariste, dramaturge et producteur de télévision américaine. Leslie Stevens est notamment connu pour être le créateur de la série AU-DELÀ DU RÉEL (The Outer Limits) et réalisateur de INCUBUS (1966) mettant en vedette William Shatner et ayant la particularité d’être l’un des seuls longs métrages tournés en esperanto, ce langage construit de toutes pièces et conçu pour servir de pont culturel entre plus de 120 pays.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le vendredi 16 octobre 2020

LE MAGASIN DES SUICIDES, le livre de JEAN TEULÉ

*Allez, tout le monde dehors…Vous mourrez une autre
fois. Gardez vos tickets numérotés et revenez demain…
Allez, hop, dehors ! Prenez ce revolver jetable à un coup
et ne venez plus nous faire chier avec vos histoires
d’amour. *

(Extrait : LE MAGASIN DES SUICIDES, Jean Teulé,
Éditions Julliard, 2007, édition numérique, 150 pages)

Imaginez un magasin où l’on vend depuis dix générations tous les ingrédients possibles pour se suicider. Cette petite entreprise familiale prospère dans la tristesse et l’humeur sombre jusqu’au jour abominable où surgit un adversaire impitoyable : la joie de vivre…

MORT OU REMBOURSÉ
*Il ne parvient à y croire…le beau magasin…qui
était sobre comme une morgue d’hôpital, propre,

net, etc…ce qu’il est devenu ! Sur un long calicot
tendu d’un mur à l’autre…est écrit un mot d’ordre :

« Suicidez-vous de vieillesse »

C’est un petit livre étrange et fascinant qui semble vouloir nous exposer sa vision du sens de la vie en passant par l’absurde. Le suicide est le principal sujet, développé d’ailleurs avec une désinvolture dérangeante. Nous sommes dans une société loin dans le futur. L’auteur ne s’étend pas sur la démographie, mais on suppose que le suicide est encouragé d’une certaine façon car la promotion du geste ultime est légale.

Aussi, nous suivons la famille Tuvache : Papa Mishima, Maman Lucrèce et les enfants, Marylin, Vincent et Alan. La petite famille tient une boutique encastrée dans d’énormes immeubles : c’est le magasin des suicides où on trouve de tout pour mettre fin à ses jours soit avec violence soit avec élégance.

C’est le genre de famille à souligner un anniversaire de naissance avec un gâteau en forme de cercueil…la mort encadréetraitée avec légèreté, humour et des prix élevés… Le quotidien de la famille est graduellement perturbé quand on découvre que le cadet de la famille, Alan est heureux de vivre…horreur…pas Alan : *Quand, à l’école on lui a demandé ce qu’étaient les suicidés, il a répondu : « Les habitants de la Suisse » *. (Extrait)

Graduellement Alan contamine tout le monde avec sa joie de vivre, son sourire, son énergie positive…*Ah, celui-là, avec son optimisme, il ferait fleurir un désert…* (Extrait) et graduellement, Alan sabote les efforts de sa famille pour vendre ses articles de mort qui subissent mystérieusement quelques petites transformations. Alan est le rabat-joie avec lequel on se dirige vers une finale dramatique et aberrante.

C’est un livre qui peut en choquer plusieurs mais il en dit long sur la vision de l’auteur de la société future, une société égarée, errante, à peine en équilibre sur la corde raide de l’abrutissement. C’est un sujet original car même si la mort et le suicide sont des sujets sérieux qui affectent déjà notre société, Teulé a bourré son récit de traits d’humour.

Avec Alan et son optimisme dérangeant, le roman noir a subitement quelque chose de loufoque, de farfelu et comme on dit souvent au Québec, de fou braque. Au fur et à mesure que je suivais Alan, qui est devenu pour moi un petit frère, mon esprit se détendait mais restait toujours sous le coup d’une émotion. Malheureusement, la finale m’a laissé amer.

Il y a dans le récit de Teulé une logique sociale développée avec finesse. Alan est un symbole qui met en scène des vertus qui se sont figées dans la société décrite par l’auteur : un symbole d’espoir, d’accomplissement. Entendons-nous. J’ai eu froid dans le dos spécialement avec des slogans aussi noirs et triviaux : *Vous avez raté votre vie, avec nous vous réussirez votre mort* (Extrait)

Mais le développement du récit et surtout la raison de vivre d’Alan a donné à l’ensemble une éthique fort acceptable. Le sujet reste délicat et pourrait ne pas plaire à tous. En ce qui me concerne, malgré la finale qui m’a ébranlé, j’ai trouvé le tout très intéressant.

Vous serez comme moi, porté sans doute à suivre l’évolution d’Alan. Non seulement il est attachant, drôle et spontané (l’auteur le fait même zozoter) mais c’est le petit mouton qui va changer le monde. On dirait que l’auteur met le doigt sur un bobo guérissable. LE MAGASIN DES SUICIDES pourrait bien être un hommage à tous les petits Alan du monde…

Jean Teulé est un romancier français aux multiples facettes. Homme de télévision, dessinateur, comédien, cinéaste et surtout écrivain, il est le compagnon de l’actrice Miou-Miou. Né le 26 février 1953 à Saint-Lô, Jean Teulé ne se prédestinait pas vraiment à une carrière littéraire et pourtant, il a signé de nombreux scénarios de bandes dessinées, et plusieurs romans dont DARLING, la touchante biographie d’une naufragée de la société. Le magasin des suicides a été adapté au cinéma par Patrice Lecomte cinq ans après sa publication.

Image du film LE MAGASIN DES SUICIDES, long métrage musical d’animation franco-belgo-canadien réalisé par Patrice Lecomte et sorti en 2012. Adaptation cinématographique du roman éponyme de Jean Teulé.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le samedi 22 août 2020

CTRL + Q, le livre de KATHY DORL

*Clémentine a le feu aux fesses, mais, cette fois-ci,
en mode fusée Ariane ou navette spatiale américaine.
Le trouillomètre frôlant le zéro absolu. Elle commence
à avoir sérieusement peur pour sa vie. «On ne reste
pas une minute de plus chez ces apprentis sorciers.
Sont fêlés du bocal ! Bande de tarés !»*
(Extrait : CTRL + Q, Kathy Dorl, Éditions Hélène Jacob,
collection LITTÉRATURE SENTIMENTALE, 2015, numérique,
200 pages)

Entre son job de secrétaire dans un magasin de matelas et Roue de la Fortune, son hamster, Clémentine mène une vie solitaire et ennuyeuse. Maladroite, pas très futée, superficielle et égoïste, Clémentine est une paresseuse avec une seule ambition : devenir riche. Des petites initiatives aux grandes résolutions, la vie n’est qu’une succession de décisions à prendre. Clémentine, sans amis ni famille, sans conseils prudents et avisés, va faire les mauvais choix. Au rythme syncopé de ce monde où la science va parfois trop loin et prend de court notre morale, Clémentine devra faire face à l’exceptionnel et l’incroyable. Clémentine est l’héroïne de CTRL + Q.

UN REFLET HILARANT DE LA SOCIÉTÉ
*…la simulation sert deux bonnes causes. D’une, le mec
a l’impression d’être un demi-dieu au lit. De deux, mes
« Vas-y doudou, déchaîne ton corps » ayant tendance
à accélérer le processus, ça permet de reprendre au
plus vite le cours de mes activités, mater le replay des
anges de la téléréalité par exemple, le tout en évitant
l’irritation des muqueuses.*
(Extrait : CTRL + Q)

Voici le livre le plus anti morosité que j’ai lu depuis plusieurs années. Ce livre est comme un vent frais qui fait rire…un magnifique moment d’évasion. C’est l’histoire de Clémentine, une jeune femme paresseuse et égocentrique qui n’a qu’une ambition : devenir riche avec un minimum d’effort. Elle décide de devenir mère porteuse. Après quelques naissances, Clémentine accepte l’offre juteuse d’un mystérieux centre de recherche.

Elle devra porter un bébé dont les gènes et l’ADN ont été modifiés pour des raisons manifestement eugéniques. La vie de Clémentine bascule complètement quand elle apprend que son bébé-génie peut communiquer avec elle par télépathie. Lorsque son bébé lui explique que ce centre est illégal et que les responsables veulent se débarrasser d’elle après la naissance, Clémentine décide de s’enfuir.

Elle trouvera sur son chemin des alliés précieux mais qu’est ce qui arrivera au plus génial des bébés surdoués. Si Clémentine n’est pas au bout de ses tribulations, le lecteur non plus. Comme moi, vous serez obligé de tourner les pages.

L’humour est omniprésent dans ce livre. Humour dans le dialogue : *En parlant de relations sentimentale, l’histoire du pompier qui a fondé un foyer, après avoir déclaré sa flamme à une sirène, tu la connais ? –Tu fais chier, Clem !*. (Extrait)

L’humour est aussi omniprésent dans le récit, le genre d’humour spontané qui prend par surprise un peu comme le font nos humoristes lors de leurs stand-up : Par exemple, comment croyez-vous que Clémentine s’y prend pour virer un mec ?

*Connais-tu l’association de groupements d’ensembles de communautés d’union de rassemblements d’agglomérations de sociétés d’alliances d’attroupements des personnes qui aiment vivre seules ? Non ? Comme c’est dommage.* (Extrait)

L’humour est même présent dans le titrage. L’auteure, Kathy Dorl ne s’est pas contentée de numéroter les chapitres, elle leur a trouvé chacun un titre, la plupart du temps non-pertinent mais témoignant toujours d’un esprit vif décidé à dérider.

Par exemple : *Toi + moi – toi = perfection* (Extrait, chapitre 4) *Quand je conduis, même le GPS met sa ceinture.* (Extrait, chapitre 7) *Cette phrase est volontairement ennuyeuse, afin que la suivante paraisse vraiment drôle.* (Extrait, chapitre 10)

Quant à l’histoire comme telle, elle est déjantée, elle a un petit caractère rebelle qui me plait. La plume est à la fois légère et loufoque quand on pense que l’héroïne au départ est moins qu’ordinaire. L’auteure lui a même attribué un défaut langagier quand elle est fatiguée ou stressée avec le résultat qu’une fois sur deux, le lecteur pouffe de rire. L’humour est parfois un peu acide mais atteint rarement le mauvais goût.

Notez que la légèreté du récit ne m’a pas empêché de réfléchir un peu sur l’eugénisme qui a poussé des tarés comme les nazis au nettoyage ethnique. Dans la plupart des pays, l’eugénisme est illégal.

Certains pensent que cette philosophie est mourante. Moi je n’en suis pas si sûr. Est-ce que la manipulation peut amener un fétus à communiquer avec sa mère par télépathie ? J’en doute, mais on ne sait jamais…jusqu’où peut aller le génie humain, surtout pour mal faire.

Donc CTRL+Q est un roman énergique, rafraîchissant avec une héroïne tordante. L’ensemble est original. Ça se lit vite. C’est même un peu trop court à mon goût, mais j’admets qu’il faut savoir s’arrêter. Enfin, pourquoi CTRL+Q comme titre ? Je vous laisse le découvrir mais vous allez vite comprendre que, même dans le titre, l’auteure n’a pas manqué d’humour.

À lire absolument, spécialement pendant les jours gris et les humeurs sombres.

Kathy Dorl a publié son premier roman « Ce que femme veut… » en 2013 aux Éditions Hélène Jacob. Il a eu un vif succès. Entre légèreté et humour le ton est donné : sans prétention, les sujets sont d’actualité et les personnages attachants. Un roman pétillant et drôle.

L’écriture de Kathy Dorl se situe dans ce qu’on appelle aux Etats-Unis les « feel-good books », ou romance moderne en français. En janvier 2015, « Déconfitures et pas de pot » se positionne directement dans le top 20 en littérature humoristique ainsi que « Ctrl + Q » . Prix littéraires : Finaliste du prix Jean-Jacques Robert de la nouvelle 2014 (Salon du livre d’Ile-de-France) Second prix roman concours littéraire Maestro 2015 avec « Déconfitures et pas de pot », entre autres.

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 5 octobre 2019