LA FANTASTIQUE ODYSSÉE, Chérif Arbouz

Tome 1 : L’ÉPOPÉE COSMIQUE

*Si cet ouvrage a été conçu comme un roman d’anticipation
et de science-fiction à la fois, il n’est pas que cela. Ce qui
relève du passé de la terre et de ses habitants sous des
rapports divers, y compris ceux d’ordre scientifique, y est
également concerné, car constituant une base de réalités
à partir de laquelle s’est construite la fiction. *

(Extrait : LA FANTASTIQUE ODYSSÉE, tome 1
Chérif Arbouz, PUblisher éditeur, 2016, papier et
numérique, 156 pages, 692 kb)

Entre 2037 et 2056, la Terre connaît la plus grande crise de son histoire. La surpopulation démentielle et le réchauffement climatique désastreux constituent la pire menace pesant sur l’humanité. Dans ce contexte, les USA et la Confédération Russe fusionnent en 2056 pour devenir les USNAR (United States of North America and Russia). Ce méga état déclenche une guerre éclair massive et destructrice qui lui permet d´imposer un nouvel ordre mondial. Des extraterrestres sont les témoins directs de ce qui s’y passe et décident d’aider les Terriens à s’engager dans une voie salvatrice. Ils ont aussi une autre bonne raison d´intervenir…

Une aide inattendue pour
affronter l’apocalypse
*En un temps record, près de trente mille bombes à neutrons
véhiculées par des nuées de missiles intercontinentaux
s’abattirent simultanément sur leurs objectifs dans les
pays jugés susceptibles d’utiliser les armes de destruction
massive qu’ils possédaient. *
(Extrait)

Ce premier volume de la saga ÉPOPÉES COSMIQUES, LA FANTASTIQUE ODYSSÉE, se divise en trois parties. D’abord, la situation de la terre en 2056. Elle se meurt et le redressement de sa situation est devenue une priorité. Aussi, les USNAR sont créés.  Un nouvel ordre mondial est né. Des extra-terrestres qui visitent les humains depuis des siècles à leur insu, décident d’intervenir.

Dans la deuxième partie, l’auteur développe l’histoire de ces extra-terrestres, les stargils et les Iskogéens, issus des humains de la terre. Dans la troisième partie, Arbouz raconte comment les stargils sont intervenus en amenant les humains à sauver la terre, présidant à la création d’un gouvernement mondial.

Les nouveaux législateurs entre autres une dépopulation mondiale qui s’étendra sur 400 ans, le peuplement de la planète passant de 9 milliards d’individus à 600 millions. L’auteur explique comment les humains et les stargils sont devenus intimement liés.

Ici, deux mondes s’attirent : Les Stargils, supérieurs aux humains à tous points de vue et les humains qui se retrouvent devant un choix difficile : mourir ou désapprendre. Ça signifie que les humains devaient définitivement mettre dans l’ombre et vaincre toutes ses tares ataviques qui en faisaient des créatures poussées à l’autodestruction.

L’auteur met en perspective les difficultés énormes que ça implique : *La Société des humains vivant sur terre est profondément marquée dans sa nature même par ce qui l’avait prédisposé à tourner le dos à tout ce qui aurait pu lui être bénéfique. * (Extrait)

Ce livre n’est pas sans rappeler le grand classique de la littérature de science-fiction LE MEILLEUR DES MONDES, un roman d’anticipation dystopique écrit par Aldous Huxley (1894-1963). Dans cette société décrite par Huxley, les êtres humains sont tous créés en laboratoire. Les enfants y sont conditionnés, créant une morale commune.

Il y a des similitudes avec LA FANTASTIQUE ODYSSÉE et qui plus est, l’auteur Chérif Arbouz ne se gêne pas pour faire des rapprochements dans son récit. La Société décrite par Huxley est aussi un état mondial.

Huxley percevait notre monde comme allant dangereusement vers le monde décrit dans son livre. La démarche des Stargils visent à éviter aux humains la catastrophe…sans rien en retour.

Dans LA FANTASTIQUE ODYSSÉE, l’auteur vulgarise la notion de gouvernement mondial. Il en décrit les étapes, le mode de fonctionnement et les avantages. Le côté *B* de cette médaille est qu’il ne fait aucune mention des désavantages.

À peine est-il question de quelques dommages collatéraux. J’ai eu l’impression qu’Arbouz faisait la promotion d’un gouvernement mondial, limitant son raisonnement à ses avantages.

Mais c’est  le premier livre qui me parle explicitement de la notion de gouvernement mondial et il est de nature à me demander si un jour, l’humanité n’aura plus le choix. Autre petite faiblesse : les raisons pour lesquelles les Stargils interviennent ne sont pas claires.

J’ai de la difficulté à comprendre et à croire que les extra-terrestres ne demandaient rien en retour de leur intervention salvatrice et de l’extraordinaire transfert de connaissance qui en découla. Que les stargils aient sauvé les humains de l’éradication par simple altruisme me semble surréaliste. Le roman prend parfois l’allure d’un documentaire.

Malgré des longueurs, spécialement dans la partie qui développe l’histoire des Stargils, LA FANTASTIQUE ODYSSÉE comporte de très bonnes idées et constitue un bon départ pour la saga ÉPOPÉES COSMIQUES. L’ouvrage porte aussi à réfléchir sur le surpeuplement mondial et à la capacité limitée de la terre à nourrir ses enfants et à supporter le gaspillage.

Ici, le livre d’Arbouz crie une certaine urgence. On sent que l’auteur s’est documenté et sait où il va. Un meilleur équilibre aurait été souhaitable tout simplement.

Suggestion de lecture : LES CHRONOLITHES de Robert-Charles Wilson

Chérif Arbouz, né le 8 février 1930, est un écrivain algérien. Esprit curieux, il partage dans ses écrits ses passions, qui vont des légendes ancestrales de son pays aux recherches les plus avancées sur la cybernétique et le cerveau. Épopées médiévales, voyages cosmiques, aliens et robots sont autant de prétextes pour réfléchir à la nature de notre humanité, l’évolution des sciences. Avec LA FANTASTIQUE ODYSSÉE, Chérif Arbouz dresse le portrait d’une civilisation humaine à bout de souffle, incapable de trouver la voie d’une coopération mondiale, seule capable d’assurer sa survie à long terme.

LA SÉRIE

Bonne lecture
Claude Lambert

SA MAJESTÉ DES MOUCHES, de WILLIAM GOLDING

*Des signes de vie se manifestaient sur la plage. Le
sable moiré par l’air chaud dissimulait de
nombreuses silhouettes éparpillées sur des
kilomètres de plage. De partout, des garçons
convergeaient vers le plateau à travers le sable
lourd et brûlant. * 

(Extrait : SA MAJESTÉ DES MOUCHES, William Golding,
édition originale, 1954 par Faber and Faber. Réédition :
Gallimard 2002, édition numérique, Folio, 216 pages)

Un avion transportant exclusivement des garçons anglais issus de la haute société s’écrase durant le vol sur une île déserte. Le pilote et les adultes accompagnateurs périssent. Livrés à eux-mêmes dans une nature sauvage et paradisiaque, les nombreux enfants survivants tentent de s’organiser en reproduisant les schémas sociaux qui leur ont été inculqués.

Mais bien vite le vernis craque, la fragile société vole en éclats et laisse peu à peu la place à une organisation tribale, sauvage et violente bâtie autour d’un chef charismatique. Offrandes sacrificielles, chasse à l’homme, guerres sanglantes : la civilisation disparaît au profit d’un retour à un état proche de l’animal que les enfants les plus fragiles ou les plus raisonnables paient de leur existence.

Méchanceté atavique
*-J’ai peur. Peur de nous. Je voudrais être à
la maison. Oh ! mon Dieu, comme je
voudrais être chez nous ! *
(Extrait)

D’abord un mot sur la notoriété de ce livre publié en 1956 et classé roman psychologique pour les jeunes. Cette notoriété est impressionnante car SA MAJESTÉ DES MOUCHES a inspiré le cinéma avec deux adaptations, le théâtre, la musique, la bande dessinée, les séries télé, la télé-réalité, même les jeux vidéo et l’influence que cette œuvre de William Golding a eu sur la littérature est particulièrement forte et intéressante.

Il serait trop long d’en faire le tour mais je signalerai que SA MAJESTÉ DES MOUCHES a inspiré Kinji Fukasaku pour son livre BATAILLE ROYALE, adapté au cinéma. Je n’ai pas lu le livre, mais j’ai été ébranlé par le film. Stephen King fait référence à l’œuvre de Golding dans certains passages de son recueil CŒURS PERDUS EN ATLANTIDE et dans le cycle LA TOUR SOMBRE. Et bien sûr, SA MAJESTÉ DES CLONES qui est la version science-fiction de SA MAJESTÉ DES MOUCHES. Comme je le disais, la liste n’est pas exhaustive.

Sa majesté des mouches, adaptation cinématographique de 1990

Un avion transportant des jeunes garçons âgés entre 6 et 13 ans, s’écrase sur une île perdue dans le Pacifique. L’équipage meurt mais les enfants sont indemnes. Une fois remis de leurs Émotions, les enfants tentent de s’organiser. Deux esprits forts se démarquent du groupe : Jack, un garçon charismatique mais violent et caractériel. Et il y a Ralph, le personnage principal du roman, un adolescent intelligent, organisateur et visionnaire.

Le petit gros du groupe, un intellectuel à lunettes fait la découverte sur la plage d’une conque, une grosse coquille en spirale longtemps utilisée comme trompe au cours de l’histoire dans plusieurs pays du monde. Ralph décide de faire de cet instrument le symbole rassembleur du groupe.

Tout le monde reconnait Ralph comme chef. Le groupe tente de s’organiser mais Ralph met au grand jour sa nature pusillanime. C’est un chef mou et sans colonne. Pendant ce temps, Jack dévoile sa nature agressive, tranchante : *Il y a quelque chose qui ne va plus. Je ne comprends pas quoi. Nous avions bien commencé ; nous étions heureux. Et puis…-…et puis on a commencé à avoir peur*  (Extrait)

Ralph est un partisan du feu pour avertir les bateaux passants, Jack est partisan de la chasse…pour manger…et pour tuer. La dystopie s’installe, la peur se densifie. Puis, Jack est devenu intouchable pour la raison bien simple que tout le monde en avait peur.

C’est un livre extrêmement poignant qui abandonne le lecteur dans un puissant brassage d’émotions contradictoires. Dans une certaine mesure, c’est un livre qui met mal à l’aise car il met en perspective une tache indélébile de la nature humaine : la violence, la soif de pouvoir. Sont-elles ataviques ? Que, dans une situation semblable, les enfants perdent le sens de la civilité, je peux comprendre.

Mais peut-on perdre à ce point le sens de l’humanité ? Parce que c’est ce qui se produit ici. Alors que tout devient incontrôlable, la sauvagerie et la barbarie prennent le pas. La jeunesse qu’on dit innocente fait passer sa survie par la violence. Voilà pourquoi le récit met mal à l’aise parce qu’il dessine l’incontournable déshumanisation mue par la vanité, l’orgueil mais surtout par la peur et le désespoir.

Cette descente va jusqu’à la pire des bassesses : le meurtre. Par quel mécanisme un enfant peut descendre aussi bas. William Golding ne l’explique pas vraiment mais il le montre. Et le crescendo imprégné dans le texte est tellement graduel que le lecteur n’y voit que du feu jusqu’à ce qu’il réalise qu’il est maintenant prêt à boire à la bêtise humaine.

Beaucoup de choses peuvent expliquer cette dégradation : L’empreinte génétique, la fragilité mentale et émotive, l’éducation, les influences sociales, l’atavisme.  Peu importe. Ce qui est important ici c’est que Golding n’explique pas. Il crée l’image dans l’esprit du lecteur et il ne baigne pas dans l’eau de rose.

C’est un livre violent. Qu’il soit classé littérature jeunesse peut être discutable. Le réalisme qui ressort de cette œuvre la confine plus à l’horreur. C’est bien écrit. C’est très direct d’autant qu’ici l’humain descend vers l’état d’animal et que les enfants les plus fragiles en meurent. Une corde sensible est étirée jusqu’à la rupture.

Bien que SA MAJESTÉ LES MOUCHES soit considéré comme un classique, une référence pédagogique, que sa profondeur psychologique et son pouvoir descriptifs soient indéniables, l’œuvre comporte des faiblesses et des irritants. Étant donnés les évènements qui se déroulent sur l’île, j’aurais aimé avoir une idée de sa taille et de sa forme. Une carte n’aurait pas été un luxe ainsi qu’un bref profil des personnages.

Aussi, à deux reprises dans le récit, un incendie de forêt met la vie des enfants en danger. Cet aspect du récit est sous-développé et la vitesse de propagation du feu m’a laissé supposer un bâclage de cet aspect de l’histoire. Ce sont quand même deux épisodes importants. À la fin que je ne veux quand même pas dévoiler, je n’ai aucune nouvelle de Jack et Roger.

Ce sont pourtant les deux principaux personnages qui ont poussé les évènements à dégénérer. J’ai trouvé la finale expédiée et sans saveur. En générale, c’est toute la deuxième partie du récit qui est sous-développée.

Quoiqu’il en soit, cette histoire ne laisse pas indifférent et pousse à la réflexion sur la précarité de la nature humaine.

Suggestion de lecture : PÉRIL EN MER, d’Olivier Descamps

William Golding était un écrivain britannique appartenant au courant postmoderniste. Il est né le 19 septembre 1911 en Cornouailles et mort le 19 juin 1993. Il a obtenu le Prix Nobel de littérature en 1983. Après avoir exercé de nombreux métiers, il se retire en 1962 dans les environs de Salisbury pour se consacrer à ses travaux littéraires. Il également connu pour avoir proposé au scientifique et ami James Lovelock la terminologie de Gaia « Gaia: a new outlock at Life on earth » (première édition 1979).

Cette appellation vient du nom de la déesse grecque de la Terre, synonyme de biosphère et géomorphologie dans les sciences naturelles et de Mère Nature dans les mouvements ésotériques. Ses romans ont souvent traité du mal, de l’opposition entre la barbarie instinctive de l’homme et l’influence civilisatrice de la raison. C’est en particulier marquant dans Sa Majesté des mouches, son premier roman (1954) et son livre le plus connu. (Wikipédia)

AU CINÉMA

Trois affiches du film original de 1963 réalisé par Peter Brook avec, dans la distribution, James Aubrey, Tom Chapin, Hugh Edwards, Roger Elwin, Tom Gaman et Roger Allan.

Bonne lecture
Claude Lambert
le vendredi 14 janvier 2022