GEORGES BRASSENS, par René Fallet

LE POLISSON DE LA CHANSON

*J’ai passé, près ou loin de lui, quinze années d’amitié, d’une amitié pour laquelle je ne trouve qu’un mot d’une banalité accablante : merveilleuse.* (Extrait de : GEORGES BRASSENS par René Fallet dans son*introduction pour mieux saisir les intentions d’un auteur qui n’en avait aucune* , Éditions Denoël, 1967, 115 pages.)

Dans son récit-hommage, René Fallet témoigne de son amitié avec Georges Brassens, un monument de la chanson française. Tout a commencé en 1953 alors que Fallet publiait un article sur Brassens. Ce dernier, séduit, offre son amitié au journaliste. Depuis, la relation s’est enrichie jusqu’à la mort du poète. Ce livre est plus un hommage qu’une biographie. On y retrouve des textes, des témoignages, des anecdotes, des photographies. Fallet a choisi de mettre le mythe de côté et de se concentrer sur l’homme mettant en perspective, de façon parfois émouvante le caractère affectueux de Brassens, son petit côté drôle et libertaire.

LE POLISSON DE LA CHANSON

*J’aime mieux m’en tenir à ma premièr’ façon
et me gratter le ventre en chantant des chansons.
Si le public en veut, je les sors dare-dare,
s’il n’en veut pas je les remets dans ma guitare.
Refusant d’acquitter la rançon de la gloire,
sur mon brin de laurier je m’endors comme un loir.
Trompettes
de la renommée,
vous êtes
bien mal embouchées!
(Extrait de la chanson LES TROMPETTES DE LA RENOMMÉE
sortie en 1962. Paroles et musique : Georges Brassens, du
9e album de Brassens)

J’avais hâte de vous parler de mon auteur-compositeur préféré : Georges Brassens. Mon engouement pour ce poète, ce *polisson de la chanson* a commencé très tôt : 1964, j’étais en 3e année à l’école primaire Saint-Maurice de Shawinigan. Le conjoint de mon enseignante, Yvon, me donnait, une fois par semaine, des petits boulots à faire à son club de céramique à l’aréna de Shawinigan.

Un samedi matin, en longeant le long couloir menant au club, j’entends une chanson. Le tourne-disque d’Yvon était aussi précieux que ses céramiques et il ne se gênait pas pour l’utiliser à volume élevé quand il était seul au club à préparer ses cours.

À l’approche de l’atelier, j’ai accroché non sur la voix du chansonnier mais sur les paroles de sa chanson : *Trompettes de la renommée, vous êtes bien mal embouchées! Le ciel en soit loué, je vis en bonne entente avec le Pèr’ Duval, la calotte chantante, lui, le catéchumène, et moi, l’énergumèn’, il me laisse dire merd’, je lui laiss’ dire amen…* (extrait : LES TROMPETTES DE LA RENOMMÉE).

En entrant dans le local, on se salue et je lui demande qu’est-ce que c’est que cette chanson? C’est là qu’il a commencé à me parler de Georges Brassens, un nom qui ne disait rien aux jeunes de mon âge et pourtant, je commençais à beaucoup m’y intéresser. Depuis, la force d’attraction de Brassens n’a cessé de croître sur moi.

Pour moi, comme pour la plupart de ses fans d’ailleurs et même pour ses amis, Brassens était un personnage singulier, énigmatique, secret. Même dans le monde du spectacle, Charles Aznavour disait de Brassens qu’il était à part. À Bobino, dont il avait fait pratiquement son quartier général, Georges Brassens se présentait sur une scène dépouillée, avec un seul accompagnateur : un contrebassiste.

Comme équipement : sa guitare bien sûr, une chaise pour y poser le pied. Attendant, déjà en sueur dans son veston un peu froissé et sa cravate ample…lorsque le rideau se levait, il était parti pour la gloire de divertir un public déjà conquis, venu applaudir le polisson de la chanson.

*Ses contemporains respirent en lui comme un parfum d’autrefois, un revenez-y de douceurs disparues…Georges Brassens est un homme de qualité. Cette qualité est son plus beau costume de scène. Cette qualité du texte de la pensée est la plus fière marque de respect que l’on puisse  donner à un public. Les marques extérieures n’existent pas auprès de celle-là…*

Brassens était un poète complet comme il ne s’en fait pas beaucoup. Chacune de ses chansons est un univers à explorer et à décortiquer. C’est précisément ce qu’a fait René Fallet dans son petit volume : un commentaire pour chaque chanson à la façon bien particulière de Fallet…colorée, originale, enveloppée de poésie vivante, celle si chère à Brassens. Et plus encore, Fallet enrichit son texte d’une chaleur enveloppante et d’une extraordinaire sincérité.

J’aurais aimé être l’ami de Brassens…tout le monde aurait aimé être l’ami de Brassens…mais voilà, c’était pas donné à tout le monde. Je vous invite donc à connaître Georges Brassens ou à renouer avec celui qui nous a laissé un héritage poétique et culturel d’une exceptionnelle profondeur et d’une magnifique beauté à travers l’amitié que lui vouait René Fallet.

Suggestion de lecture : GEORGES LUCAS UNE VIE, de Brian Jay Jones

René Fallet (1927-1983) était un écrivain et scénariste français. Après sa démobilisation en 1945, il publie son premier recueil de poèmes. Les années qui suivent seront consacrées à l’écriture, à la critique et aux voyages. En 1952, il entre au CANARD ENCHAÎNÉ, célèbre hebdomadaire satirique français. En 1953, il rencontre Georges Brassens.

Ce sera le début d’une belle et longue amitié. Il se marie et entre temps reçoit le prix du roman populiste pour ses trois premiers romans BANLIEUE SUD-EST,  LA FLEUR ET LA SOURIS et PIGALLE. En 1964, son fameux roman PARIS AU MOIS D’AOUT, qui lui rapporte le PRIX INTERALLIÉ lui assure prestige et notoriété.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
FÉVRIER 2016

2 réflexions sur « GEORGES BRASSENS, par René Fallet »

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