LE JOUR DES FOUS, D’EDMUND COOPER

 …Au cours de cette même nuit, ce qui restait
du village d’Ambergreave agonisait – une
agonie violente et grotesque, même pour
un monde transnormal…
(extrait de LE JOUR DES FOUS de Edmund Cooper,
Marabout, coll. Poussière d’Étoiles, 1966)

Les scientifiques constatent une augmentation spectaculaire des suicides en Angleterre. Le phénomène s’étend et devient mondial. Les suicidés se chiffreront bientôt par centaines de millions. Les savants qui ont nommé cette tendance *SUICIDE RADIEUX* arrivent à la conclusion que le soleil émet des radiations nouvelles et inconnues qui poussent au suicide.

Pour des raisons inconnues, seuls étaient épargnés les  fanatiques, obsédés, déficients, les idiots, maniaques homicides  et dépravés. C’est tout ce qui restait pour assurer la survie du genre humain. Mais dans ce chaos, il reste un homme qui semble lucide : Mathew Greville, condamné à survivre dans un monde livré à la démence…

Bien que le sujet du livre soit surexploité, *élimé*, usé à la corde, il y a une certaine originalité dans le traitement. Les radiations Oméga n’épargnent que les cinglés, les inadaptés et les dégénérés.

Ce n’est pas vraiment idéal pour rebâtir un monde. Mais l’auteur a bâti son histoire sur deux exceptions : le héro de l’histoire, Mathew Greville, un macho misogyne et égocentrique et Liz une bête de sexe mais qui a une certaine grâce et qui, avec une infinie patience, apprivoise Greville qui tombe graduellement amoureux.

Ensemble, ils devront survivre dans un infernal chaos, affrontant de cruelles bandes organisées dans un monde sans loi, devenu terne et sans morale. Même s’il y a beaucoup de *déjà vu* dans ce livre, l’histoire est imprégnée d’un caractère très fort qui explique probablement pourquoi LE JOUR DES FOUS compte parmi les meilleurs romans d’Edmund Cooper.

C’est sans doute le roman le plus grinçant de l’œuvre de Cooper. L’action est rapide, agressive. Le traitement est minutieux et fort. J’ajouterai que le portrait que livre l’auteur de la nature humaine quand celle-ci est confrontée à l’horreur et la déchéance est d’un réalisme qui m’a séduit, et ce, je le rappelle, même si le sujet est archi-usé (c’est le petit défaut de sa qualité).

En fait je m’étais dit dans les premières pages…*flute…encore du post-apocalyptique* mais je n’ai jamais regretté d’être allé jusqu’au bout pour les raisons que j’ai déjà mentionnées et aussi à cause de la brillante imagination qu’a déployé l’auteur pour donner à ses héros l’impulsion et la force d’organiser la survie et de rebâtir un monde qui, en bout de ligne, trouvera peut-être son second souffle.

J’ai senti une certaine aisance de l’auteur à supprimer le monde normal pour le livrer à des déséquilibrés et à des cerveaux dans lesquels le génie chevauche la folie…des restes d’humains que l’auteur appelle des *Trans normaux* . Je crois que l’auteur a voulu démontrer qu’entre un fou et un être normal, la différence peut-être négligeable dans un monde post-apocalyptique ou la seule préoccupation est de survivre.

Je cite ici en terminant, un propos de Paul, membre du triumvirat qui dirige les ANARS, le troisième et dernier groupe qui recueille Mathew et Liz. Il dit, avec une agressive honnêteté*Nous sommes à ce point cinglés que pour nous, la folie multipliée par mille représente la normale*. Une telle confession ne serait-elle pas le début d’une certaine sagesse?

C’est le cas je crois et c’est le défi du livre et de ses deux héros…rebâtir avec ce que l’on a et avec ce que l’on est.

Suggestion de lecture : VOL AU-DESSUS d’UN NID DE COUCOU de Ken Kesey

Edmund Cooper (1926-1982) est un écrivain de science-fiction britannique.. Sa carrière de romancier débute vraiment au milieu des années 1950 et il se spécialisera rapidement dans le roman cataclysmique. LE JOUR DES FOUS est son œuvre marquante, sa plus grande réussite. La plupart de ses romans sont plutôt noirs, citons LE DERNIER CONTINENT publié chez Marabout, LA DIXIÈME PLANETE publié chez Denoël  et L’EMPREINTE DE VÉNUS, publié chez Lattès.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
MAI 2014

AU-DELÀ DE LA PEUR, livre de NANCY TAYLOR ROSEMBERG

*…Elle sortit le revolver de sa poche et
l’empoigna fermement en visant la
porte d’entrée.
-Essaye donc de revenir ici espèce de
salaud, dit-elle les dents serrées, je ne
te manquerai pas…*
(extrait de AU-DELÀ DE LA PEUR, de
Nancy Taylor Rosenberg, Flammarion 1997)

Ann Carlisle, agente de probation du comté de Ventura en Californie est blessée par balle. Dès lors, sa vie bascule dans l’horreur. Elle est harcelée, attaquée dans sa propre maison et terrorisée par des menaces qui pèsent sur elle et sur son jeune fils David. Les soupçons portent sur le jeune Sawyer, un dealer dont elle a la responsabilité comme agente de probation. Mais est-ce bien lui? Les preuves sont très difficiles  à établir, et puis il y a…d’autres possibilités, aussi horribles …sinon pires. Le principal défi pour Carlisle : rester en vie.

AVANT-PROPOS :
RÔLE DES AGENTS DE PROBATION :

Les agents de probation ont le mandat légal de favoriser à la fois la protection de la société et la réinsertion sociale des contrevenants. À la demande des juges, ils préparent des rapports présentenciels  sur les personnes reconnues coupables, évaluent pour elles les possibilités de réinsertion sociale et préparent des recommandations sur les possibilités et les risques d’une libération conditionnelle.

Pour ce qui est du lien avec le livre de Rosenberg, il faut surtout noter l’importance des rapports présentenciels et le fait que l’agent de probation garde un rapport constant avec les personnes contrevenantes et qu’ils en assument la responsabilité légale…

 Un métier à risque…

Ce livre ne m’a pas empêché de dormir mais il m’a quand même tenu en haleine, spécialement dans la seconde moitié où Rosenberg pousse le lecteur à jongler avec les multiples possibilités de trouver le coupable. Donc l’histoire n’est pas trop prévisible. La faiblesse du livre réside dans les nombreuses situations tirées par les cheveux qu’on y trouve.

Il y a en effet des passages abracadabrants qui donnent envie d’escamoter quelques pages. Le hasard est un peu surexploité. Je dirais toutefois que cette faiblesse n’est pas une constante dans l’histoire mais elle me laisse supposer qu’il ne resterait plus grand-chose à faire pour adapter l’ensemble au cinéma.

Je crois que la force du livre réside dans l’originalité du sujet. En effet, l’héroïne de l’histoire est une agente de probation, Ann Carlisle qu’on essaie de rendre folle par des moyens obscurs. L’auteure Nancy Taylor Rosenberg en sait long sur la question puisqu’elle a été elle-même agente de probation.

À ce titre elle a eu à traiter de nombreux cas de meurtres et de crimes à caractère sexuel. Malgré de nombreux passages invraisemblables dans l’histoire, elle pousse le lecteur et la lectrice à s’interroger sur le rôle souvent ingrat des auxiliaires de la justice.

On est très loin du chef d’œuvre littéraire, mais ça fait différent. En effet,  je n’étais pas fâché de lire autre chose que les exploits d’un inspecteur de police du style Colombo à l’intuition infaillible et qui a réponse à tout. Bref, AU-DELÀ DE LA PEUR est un suspense assez efficace…un livre divertissant.

Suggestion de lecture : LE CHUCHOTEUR , de Donato Carrisi

Nancy Taylor Rosenberg est née en 1946. Elle a travaillé pendant 14 ans dans la police et les milieux juridiques américains où elle évoluait comme agent correctionnel et de probation. Elle a publié son premier livre en 1993. Plusieurs de ses romans ont été bestseller dont AU-DELÀ DE LA PEUR et traduits dans le monde entier. Elle a écrit entre autres LA PROIE DU FEU et POUR QUE JUSTICE SOIT FAITE.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert

mai 2014

1984, le grand classique de George Orwell

…*C’était lui qui décidait à quel moment on devait
le faire crier de souffrance…à quel moment on devait
lui laisser un répit, quand on devait lui injecter une
drogue…c’est lui l’inquisiteur…
…nous sommes des morts dit-il…*
(extrait de *1984* de George Orwell, 1949 BeQ) 

1984, Londres fait maintenant partie d’un pays dirigé par un parti unique qui impose un régime totalitaire extrêmement oppressif. Aux lendemains d’une guerre nucléaire, un fonctionnaire, Winston Smith est chargé de modifier, trafiquer et réécrire l’histoire afin qu’elle concorde avec l’idéologie du parti. Avec son ami Julia, Winston décide de défier les règles. Ils seront tous les deux interceptés et reconnus coupables de pensée criminelle par la police de la pensée. Winston en particulier devra faire face aux terribles secrets qui hantent les couloirs du redoutable Ministère de l’Amour…pas de place dans le régime pour les sentiments.

En lisant *1984*, j’ai eu l’impression de manquer d’air…une sensation d’étouffement…un peu comme un claustrophobe qui lit une histoire qui se déroule dans un sous-marin qui prend l’eau pendant une plongée…pas étonnant…Orwell évoque dans *1984* un véritable cauchemar :  une dictature ultra-totalitaire oppressive et répressive qui fait de ses citoyens un véritable peuple de moutons sans âme, sans avenir et sans espoir.

Il m’a semblé évident qu’Orwell s’est basé sur la politique soviétique pour bâtir son histoire et plus précisément sur le régime stalinien mais il y a ajouté des trouvailles qui défient l’imagination. Par exemple, ces fameux paradoxes qui atteignent des sommets de dérision : le ministère de la vérité qui glorifie le mensonge, le ministère de l’abondance qui administre la famine, le ministère de la paix qui gère la guerre et…la cerise sur le gâteau… le ministère de l’amour qui torture les opposants au régime.

UNE PURE DYSTOPIE

Il y a aussi Big Brother…personnage emblématique et virtuel qui a un œil sur la vie et les pensées de chaque citoyen et qui semble avoir comme objectif de retirer à chacun toute individualité.

Autre exemple : LA NOVLANGUE, la seule langue de communication autorisée par le régime. La novlangue dépouille entièrement le langage de tout ce qui pourrait avoir un caractère subversif selon le régime. Donc le nombre de mots est réduit au minimum…plus de synonymes, pas de figures de style ni d’expressions, plus de couleur…bref ça donne un langage de communication d’une froideur incroyable. Orwell consacre un appendice très détaillé sur la novlangue à la fin de son livre.

*1984* évoque une dystopie pure et dure dans laquelle des besoins aussi élémentaires que le bonheur et l’amour contreviennent aux règles du parti. Pas de place pour les sentiments dans un monde où même les enfants dénoncent leurs parents. Ça vous donne une idée de l’esprit de famille…

Tout au long de ma lecture, j’ai senti la réprobation et l’amertume de l’auteur. Je n’ai donc pas été surpris qu’il ait voulu trop en mettre. En effet, il y a dans son livre des longueurs parfois exaspérantes et des passages creux. La dernière phrases du livre m’a littéralement coupé le souffle…c’est le moins que je puisse dire.  Je ne vous livrerai pas cette phrase ici, mais elle m’a laissé amer… j’aurais souhaité autre chose.

Comme probablement beaucoup de lecteurs et lectrices, j’ai davantage apprécié la réflexion à laquelle ce livre m’a poussé que sa lecture elle-même. Malgré ses petits travers, *1984* demeure un incontournable emblématique de la science-fiction.

Suggestion de lecture : L’INQUISITEUR de Henri Gougaud

George Orwell a une longue histoire, mais je retiens ici le fait qu’il a été sergent dans la police impériale Birmane pendant cinq années au bout desquelles il a démissionné parce qu’il était en désaccord total avec l’idéologie oppressive qui sévissait dans la première moitié du 20e siècle dans ce pays. Sans doute y puisa-t-il toute son inspiration. Après la 2e guerre mondiale, il a travaillé pour la BBC et il rédigea ses deux plus célèbres romans : *LA FERME DES ANIMAUX* et *1984*. George Orwell est mort en 1950, emporté par la tuberculose avant même qu’il puisse prendre connaissance de la publication de *1984*.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
MAI 2015

à lire en complément…

CAUCHEMAR TOTALITAIRE

Cauchemar totalitaire

Amis lecteurs, amies lectrices, bonjour.

Comment vous sentiriez-vous si vous viviez  dans un pays imposant un régime totalitaire reprenant les travers les plus sordides et oppressifs du nazisme et du stalinisme, un régime sans humanité où même vos propres enfants n’hésiteraient pas à vous dénoncer et vous livrer à la torture et au lavage de cerveau…???

Dans un article un peu plus long qu’à l’accoutumée, je vous invite à plonger dans l’univers dystopique de *1984*, œuvre emblématique de la science-fiction écrit par George Orwell.

Lisez mon article et n’hésitez pas à me faire part de vos commentaires.

Bonne lecture.

JAILU